La marseillaise Aurélie De Barros a créé Les Mains de Mamie, une marque de mode intergénérationnelle dont les collections sont conçues et tricotées à la main par une trentaine de grands-mères en France.

Qui a dit que les pulls de grand-mères étaient ringards ? Rangez vos a priori au placard et laissez Les Mains de mamie vous prouver le contraire. Cette nouvelle marque marseillaise, créée par Aurélie De Barros en 2019, met en lumière le savoir-faire précieux de femmes passionnées de fils et d’aiguilles pour confectionner à la main des pièces uniques, aussi douces qu’elles sont solaires et intemporelles.

Chaque vêtement est tricoté à la commande par une membre du « Mamie gang ». Une maille à l’endroit, une maille à l’envers… un geste répété à l’infini qu’elles maîtrisent à la perfection. « J’avais sept ans quand j’ai commencé à travailler mon premier pull, c’est ma tante qui m’a appris à tricoter. Depuis, je ne me suis plus jamais arrêtée », raconte Mauricette. À 82 ans, elle a rejoint l’aventure des Mains de mamie à ses débuts.

 

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Tandis que Mauricette est occupée à rallonger la manche d’un pull, Annie prépare, avec la styliste Anaïs, un prototype de débardeur pour la prochaine collection printemps-été. La joyeuse équipe s’est installée il y a quelques jours dans son premier atelier, rue Saint-Ferréol (1er), qui se trouve être la réserve de laine de l’ancien magasin Phildar. Le quartier abritait, il y a encore quelques décennies, de nombreuses merceries : Anny Blatt, Bergère de France, Pingouin…

Pour Aurélie, c’est le destin. Elle a décidé de créer la marque en hommage à sa grand-mère Laolinda, qui exerçait en tant que petite main pour un tailleur, et est atteinte de la maladie d’Alzheimer. « Quand je l’ai appris, je me suis dit que toute cette transmission qu’elle faisait jusqu’à présent auprès de nous allait s’arrêter, se souvient l’ancienne consultante en communication. Je me suis demandée, « comment réussir à créer quelque chose avec nos aînées tout en s’amusant, tout en essayant de se stimuler créativement ? » ».

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Aurélie De Barros et son équipe

Une communauté de Mamies tricoteuses dans toute la France

Dans un premier temps, en septembre 2019, Aurélie organise des ateliers d’initiation au crochet animés par le « noyau marseillais » du Mamie gang dans plusieurs boutiques marseillaises et aixoises, comme La sélection de Sophie Ferjani. Puis vient l’épidémie de Covid-19, le confinement, et les masques, que Mamie Jo, Mamie Mauricette et Mamie Michèle fabriquent et vendent sur Internet. Avec l’agent collecté, elles créent une première collection et lancent les pulls en mohair Janine et Colette, simples et originaux grâce à leurs manches multicolores.

Depuis, la communauté ne cesse de s’agrandir : les pièces sont conçues par une trentaine de femmes entre 55 et 90 ans dans toute la France, qui réalisent des missions selon leurs disponibilités. Rémunérées sous le statut d’auto-entrepreneur, les Mamies tricoteuses touchent 30 à 40% du prix des pulls ou gilets qu’elles fabriquent, selon les pièces. En plus de leur permettre d’entretenir un lien social, c’est aussi pour certaines un moyen d’obtenir un complément financier pour leur retraite.

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Les Mamies signent chaque étiquette des pulls qu’elles confectionnent avec un petit mot.

Lutter contre la fast-fashion

Ce savoir-faire, transmis de générations en générations de femmes, a longtemps été laissé de côté au profit d’une production textile de masse pour faire place à une mode de plus en plus périssable. « On ne fait pas de l’industriel. Nous, ce qu’on veut, c’est travailler avec un système de solidarité intergénérationnelle sur un nouveau modèle de la mode et lutter contre la fast-fashion », poursuit Aurélie De Barros.

« On reprend les principes d’avant : quand on allait chez le tailleur, il nous prenait les mesures, nous confectionnait notre robe, et on revenait la chercher à la boutique. L’hiver, on portait de la laine, l’été, du crochet… c’est de tout ça qu’on vient s’inspirer. On n’a plus qu’à essayer de l’appliquer version 2023. On veut que ces pulls, nos clientes les gardent et puissent les transmettre à leur tour ».

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Aurélie, Luce et l’emblématique pull Colette.

Filer une bonne laine

De la conception des vêtements aux shootings photo, « nos Mamies sont au cœur du projet », explique la fondatrice. La confection d’une pièce prend une dizaine d’heures étalées sur vingt jours à partir de la commande, qui peut aussi être demandée sur mesure. La Mamie tricoteuse reçoit les pelotes par colis et conçoit la pièce à partir d’une fiche technique, avant de la renvoyer pour vérification à l’atelier.

« On met tellement de soin et une attention particulière dans chaque confection que ça n’a rien à voir avec un achat impersonnel sur un cintre dans une boutique », lance Annie, qui porte un chandail blanc en laine intact qu’elle a elle-même tricoté il y a trente ans. Dû au déclin de la filière laine en France, il n’existe plus aucune grande filature. Les laines de qualité utilisées par Les Mains de Mamie, principalement de la Mohair et de l’Alpaga, proviennent de filatures espagnoles et italiennes.

« Le fait de travailler avec nos aînées sensibilise sur les qualités de la laine, ajoute Aurélie. Dans un vrai bon fil, on ne transpire pas, c’est hypoallergénique. Mais nous, les jeunes habitués à la fast-fashion, on ne connaît presque que les matières synthétiques. Nous avons réappris tout ça aussi. C’est une évidence, si tu crées une marque en 2023, c’est complètement normal d’aller chercher, avec tout ce qu’il y a et tout ce que l’on sait sur la filière, de bons fils et des bons matériaux. Ce n’est même pas de la « slow fashion », c’est la base ».

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Favoriser le lien social et lutter contre l’isolement

Les Mains de Mamie tricotent point à point leur succès, et certaines pièces ont fait leur chemin jusqu’aux Galeries Lafayette à Paris. Lors d’un récent passage dans l’émission Qui veut être mon associé ? sur M6, l’équipe est parvenue à convaincre l’homme d’affaires Jean-Pierre Nadir d’investir 150 000 € contre 35% des parts du capital de la société. Avec ces fonds, Aurélie et son frère John, qui a rejoint l’aventure, comptent développer un service de personnalisation des pièces et une plateforme de communication entre les clientes et les Mamies.

Aurélie et John De Barros entendent continuer de faire grandir le Mamie gang afin d’« aider le plus de mamies possible », en évitant leur isolement et en rapprochant les générations. Si des « Mamie brunch » sont régulièrement organisés en physique et en visioconférences, l’idée, à terme, est de favoriser le lien social en organisant plus de rencontres entre tricoteuses et de « dupliquer le concept dans d’autres régions ».

Et peut-être un jour ouvrir une boutique ? « C’est un de nos grands rêves. On imagine un lieu de vie pour nos Mamies, où elles auraient le réflexe d’aller et de ne pas rester chez elles isolées, pour que ce lieu soit à elles aussi. Et que les jeunes femmes puissent aussi s’y retrouver avec un espace boutique et des ateliers animés par les mamies ».

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