La grande opération de renouvellement urbain du quartier Air Bel vient de débuter. Les craintes des habitants sont vives concernant ce chantier. La Ville promet de les intégrer à un comité de suivi.

Les applaudissements des élus présents ne couvrent pas le fracas des gravats qui s’écroulent du deuxième étage. La mâchoire de démolition de la pelleteuse vient d’entamer son « grignotage » du premier bâtiment. C’est le terme qu’emploie le directeur général du bailleur social Unicil, Éric Pinatel, pour évoquer la démolition de ces trois bâtiments pour 25 logements, qui cernent l’école élémentaire d’Air Bel.

Ce quartier, parfois surnommé « le labyrinthe », vient de fêter ses 50 ans. Il est entré dans les plans du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) en 2014. Après une longue phase au point mort, les collectivités locales et l’État se sont décidés à accélérer. Le gouvernement a notamment doublé l’enveloppe pour les 14 quartiers prioritaires de la ville. Elle atteint désormais 650 millions d’euros via l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU).

Sans compter les « 12 millions d’euros par an de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) », précise Laurent Carrié, préfet délégué à l’égalité des chances. « On a pu signer tous les contrats en six mois, au lieu de 18 à 24 mois en temps normal. Et ce matin, on démarre concrètement les opérations qui vont changer le quotidien des habitants ».

air bel, Le grand chantier de rénovation d’Air Bel débute sous la vigilance des habitants, Made in Marseille
Devant le premier chantier de démolition, les élus présentent le projet. De gauche à droite : Samia Ghali, maire adjointe de Marseille, Laurent Carrié, préfet à l’égalité des chances, Sylvain Souvestre, maire de secteur et conseiller métropolitain, Éric Pinatel, directeur d’Unicil et Thierry Santelli, vice-président du Département des Bouches-du-Rhône.

Un renouvellement de haut en bas

Le quartier devrait en effet vivre une métamorphose avec ce grand chantier estimé à 185 millions d’euros (voir encadré). Un sixième des 1199 logements seront démolis, soit 209, pour décloisonner la cité, restructurer les voies de circulations, requalifier les rues et aménager des espaces et équipements publics.

L’opération prévoit d’aménager au total, entre 1200 et 1800 m² de locaux pour relocaliser les associations ou commerces existants, et en accueillir de nouveaux.

La destruction des premiers bâtiments autour du groupe scolaire « sera finalisée en décembre », précise Caroline Massonneau, directrice du Renouvellement Urbain pour Unicil. « Dès le 1er semestre 2023, des aménagements transitoires seront réalisés par Cabanon vertical », qui a déjà réalisé de nombreux espaces dans le quartier.

 

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Mais il s’agira aussi de réhabiliter ou restructurer l’ensemble des logements existants, près de 920, en visant notamment l’excellence environnementale et énergétique. Le projet prévoit également la construction d’une vingtaine de logements neufs sur le plateau au Nord du quartier.

Le détail du financement de la rénovation d'Air Bel

  • 60,4 M€ de concours financiers validés par l’ANRU (35,6 M€ de subventions et 24,8 M€ de prêts Action Logement).
  • 2,4 M€ de subventions de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
  • 500 000 € de subventions de la Caisse des dépôts et consignations.
  • 77 M€ d’investissement des bailleurs sociaux : Unicil, Erilia et Logirem.
  • 30 M€ d’investissement de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
  • 22 M€ d’investissement de la Ville de Marseille.

Un chantier sous tension

Si les sourires étaient de mise pour inaugurer ce chantier d’envergure, cela n’a pas permis de cacher un certain nombre de points de tension. À commencer par les habitants. Ils ont obtenu par un combat tenace la signature d’une charte de relogement. Elle prévoit de les rediriger vers des habitats proches, de qualité, et surtout sans augmentation de loyer.

« Mais nous avons déjà un cas de locataire relogé dans un logement tiroir et dont le bailleur souhaite aujourd’hui lui faire payer un loyer supérieur », témoigne Djamila Haouache. Elle s’est battue pour faire adopter la charte avec son association Il fait bon vivre dans ma cité.

Elle n’est pas la seule à être venue exprimer son mécontentement. Karim, par exemple, se réjouit d’être embauché sur le chantier de démolition, « comme 4 ou 5 autres personnes du quartier ». Il dénonce cependant une gestion « déplorable » des bâtiments par les bailleurs. « Les travaux ne sont jamais faits. C’est nous qui devons les réaliser ? », lance-t-il en direction d’un représentant de Unicil.

« Nous allons faire un comité de suivi. C’est un engagement »

Critères d’attribution des logements, gestion du bâti, animation du quartier, conditions du chantier… D’autres riverains se joignent aux doléances en décrivant les multiples sujets de crispation.

La maire adjointe de Marseille, Samia Ghali, qui s’est « battue auprès du gouvernement pour faire entrer Air Bel et la Castellane dans l’ANRU », a tenu à se positionner du côté des habitants. « Nous allons faire un comité de suivi avec eux. C’est un engagement », affirme-t-elle à la presse.

« Nous, on vous accompagne », a-t-elle glissé lors de son discours. Elle pointe notamment la baisse des dotations départementales pour le renouvellement urbain « de 5 à 2 millions d’euros par quartier ». Le journal Marsactu précise toutefois que les élus de la majorité municipale ont voté cette coupe budgétaire du Département.

Le vice-président de la collectivité, Thierry Santelli, ne ferme pas la porte à « revoir le budget ». Notamment pour le rediriger « vers les copropriétés dégradées », comme le demande Samia Ghali.

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