Rencontre avec Gari Greù, l’un des membres du mythique groupe Massilia Sound System. Un artiste qui ne se cantonne pas à son rôle de chanteur dans ce groupe représentatif de la culture marseillaise et qui cumule au contraire de nombreuses casquettes.
« Musicien originaire de Marseille », tels sont les mots utilisés pour désigner Laurent Garibaldi, plus connu sous le pseudo de Gari Greù. Gari, comme il se fait appeler, est en effet un musicien, un chanteur, en solo mais aussi en groupe. Massilia Sound System, Oai Star, Collectif 13 : le MC mène plusieurs projets à la fois comme un « acteur de théâtre qui a quatre ou cinq pièces qu’il fait avancer de front » de son propre aveu. Et ce, sans aucune fausse note.
Il faut dire que l’artiste sait être rigoureux et mener des projets de A à Z. Des qualités qu’il a acquises grâce à ses cinq années en école d’architecture avant d’intégrer les Massilia et de tout arrêter. « Pour deux ans », comme il le pensait à l’époque, et aujourd’hui ça fait plus de 20 ans que ça dure.
Made in Marseille – Bonjour Gari. Vous jouez dans le groupe Massilia Sound System depuis plus de 20 ans. C’est énorme ! Ça vous rend fier de faire partie d’un groupe représentant une génération toute entière de Marseillais ?
Gari Greù – J’ai les deux positions. Avant de rencontrer les Massilia, j’étais fan du groupe donc je me retrouve beaucoup dans les gens qui nous suivent et qui nous entourent. Ensuite j’en suis devenu un élément. J’ai beaucoup de respect par rapport à « notre Massilia ». C’est à la fois notre famille, notre travail, notre regard sur le monde. La carrière se bâtit mais on n’est pas là pour la bâtir. On est vraiment là pour faire lâcher prise aux gens le samedi soir.
MIM – La musique et Massilia, c’est le sujet d’un film qui va sortir dans quelques mois et qui fait l’objet d’une campagne de crowdfunding. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?
GG – Christian Philibert (réalisateur et cinéaste ndlr) a profité de notre tournée de l’année 2014 pour nous suivre et faire un film sur Massilia. Il s’est lancé tête baissée là-dedans mais s’est retrouvé face à des murs au moment de chercher des financements. Ça a énervé les chourmos, ces 2 000 à 3 000 personnes autour de nous qui sont souvent structurées en associations locales et autonomes. Ils se sont dit qu’ils allaient financer le film eux-mêmes en lançant une campagne de crowdfunding et en organisant des micros événements – des projections de Christian suivis de Sound System – où les recettes partent dans la production.
MIM – Généralement, ce genre de film est une sorte d’hommage lorsque le groupe n’existe plus. Est-ce qu’il marque la fin des Massilia ?
GG – Pas du tout ! Je pense que ce qui intéresse Christian est de capter le présent, de capter ce groupe super paradoxal qui a plus de 30 ans et qui est formé par des mecs qui ne sont pas musiciens, qui sont des mecs de la rue, qui regardent les autres vivre et qui ont trouvé un vecteur musical qui leur correspond à merveille : le Sound System. Avec Massilia, il y a la chourmo, ce truc qu’on a provoqué et qui mène sa barque. Le jour où on sera plus là, ça continuera. Mais ce n’est pas que Massilia qui est comme ça !
MIM – À quand le prochain album des Massilia, le dernier baptisé « Massilia » étant sorti en octobre 2014 ?
GG – Pour le moment, on est dans la suite, chacun sur nos autres projets. On a quand même décidé de faire quelque concerts de Massilia cet été parce qu’on en a envie, qu’il y a la demande et qu’on ne va pas passer un été sans faire quelques concerts ! On ne veut plus être dans le train-train de faire un album tous les deux ans. Tôt ou tard, si un de nous a une bonne idée et qu’elle fédère les autres, en deux mois on sortira 13 chansons comme la dernière fois et ça sera reparti.
MIM – Puisque vous parlez de vos autres projets : vous préparez actuellement un nouvel album pour Oai Star prévu pour cet automne. Quel sera son message et son style ?
GG – Chaque disque de Oai Star c’est un peu comme ma récréation où je fais ce que j’ai envie. Avec ce nouvel album, j’ai tout cassé par rapport aux anciens. Je me suis retrouvé avec DJ Kayalik et Dadoo, un rappeur toulousain rencontré il y a environ un an. C’est un mec différent de moi mais avec le même regard et la même énergie.
Ce nouveau disque est un peu « hip hop/électronique d’Endoume » où on s’affranchit un peu de tout. Ce qu’on veut, c’est faire danser les gens comme on a toujours fait. On a commencé à écrire les chansons le 14 novembre donc dans un moment qui n’est pas neutre. Il exprime à la fois un besoin d’universalisme, de se resserrer et de danser tous ensemble avec nos différences.
MIM – L’année dernière, vous avez également sorti un album avec le collectif 13. Pouvez-vous nous expliquer un peu le concept et les valeurs que ça véhicule ?
GG – Ce projet a été monté il y a un an et demi avec cinq autres chanteurs qui sont comme moi, qui ont d’autres réalités et qui ont envie de pousser le truc un peu plus loin. On se croisait depuis 20 ans et on n’avait jamais pris le temps de faire un disque et de partir en tournée tous ensemble. Là on l’a pris. On en a tous tiré un bénéfice humain et artistique énorme en faisant toujours la même chose : débrider et dérider ses vendredis et ses samedis soirs.
MIM – En parallèle, vous menez aussi une carrière solo…
GG – Oui car j’avais écrit des chansons qui ne rentraient dans aucun autre projet ! Pour autant, je n’avais jamais pensé à me lancer en solo. Ça correspond aussi à l’époque où j’ai perdu mon papa et à cette période je me suis acheté un nouveau blouson, un nouveau pantalon et j’ai fait un disque. Il a provoqué un nouveau petit élément de carrière mais malgré tout je reste le même. Je suis toujours le même Gari Greù, le même MC, j’ai toujours la même manière de voir le quotidien. Je le fais simplement de façon différente. Je prends beaucoup de plaisir à faire des concerts juste guitare et voix devant 30 personnes, à faire des grosses tournées avec Massilia devant 20 000 personnes, à aller avec Oai Star devant 500 personnes, etc. C’est le luxe du membre de Massilia, de réussir à concilier un projet phare et plein de wagons cohérents entre eux et qui ne sont pas dus à des mésententes mais à une envie de mieux gérer sa carrière.
MIM – Parmi tout ce que vous avez chanté au sein de vos différents projets, quelle est la chanson qui vous correspond le plus ?
GG – Il n’y a pas vraiment de chanson qui me représente bien. Je suis la résultante d’un morceau comme « Les fracas de la Plaine » qui est vraiment une jolie chanson avec un regard posé et de « Comme un fumigène » ou « Massilia Number One » où ça explose. J’oscille entre ces deux trucs, ce mec qui peut te chanter une balade et qui peut te faire faire un pogo. C’est le Sound System qui nous a appris ça et qui nous a donné cette faculté.
MIM – Enfin, une petite question que se posent beaucoup de fans : comment est venue l’idée de votre nom de scène ?
GG – C’est une tradition héritée de plusieurs influences. Les surnoms, c’est très marseillais, provençal et populaire mais aussi très jamaïcain. Et puis c’est aussi une tradition Massilia ! Dès que quelqu’un rentrait dans le cercle, Lux B (ancien membre des Massilia décédé en 2008 ndlr) le baptisait. Il avait ce truc de créativité et trouvait le surnom qui t’allait bien. Pour moi, c’est « Gari » pour « Garibaldi », mon nom de famille. Mais « garri » à Marseille c’est un terme affectueux pour désigner le rat et « greu » ça veut dire gris. Donc le rat gris, le loir (animal réputé pour sa période de sommeil hivernal ndlr) parce que je suis toujours un peu dans la lune.
Restez informé de l’actualité de Gari Greù sur son site internet www.gari-greu.fr.
Par Agathe Perrier