Studios de cinéma, plateforme logistique dédiée à la mobilité décarbonée… L’usine Saint-Louis Sucre, située sur le territoire Nord à Marseille, va connaître une profonde transformation dans les prochaines années. On vous détaille le projet.
C’est une page de l’histoire industrielle de Marseille qui se ferme. L’usine Saint-Louis Sucre, située dans le 15e arrondissement de Marseille, va connaître une profonde mutation dans les années à venir. Depuis 2015, les machines permettant de transformer le sucre roux arrivant des Outre-mer via le port de Marseille en sucre blanc pour la consommation finale, ont cessé de fonctionner. Date qui marque la disparition de la dernière raffinerie de sucre de France.
Implanté en 1857 dans la cité phocéenne, le site qui s’allonge sur 10 hectares a vécu des évolutions au fil des années. D’abord reconstruite après-guerre, l’usine a connu différentes étapes de modernisation, avec l’installation d’équipements dédiés à la cristallisation, au séchage et au convoyage, avant la construction de nouveaux silos de stockages en 1995. Saint-Louis Sucre s’est également doté d’une station d’épuration pour traiter ses rejets avant de les déverser dans le réseau d’assainissement.
Jusqu’à 200 000 tonnes de sucre brut produits par an
Au plus fort de la production, ce sont 900 tonnes de sucre brut qui sortaient de l’usine. Et jusqu’à 200 000 tonnes par an quand le site tournait en continu, jour et nuit, avec un roulement des équipes. Un produit fini ensuite distribué à une gamme de clients variés : « L’activité allait du conditionnement pour les consommateurs (morceaux, poudre…), à l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique », explique Marie-Hélène Chastan, responsable du site. À différents postes, cela fait 33 ans qu’elle travaille pour cette « grande dame du sucre » qui a fondu en raison des réglementations européennes.
Aujourd’hui, seule la fabrication de produits liquides destinés à l’agro-alimentaire et aux industries pharmaceutiques perdure sur 6 000 m2. « L’objectif est de fournir un sirop maîtrisé en termes de qualité et de sécurité alimentaire, de façon à ce que les clients puissent directement l’utiliser dans leurs process de fabrication », poursuit Marie-Hélène Chastan.
« Reconstruire la ville sur la ville »
L’activité, assurée par 6 personnes (contre 50 il y a quelques années à la belle époque), va se poursuivre tandis que le site va entamer sa mue entre les mains expertes de Brownfields. Depuis 16 ans, cette entreprise française est spécialisée dans la reconversion d’anciens sites industriels, généralement des friches urbaines, « avec l’objectif d’y redévelopper une activité économique dans la logique de reconstruire la ville sur la ville », explique Abdelkrim Bouchelaghem, directeur général et co-fondateur de Brownfields.
Il y a deux ans, le Marseillais, qui détecte le potentiel du site, entre en pourparlers avec Saint-Louis Sucre. « Autour de l’activité encore en fonctionnement, tout est en friche et ne sert plus depuis longtemps. C’est un peu du gâchis parce qu’il y a énormément de demandes en termes de parcs d’activités autour et à l’intérieur de Marseille, ce qui manque cruellement », explique ce spécialiste de la dépollution.
Brownfields rachète ainsi le site en l’état courant 2022, après qu’un arrêté préfectoral tiers demandeur a permis de transférer les obligations qui incombent habituellement au dernier exploitant au nouveau propriétaire. « Nous allons maintenant organiser son redéveloppement », indique Abdelkrim Bouchelaghem.
Une future cité du cinéma
Si les idées ne manquent pas, une seule destination a été déterminée pour cette zone inscrite dans le PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) : l’industrie et la logistique. « Alors on a cherché des activités qui correspondent, mais surtout qui ont du sens. Rapidement, nous avons analysé qu’il y avait une demande autour du cinéma. Les élus de Marseille nous ont également fait part du manque de studios de tournage et du besoin de former de nouveaux techniciens pour l’industrie du cinéma ». La municipalité du Printemps marseillais avait imaginé un temps une cité du cinéma au cœur des abattoirs désaffectés de Saint-Louis.
C’est donc, non loin de là, à Saint-Louis Sucre qu’une importante partie du site sera consacrée à cette activité et plus largement aux industries créatives et culturelles (ICC). Un développement qui s’inscrit également dans le cadre du plan Marseille en Grand, dans lequel Emmanuel Macron avait annoncé en septembre 2021, la création de grands studios de la Méditerranée.
Ce volet de la reconversion du site sera confié à un opérateur, professionnel du secteur, à savoir Provence Studios à Martigues, avec lequel les discussions sont bien avancées. Depuis son ouverture en 2015, Provence Studios s’impose comme un atout économique majeur rayonnant au-delà du Pays de Martigues. La structure, pilotée par Olivier Marchetti, va ainsi étendre son emprise sur le territoire en établissant une partie de son activité et s’installer dans les locaux d’un bâtiment vide.
Les lieux devraient être aussi occupés temporairement par les équipes de Gaumont en vue de la prochaine série d’Olivier Marchal (Bronx, 36 quai des Orfèvres…) pour Netflix. Le bâtiment pourrait également être voué à devenir une école de formation pour les métiers du cinéma. Après dépollution, les parties abandonnées devraient, quant à elles, être transformées en studios XXL.
Un pôle stratégique pour les livraisons du dernier kilomètre
Avec son emplacement stratégique et son entrée au nord, directe depuis les axes autoroutiers, le projet prévoit l’installation d’une plateforme logistique de distribution urbaine. « À partir de là, on va pouvoir dispatcher les marchandises vers des véhicules décarbonés pour des livraisons et du e-commerce en ville. Aujourd’hui, toutes les grandes métropoles se dotent d’outils comme ça pour assurer la livraison du dernier kilomètre et optimiser tous ces fluxs », reprend Abdelkrim Bouchaleghem. D’autant que les hangars sont situés à la limite du périmètre de la Zone de faible émission mobilité (ZFE-m) entrée en vigueur début septembre à Marseille.
Pour répondre à un besoin identifié, des « bâtiments multi-cellules » pourront aussi accueillir des PME-PMI à leur demande, toujours en lien avec les ICC et la logistique. « Ce sont souvent des petits bâtiments dans lesquels il y a un petit lieu de stockage, des bureaux au-dessus. Les petites entreprises aujourd’hui ont du mal à trouver ce type de lots et partent ailleurs, bien souvent à Vitrolles. L’idée c’est d’avoir un parc d’activités plus central à Marseille », ajoute le patron de Brownfields.
Plus de 50 millions d’euros d’investissement et un nouveau bassin d’emplois
L’entrepreneur mise également sur l’arrivée du tramway à Gèze en 2025, puis à La Castellane en 2029. Il circulera rue de Lyon, permettant ainsi de desservir ce nouveau parc d’activités dans lequel 700 personnes, « voire plus », pourraient travailler quotidiennement. Avec cette ambition, un espace restauration est également envisagé. De quoi, redynamiser plus encore le secteur Nord de la ville en perpétuel mouvement.
Une fois les projets concertés avec les élus locaux et actés, toutes les autorisations d’urbanisme obtenues, l’industriel espère démarrer les premières phases de ce chantier d’envergure fin 2023. Aux côtés de l’entreprise Brownfields, des investisseurs, tels que la Caisse des dépôts et consignations, la Banque européenne d’investissement, le fonds de réserve des retraites, ainsi qu’un certain nombre d’institutionnels, soit « 250 millions de fonds pour mener cette transformation ». L’opération totale est estimée à plus de 50 millions d’euros. L’équivalent d’un blockbuster… Marseille, c’est un peu Hollywood !