Marseille élabore un plan d’actions climatique pour espérer faire partie des « 30 villes neutres en carbone en 2030 » sélectionnées par l’Europe, et bénéficier d’aides financières et techniques.
9 milliards d’euros pour la neutralité carbone de Marseille d’ici à 2030. Le chiffre paraît gargantuesque. L’investissement dépasserait de loin celui des autres chantiers prioritaires de la ville : la rénovation des écoles (1,2 milliard), l’habitat ou les transports (3 milliards).
Ce budget, pour l’heure théorique, est celui du « contrat de ville climatique ». Un plan d’actions pour atteindre en 8 ans, un bilan carbone proche de zéro. Il doit être présenté d’ici à la fin de l’année à la Commission européenne.
Si elle juge cette feuille de route crédible, pertinente, convaincante, elle sélectionnera Marseille, déjà lauréate des « 100 villes neutres en carbone en 2030 », dans une liste plus resserrée de 30 villes, dévoilée en fin d’année. Ces communes bénéficieront d’un accompagnement financier et technique « privilégié », assure Fabien Perez, conseiller municipal délégué aux fonds européens, à la manœuvre sur ce dossier.
10 000 euros par habitant pour atteindre la neutralité carbone
L’Europe estime à 10 000 euros par habitant l’objectif de neutralité carbone en 8 ans. Soit près de 9 milliards pour Marseille. Elle n’entend pas financer la totalité de ce budget, mais « une partie conséquente », poursuit l’élu. Le maire, Benoît Payan, évoque quant à lui « des centaines de millions d’euros ».
Les financements européens doivent « créer un effet de levier », reprend Fabien Perez, permettant de décrocher d’autres fonds, publics et privés, et concrétiser cet objectif de neutralité carbone, aussi ambitieux que « difficile à définir », dixit le conseiller municipal aux fonds européens.
« 80 % des projets devraient être métropolitains »
Huit ans pour atteindre la neutralité carbone ? « Nous partageons tous les deux le goût du défi », lance Benoît Payan à Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Montrant l’unité derrière la question climatique, ils donnaient ensemble le coup d’envoi de la première grande réunion de travail sur le dossier jeudi 8 septembre, dans l’hémicycle municipal.
Les deux institutions en appellent à un « grand élan collectif », alliant tous les acteurs publics, privés associatifs et citoyens. Du côté de la Métropole Aix-Marseille-Provence, « je sais pouvoir compter sur sa présidente », Martine Vassal, n’a pas manqué de déclarer le maire de Marseille.
D’autant que l’institution est en charge de la mobilité, volet central dans la réduction des émissions de CO2. Fabien Perez estime que « 80 % des projets du contrat de ville climatique devraient être métropolitains ».
Des quartiers en auto-production électrique
Comme la création d’une troisième ligne de métro ? La municipalité remet aujourd’hui ce projet sur la table, arguant qu’un soutien européen pourrait concrétiser ce dossier. D’autant plus que le désenclavement des secteurs excentrés avec des transports en commun, en particulier les quartiers Nord, pourrait alléger de manière conséquente le bilan carbone de la ville.
« Il faut allier transition et justice sociale », a d’ailleurs affirmé Marie-Maud Gérard, du Geres. L’ONG de solidarité climatique prend part à la candidature marseillaise avec son projet de Service local d’intervention pour la maitrise de l’énergie (Slime). Il doit accompagner les ménages en précarité énergétique dans l’acquisition d’équipements performants.
Pour la cité de Frais-Vallon, on vise même l’auto-production d’électricité avec le projet Sirius. Comme le détaille l’adjoint à la transition, Sébastien Barles : « On va créer une centrale photovoltaïque et lancer un chantier très ambitieux d’éco-rénovation du quartier ». Un investissement de 64 millions d’euros financé par la Ville, la Métropole et le bailleur social Habitat Marseille Provence.
Voilà quelques exemples parmi les centaines de projets qui composeront la candidature marseillaise. Huit commissions thématiques vont plancher sur l’élaboration de ce contrat de ville climatique : transport et logistique, éducation et sensibilisation, agriculture urbaine et alimentation, nature en ville, décarbonation des bâtiments, transition énergétique, économie circulaire et déchets, mer et littoral.
« Marseille est presque une évidence » pour la Commission européenne
Mais quelles sont les chances de la ville d’être retenue par la Commission européenne ? Un faible réseau de transports en commun, un bâti vieillissant, la pollution maritime… À première vue, elle ne fait pas figure de bon élève sur la question climatique.
Un retard qui pourrait devenir un atout. « C’est le parcours qui sera jugé », avance Fabien Perez. L’élu en charge du dossier estime que l’Europe cherche des projets démonstrateurs pour une transition accélérée. Et duplicables sur le continent. « Une vitrine d’innovations pour atteindre la neutralité carbone ».
Le chef de la représentation régionale de la Commission européenne, Pierre Loaëc, est d’ailleurs encourageant. « On cherche des villes pionnières. Marseille est presque une évidence. Car elle concentre tous les défis : le port, l’industrie, le parc naturel, les activités tertiaires, les transports, l’agriculture urbaine… Sa transition sera scrutée par toute l’Europe, mais aussi la Méditerranée ».
Rendez-vous en décembre pour savoir si Marseille prendra la voie express pour atteindre la neutralité carbone.