Événements, création d’un espace inclusif, exposition d’exception… Pierre-Olivier Costa, nouveau président du Mucem, dévoile ses ambitions pour renforcer l’ouverture du musée national à tous les publics, 10 ans après Marseille, Capitale européenne de la culture.
2013-2023 ! Cette année, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) fête ses 10 ans d’existence. Pour le nouveau président du Mucem, Pierre-Olivier Costa, célébrer cet anniversaire a toute son importance, d’autant qu’il marque également celui de Marseille, Capitale européenne de la culture.
Le Mucem en est un exceptionnel héritage. « La réputation de ce musée est très forte. La vraie réussite du Mucem est d’être devenu, en quelques années, un lieu populaire, emblématique de Marseille. Aujourd’hui, un touriste va visiter Notre-Dame de la Garde, le Vélodrome et le Mucem. Personne n’estime que c’est un lieu accessoire à la ville, il est au contraire très central pour l’ensemble des activités culturelles et économiques de ce territoire », livre Pierre-Olivier Costa, depuis le toit-terrasse de l’édifice, entouré de sa dentelle en béton dessinée par l’architecte Rudy Ricciotti.
Pourtant, en prenant le pouls du territoire, il a perçu chez les acteurs culturels une certaine déception. Alors que MP2013 apparaît comme le symbole d’une belle réussite collective, aucun événement en vue pour faire battre à nouveau le cœur de la cité phocéenne dix ans plus tard. « C’est comme si tous les regards se tournaient vers le Mucem pour porter cet héritage et cet esprit de 2013. Alors, on s’est lancé dans une aventure audacieuse avec une programmation particulière à l’occasion de cet anniversaire ».
Qu’est-ce que le Mucem ?
À la tête du musée national depuis un peu plus de quatre mois, Pierre-Olivier Costa a exploré les riches collections nichées au cœur des réserves de la Belle de Mai, échangé avec les 146 agents et même organisé un séminaire, une grande première dans l’histoire du lieu, pour répondre à cette unique question : “qu’est-ce que le Mucem ?”. « Je pense que l’identité du Mucem se trouve dans sa capacité à faire venir des publics qui ne vont pas dans les autres musées nationaux », expose le président, qui entend faire résonner sur le territoire la « démocratisation culturelle ».
Ancré dans la cité phocéenne, trônant sur l’esplanade du J4 face à la mer, le Mucem enregistre 1,2 million de visiteurs chaque année. Il a retrouvé son taux de fréquentation d’avant-crise sanitaire. Parmi eux, 25% sont des Marseillais. Une part que le nouveau patron des lieux ambitionne d’augmenter avec une stratégie ambitieuse dont le fil conducteur réside dans la volonté de renforcer son ouverture à tous les publics.
De nouvelles animations pour rendre accessible la culture pour tous
Pour s’adresser à tous ces visiteurs potentiels et permettre aux Marseillais, quels que soient leurs quartiers, de s’approprier ce joyau culturel qui leur appartient, le Mucem va dans un premier temps dépoussiérer sa communication, principalement celle de ses expositions pour « avoir des adresses plus lisibles pour le public ».
Un conseil des publics va également être installé. Composée d’associations, de citoyens… cette instance ouverte pourra se réunir en dehors du Mucem et a vocation à « nous challenger, pour savoir si ce que l’on fait correspond à une réalité de terrain ».
Pour être plus accessible, la signalétique et les sens de circulation vont aussi être revus. La possibilité de déplacer l’entrée du côté de la librairie, face à la grotte Cosquer, est à l’étude avec Rudy Ricciotti. Cette réorganisation a aussi pour but d’indiquer que le Mucem n’est pas une forteresse inaccessible aux personnes en situation de handicap.
Si le lieu est adapté aux personnes à mobilité réduite, l’équipe souhaite aller plus loin, en créant un espace inclusif au fort Saint-Jean. Une aire de jeux, conçue par un artiste-designer, pour faire disparaître la barrière du handicap entre les enfants est ainsi à l’étude. La chapelle et d’autres espaces vont reprendre vie régulièrement au rythme d’activités culturelles pour multiplier les lieux d’animations, avec par exemple l’annuelle fête des plantes, ou même l’organisation d’un marché.
Pour assurer son rôle social, une réflexion pour construire une offre à l’attention des publics psychiquement fragiles est en cours. Le Mucem travaille avec l’AP-HM et Aix-Marseille Université sur un grand plan autour de la santé mentale « pour s’adresser à un public que la culture peut aider pour aller mieux ».
La plus importante collection d’Europe mise en lumière
Pour Pierre-Olivier Costa, le Mucem dispose aussi d’un sérieux atout pour « toucher les publics » : sa collection foisonnante, la plus grande que possède un musée de société d’Europe. Elle compte quelques millions de pièces, des objets du quotidien qui ont vécu avec les hommes, transmis de mains en mains, participant ainsi à un récit de vie. « Elle a un caractère profondément accessible, même pour les non-familiers des musées », estime-t-il.
Un fonds unique, envié par tous les musées ethnographiques du monde, qui circule beaucoup dans d’autres pays et presque invisible dans ses murs. 60% des expositions réalisées ces dix dernières années ne comportent très peu ou aucune de ces œuvres. « Pour cette année, l’idée est d’inverser cette tendance et de faire venir cette collection au cœur du musée ».
L’équipe scientifique planche sur une fine sélection pour préparer une exposition permanente qui sera inaugurée en décembre 2023 avec un millier de pièces. « Il y a un souhait de revendiquer cette collection et d’accepter son caractère émotionnel plus que démonstratif. Il faudra de la pédagogie, travailler sur la présentation et sur une scénographie avec des codes qui ne sont pas forcément ceux des expositions traditionnelles pour avoir un public beaucoup plus élargi », poursuit le président qui ne perd pas de vue son objectif.
Autre temps fort à l’occasion de cet anniversaire, des journées portes ouvertes organisées au mois de juin au Mucem et sur l’esplanade du J4, avec de « nombreuses surprises » au programme. Puis de juin 2023 à juin 2024, les mois seront « émaillés de propositions pour célébrer tout ce qu’est le Mucem pour le territoire. On va parler architecture et urbanisme, de la jeunesse… de grandes causes qui nous tiennent à cœur et qui sont des projets culturels ». Et bien sûr de la Méditerranée, dont le Mucem est « un élément fédérateur ».
À partir de 2024
2024 lancera sa nouvelle forme de jumelage, le “Mucem-Tamdem”, une collaboration renforcée d’un an avec une ville de Méditerranée, en impliquant les associations, les acteurs institutionnels et économiques.
Faire un musée vert et bleu
Dans une démarche durable, la durée des expositions sera prolongée de plus de quatre mois. Les expositions devront reprendre obligatoirement au moins 50% de la scénographie précédente. Fermeture des expositions à 17h30 du 15 novembre au 15 février au lieu de 18 heures. 50% des ouvrages d’expositions ne seront plus blister plastique. La diminution drastique de l’utilisation de plastique deviendra un critère pour l’attribution des concessions (librairie et restaurant).