À Marseille et à Aix-en-Provence, les abeilles servent de « drones naturels » pour mesurer la pollution aux métaux lourds. Cette expérimentation de biosurveillance devrait être prolongée.

Parmi la multitude d’acteurs et de résidents engagés dans le projet solidaire, social et culturel Coco Velten, à Belsunce, les abeilles sont, sans conteste, les plus nombreuses. Elles sont, à la louche, près de 100 000 à vivre dans trois ruches sur le toit-terrasse fleuri du bâtiment.

Et elles travaillent, comme tout le monde ici, à inventer la ville de demain. D’abord, en produisant du miel urbain. Mais aussi, plus surprenant, en faisant des relevés quotidiens pour analyser l’état de la pollution aux métaux lourds à Marseille.

« Vous voyez, à l’entrée de la ruche, elles doivent passer par ces petits trous serrés », explique Martin Antonietti, l’apiculteur amateur qui gère ces ouvrières. « Une partie du pollen qu’elles charrient tombe ainsi dans le bac en-dessous. Ces prélèvements sont ensuite envoyés en laboratoire pour analyser leur teneur en polluants ».

abeilles, Quand les abeilles servent de « drones naturels » pour mesurer la pollution, Made in Marseille
Le dispositif de collecte de pollen créé par Beeodiversity

Les abeilles s’allient aux citoyens pour surveiller la pollution à Marseille

Il y a environ quatre ans, lorsque Coco Velten lui a permis de rapatrier ses ruches familiales du Var jusqu’à Marseille où il s’était installé, il ne pensait pas que ses abeilles deviendraient les nouvelles sentinelles de la pollution.

C’est la Métropole Aix-Marseille-Provence qui l’y a invité, dans le cadre du projet Diam’s. Financé à 80 % par l’Europe, ce plan d’actions à 4,8 millions d’euros vise à déployer un dispositif de mesure participative et citoyenne de la qualité de l’air sur le territoire.

Outre les milliers de capteurs portatifs distribués à la population pour multiplier les mesures de particules fines, l’intercommunalité a décidé de financer ce projet de « biosurveillance » à hauteur de 20 000 euros. Elle a ainsi équipé des ruches urbaines en centre-ville de Marseille et d’Aix-en-Provence (Conservatoire Darius-Milhaud).

Des prélèvements sur un périmètre de 700 hectares

« L’analyse du pollen est un très bon indicateur de la pollution », explique Lise Couturier, chargée de mission environnement à la Métropole, aux manettes du projet. « On peut détecter les métaux lourds tels que le plomb, le cadmium, le zinc, le mercure, l’arsenic, le cuivre et le chrome ».

Au-delà de perturber les écosystèmes, cette pollution pose des problèmes de santé publique, avec un potentiel cancérigène. Et elle est persistante. C’est pourquoi ce dispositif vient compléter les capteurs d’analyse de l’air, qui se concentrent surtout sur les particules fines et ultrafines, dans un temps et un lieu précis. abeilles, Quand les abeilles servent de « drones naturels » pour mesurer la pollution, Made in Marseille

Le pollen, lui, est collecté puis analysé tous les 3 à 4 mois. « On ne mesure pas des pics, mais une pollution chronique sur un vaste territoire », poursuit Lise Couturier. « Les abeilles parcourent plusieurs kilomètres autour de leurs ruches pour butiner. On estime qu’elles peuvent couvrir un périmètre de 700 hectares ».

Elles agissent « comme des drones naturels », indique la société belge Beeodiversity, qui a mis au point cette solution pour collecter et analyser le pollen. Ainsi, pour les ruches de Coco Velten, la zone d’analyse couvre théoriquement les 1er, 2e, 3e, 5e, 6e et 7e arrondissements de Marseille.

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Le périmètre estimé couvert par les abeilles à Marseille

Vers la poursuite du projet de biosurveillance

Alors que le projet Diam’s touche à sa fin, la Métropole doit dévoiler prochainement les résultats précis de ce dispositif de biosurveillance. Pour l’heure, il a déjà permis de révéler « une très riche biodiversité végétale dans la ville », explique Lise couturier. « Selon l’interprétation du prestataire, elle est à mettre en partie sur le compte des très nombreux balcons fleuris ».

Côté pollution, la chargée de mission environnement affirme « qu’on ne dépasse pas de seuils limites réglementaires pour les métaux lourds. Contrairement à d’autres villes de France et même d’Europe, où Beeodiversity a déployé ces mesures ».

Des données qui peuvent aider à la mise en place d’actions pour la Métropole, par exemple sur le développement de l’agriculture urbaine. C’est pourquoi, Amapola Ventron, conseillère métropolitaine déléguée à la lutte contre les pollutions, évoque aujourd’hui « la poursuite du projet de biosurveillance ».

Alors que Coco Velten vient de voir son bail prolongé dans la durée à Belsunce, les abeilles aussi pourraient passer en CDI.

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