Oserez-vous rouler en jupon ? La Marseillaise Alexandra Rigo a créé les premières jupes de protection de scooters et trottinettes. Unisexes, colorés et stylés, les produits Jup’On sont fabriqués à Marseille, dans une démarche écoresponsable.
« J’ai un casque à paillettes, j’avais envie d’avoir quelque chose d’assorti », s’amuse Alexandra Rigo. Rouler stylé, confortablement et en sécurité, c’est la promesse de Jup’On, sa jeune marque de jupes de protection pour les scooters.
L’idée est née d’un besoin personnel. « Ça fait plus de 15 ans que je roule en scooter et je n’ai jamais trouvé l’accessoire qui me convenait. Le modèle universel n’est pas vraiment adapté. Si on veut quelque chose d’adapté à chaque véhicule, ça devient très vite onéreux. D’autre part, les produits que l’on trouve actuellement sur le marché ne me plaisent pas esthétiquement, c’est souvent noir, pas fun, et sans être une fashion victim, j’aime bien ce qui est un peu looké », poursuit la fondatrice de Jup’On, dont le nom est inspiré d’un vêtement aussi français que vintage, le fameux jupon.
Aux prémices de la marque
Avant d’être entrepreneure, Alexandra a longtemps été de l’autre côté, dans un rôle de conseil. En 18 années passées au sein de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence, cette spécialiste du marketing et de la communication, qui a accompagné un grand nombre de jeunes patrons avait envie de passer à l’action.
À ses débuts, en charge du World Trade Center et de clubs d’entreprises, elle est amenée à traiter des sujets liés à la gestion des déchets ou encore à la mobilité au sein des zones d’activités. « À ce moment-là, je me suis vraiment intéressée aux questions de développement durable et d’économie circulaire », raconte Alexandra. Avec son diplôme en management et économie circulaire en poche pour parfaire ses connaissances, elle devient dès lors « référente » RSE au sein de la chambre consulaire.
Dans le même temps, avec quelques talents de couturière hérités de sa mère et de sa grand-mère, elle confectionne ses équipements de scooter. Ses premières jupes pratiques et sympas tapent déjà dans l’œil de certains usagers de la route. « Quand j’ai décidé de changer d’orientation, je voulais m’éloigner du milieu du conseil et faire quelque chose de concret en y apportant toute mon expertise. Alors, en quittant la Chambre, je me suis dit que c’était le moment d’explorer cette idée-là, parce que je sentais qu’il y avait un potentiel ».
La couleur, c’est déjà novateur
Le produit phare de Jup’On (littéralement jupes au-dessus), est une jupe unisexe qui, à la manière d’un tablier de cuisine, se fixe à la taille avec un simple bouton pression, plutôt que sur l’engin. Une fois son trajet terminé, au lieu de rester sur le véhicule, l’équipement se plie facilement dans le pochon destiné à cet effet et peut se ranger sous la selle ou dans le top-case. « Ça fait 500 grammes, donc ce n’est pas encombrant et c’est aussi étudié pour conserver la liberté de mouvement, avec une fente devant et une poche ».
Alexandra a d’abord misé sur un produit confortable, pratique et de bonne qualité, qui permet également de rouler en toute sécurité. « Les utilisateurs de trottinettes vont aussi adorer », assure-t-elle.
Le plus ? C’est la touche fun et colorée ! Chez Jup’On, 8 coloris différents. « Il faut savoir que dans l’univers des deux-roues, c’est déjà hyper novateur », ajoute Alexandra, qui a fait de l’écoresponsabilité l’un des piliers de sa marque.
En route vers l’éco-responsabilité
Du choix du design éco-conçu à la fabrication 100 % locale, la démarche engagée est déclinée sur toute la chaîne de valeur. « J’ai optimisé la matière et essayé de réduire au maximum les chutes et les rebuts de tissu ».
Aujourd’hui, faute de trouver un équivalent à un tarif correct, le modèle phare est en polyester. « C’est une matière imperméable et déperlante, doublée en polaire et qui a fait ses preuves en termes de performances techniques. Elle est, par exemple, utilisée pour les vestes de skis », justifie Alexandra, dont l’objectif est de proposer à terme des produits 100 % en matière recyclée.
À ce stade de son développement, il n’y a aucun emballage, seulement le pochon qui sert de sac de transport pour la jupe. Pas de stock inutile ni d’invendus non plus, pour une production et une consommation justes.
L’ensemble des produits est, quant à lui, fabriqué au sein de l’atelier La Ficelle à Marseille. « Il a été très à l’écoute et flexible. L’équipe a cru en mon projet. Et dans ma démarche engagée, ça me tenait à cœur de soutenir l’économie sociale et solidaire, et l’emploi », souligne Alexandra, qui travaille sur un futur produit entièrement upcyclé. Un modèle mi-saison en jean recyclé. La première collection capsule pourrait sortir de l’atelier marseillais 13’Atipik, spécialisé dans ce type de commandes.
Alexandra planche aussi sur des manchons en néoprène, issus de combinaisons invendues ou inutilisables fournies par Beuchat, l’équipementier phocéen de plongée sous-marine. « Je n’ai pas trop à rougir de mon approche écoresponsable, estime Alexandra. Jup’On peut déjà s’afficher aujourd’hui comme la seule marque de produits de scooter écoresponsable ». Et même conçue pour lutter contre les regards indiscrets, afin de permettre aux femmes de rouler en toute liberté, en robe ou en jupe, sans malaise.
Du Trophée Gustave à la conquête de l’Europe
À Marseille, Jup’On est déjà commercialisé dans différentes boutiques, à l’instar de Moto Moretti, GassWatt, spécialiste des deux-roues électriques, dans des concept-stores comme For Atao sur le Vieux-Port, l’Entrepôt au cours Julien ou encore les Créateurs à Aix-en-Provence. Alexandra Rigo a également signé un partenariat avec la Mutuelle des motards qui va communiquer sur les produits de cette jeune marque, qui a bien failli ne jamais voir le jour.
Il y a un peu plus d’un an, Alexandra est « à deux doigts de lâcher l’affaire, car je trouvais que ce n’était pas viable économiquement ». Accompagnée dans son projet par l’incubateur Les Premières Sud, elle candidate au Trophée Gustave (en hommage à Gustave Eiffel). Porté par les Foires de France, ce concours récompense les innovations locales. « J’ai gagné », se remémore-t-elle, avec le sourire. Invitée à présenter ses produits à la Foire internationale de Marseille, « j’ai dû tout lancer en mi-série, et j’ai même fait quelques ventes, ça m’a vraiment boosté pour poursuivre ».
Cette distinction lui confère une belle visibilité, en lui permettant de présenter les articles Jup’On sur deux autres foires de France (Bordeaux, Nantes et Marseille de nouveau en septembre 2023). Même si elle n’a pas remporté la grande finale nationale qui s’est tenue hier à Bordeaux, ce prix est « un beau cadeau » pour Alexandra qui ambitionne de faire circuler sa marque dans d’autres villes françaises, voire de conquérir le marché européen en Jup’On. Eh oui, il est bien révolu le temps où les jupes étaient un frein au succès !