Depuis quelques jours, plusieurs créations en céramique sont apparues sur les trottoirs de Marseille. Derrière ces « pansements de rue », se cache le street artist Ememem, qui colore avec poésie les villes dans lesquelles il passe.
Vous les avez peut-être aperçues ou enjambées sans les voir en foulant les trottoirs marseillais. Depuis une dizaine de jours, des compositions en céramique sont apparues, comblant les fissures et nids-de-poule dans différents quartiers du centre-ville. Ces œuvres hautes en couleur sont signées Ememem, un street artist lyonnais adepte du « flacking ».
Un terme inventé par l’artiste lui-même pour définir son médium artistique, inspiré de la méthode japonaise du kintsugi, qui consiste à réparer des contenants brisés en recollant leurs morceaux à l’aide de poudre d’or. Dans le flacking, il n’est pas question de vases ni de métaux précieux, mais de fissures et de nids de poules, qu’Ememem remplit de matériaux réutilisés : pâte de verre, morceaux de céramique, chutes de carrelage…
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Le flacking, un acte poétique
La majorité de ces compositions, conçues in situ en une nuit et sans autorisation, peuvent être trouvées en flânant dans le 6e arrondissement de Marseille. Au centre du cours Julien, près de la fontaine, trône à présent une dalle colorée avec, en son centre, un message destiné à toutes celles et ceux qui le lisent : « Appelle ta mère ».
Ememem se serait aussi attelé à la rue Fongate, à la rue des Trois-Mages, ainsi qu’à la corniche Kennedy, face à la mer, ou encore au boulevard d’Athènes, près de la gare. Des œuvres éphémères qui naissent spontanément et disparaissent parfois : vouées à l’agitation des rues, deux des créations marseillaises de l’artiste auraient déjà disparu.
Tel un « chirurgien des trottoirs », Ememem s’attelle à raccommoder les blessures de la ville, peu importe leur taille. « C’est un acte poétique et une manière de rendre beau ce qui est cassé », indique Edwige Michelle, membre de l’équipe de l’artiste qui souhaite conserver le mystère sur son identité. Comme une sorte de « commémoration des petits accidents de la rue », le céramiste urbain « laisse toujours une trace de ce qui s’est passé, en le sublimant. Ce n’est pas réparé comme si de rien n’était ».
« Gros coup de cœur » pour Marseille
En sept ans de cette pratique sauvage, Ememem aurait ainsi réalisé « plus de 500 œuvres en Europe », poursuit Edwige. La plupart se concentrent à Lyon, son terrain de jeu d’origine, mais aussi à Paris, Arles, Sète, Besançon… ainsi que dans d’autres pays où il est invité à l’occasion de festivals de street art et d’art contemporain, comme en Norvège, en Écosse, en Irlande, en Allemagne, en Italie ou en Espagne ».
Mais l’artiste aurait eu un « gros coup de cœur » pour la cité phocéenne, comme en témoignent ses huit œuvres posées en une semaine à Marseille. « C’est la première fois qu’il fait autant de flacking dans une ville en si peu de temps ! », confie Edwige.
« Il a adoré Marseille et ses trottoirs qui avaient plein de choses à dire, il ne savait plus où donner de la tête. Les rues marseillaises lui ont donné beaucoup de choses à voir et à écouter. L’ambiance de la ville l’a inspiré, il s’est senti très à l’aise avec le brassage et le métissage de la ville. C’est ce qu’il fait dans ses œuvres en mariant les couleurs et les matières différentes qui, ensemble, donnent quelque chose de très beau ».
Après cette première escapade marseillaise, Ememem aurait encore bien d’autres œuvres en réserve. L’artiste prévoit déjà une deuxième session de flacking sur les chaussées de la ville, au printemps.