Laurent « Le Conquérant », c’est son nom. Ce sans-abri belge a posé son échiquier sur le Vieux-Port et affronte les passants en jouant jusqu’à 7 parties en même temps.
À 49 ans, ce sans-abri, qui ne passe pas inaperçu, a entamé un drôle de tour de France accompagné de chevaux, de cavaliers, de rois et mêmes de fous… Après Lyon, Montpellier et Toulouse, Laurent dit « Le Conquérant », a posé ses échiquiers sur le Vieux-Port. Depuis deux semaines, ils défient les passants avec le sourire et dans la bonne humeur, en échange d’une petite pièce.
Autodidacte, Laurent joue aux échecs depuis 38 ans. C’est derrière les barreaux en Belgique qu’il a développé un certain attrait pour ce jeu stratégique en jouant avec ses co-détenus, sans échiquier, mais seulement en notant soigneusement toutes les tactiques dans un carnet.
Un esprit libre
Depuis sa sortie de prison, Laurent a fait le choix de vivre en nomade. S’il est devenu SDF c’est par choix. Très attaché à sa liberté, il s’est ainsi lancé dans ces tournois de rues à Bruxelles puis à travers l’Hexagone qui l’ont rendu populaire sur les réseaux sociaux, alors que lui se passe aisément de smartphone.
C’est d’ailleurs, par ce canal qu’en 2021 il tape dans l’oeil du champion d’échecs Maxime Lagarde. Le grand maître international depuis 2013 et numéro un français (2019) décidé à se mesurer au Conquérant, au cours d’un duel qui se conclue par une défaite pour le Bruxellois et un match nul.
« Je ne perds presque jamais »
Sur l’ancien quai des Belges, aujourd’hui appelé quai de la Fraternité, les cessions s’enchainent. Petits et grands, débutants ou amateurs, viennent se mesurer au Conquérant de 9h30 à 17h30. S’il joue jusqu’à 7 parties en même temps, il confie pouvoir soutenir 27 parties simultanément. Et il le dit toujours avec le sourire : « Je ne perds presque jamais ».
Ce jour-là, Patrice, venu chercher des fruits et légumes sur le marché du Vieux-Port s’est arrêté pour faire une partie : « C’est génial ! Ça rassemble du monde et ça touche tous les âges ».
Laurent vit au rythme de 50 à 70 parties par jour. Il n’hésite pas à faire surveiller ses plateaux par des passants le temps d’aller se chercher un petit quelque chose à boire ou à manger, avec ce que ses partenaires de jeux lui auront laissé. Si l’argent récolté lui permet, en effet, de subvenir à ses besoins, Laurent n’hésite pas, dès qu’il le peut, à venir en aide à d’autres sans domicile fixe.
Un tournoi international d’échecs de rue
Laurent envisage de rester à Marseille jusqu’à l’automne avant de reprendre sa route direction la Côte d’Azur. L’occasion de laisser à tout le monde la chance de se mesurer à lui et de le mettre en échec. Il devrait d’ailleurs rencontrer le numéro 1 junior de Marseille dans les prochains jours pour un match d’exhibition.
Au fil de son périple, Laurent a mûri une idée. Celle de « créer le premier tournoi international d’échecs de rue ». Un projet un peu fou ? Il avance ses pions dans ce sens. Et en attendant de voir son rêve devenir réalité, Laurent le Conquérant a déjà conquis le coeur des Marseillais.