Basée à Châteauneuf-les-Martigues, l’association Graines de soleil favorise l’insertion sociale et professionnelle à travers des chantiers de maraîchage biologique et l’animation de jardins partagés dans le département.
En cette matinée d’été au siège de l’association Graines de soleil à Châteauneuf-les-Martigues, les adhérents se pressent pour récupérer leur panier bio, tandis que les maraîchers terminent leurs tâches avant que la chaleur écrasante de midi ne s’installe. Sur cet ancien terrain en friche à 200 mètres de l’étang de Berre, c’est toute une communauté qui s’est formée au fil des années.
Cela fait plus de quinze ans que Graines de soleil aide les personnes en difficulté à s’insérer dans la vie active en leur proposant plusieurs supports d’activités autour du maraîchage biologique, de la graine jusqu’à l’assiette. L’association développe des marchés solidaires dans les quartiers enclavés avec des produits à prix réduits, mène des ateliers pédagogiques autour de la nutrition, fournit des épiceries sociales et des restaurants en légumes bio, et aménage des jardins partagés sur le territoire.
60 personnes accompagnées chaque année
Actuellement, les 14 salariés permanents de l’association accompagnent 32 personnes en parcours d’insertion, embauchées sous contrat initial de six mois. L’objectif est que ce chantier, agréé par l’État, soit pour eux « un tremplin. Chaque année, on accompagne à peu près 60 personnes, on n’a pas mal de turn-over, explique Jonathan Monsérat, directeur de l’association. Ce sont principalement des personnes ayant des freins sociaux et professionnels importants qui les empêchent de retrouver un emploi classique ».
Certains sortent de détention, ont un statut de réfugié, d’autres sont en situation de handicap ou sont des jeunes habitants dans des quartiers prioritaires… tous sont orientés par des structures d’accompagnement social vers Graines de soleil, où ils apprennent, à travers les différentes activités, à découvrir ou à reprendre un cadre de travail. La plupart d’entre eux n’ont jamais cultivé la terre, mais apprennent les rouages sur le tas.
Les contrats des salariés en insertion, de 26 heures par semaine et renouvelables deux ans, ne mènent pas forcément vers des emplois dans des espaces verts. « Dans le maraîchage, tu peux acquérir plein de compétences diverses, poursuit Jonathan. Il ne s’agit pas juste de semer, de planter et d’arroser. On est en train de construire une serre, tu peux aussi faire de la vente, de la logistique… tu peux toucher à plein de choses, comme les maraîchers d’antan ».
La pépinière, essentielle pour l’auto-production de l’association
Mais il arrive que certains s’y sentent si bien qu’ils décident de rester. Entrée dans l’association lorsqu’elle suivait un parcours de reconversion, Elia est aujourd’hui encadrante du volet pépinière. « C’est un travail très prenant, mais passionnant. Quand on commence, on ne veut plus en sortir, on veut continuer d’apprendre. Parce qu’on a la capacité de s’émerveiller tous les jours, c’est pas figé ». Alors que Robert rempote des boutures de menthe, elle prépare la serre à accueillir les semis d’automne, le sourire aux lèvres.
« J’adore mon taf, ça se sent quand j’en parle ? C’est une des meilleures parties de moi », confie-t-elle. Elia fait partie des rares femmes accompagnées par l’association, qui représentaient un quart des parcours d’insertion l’année dernière. Elle a découvert Graines de soleil, et sa passion pour les plantes, après avoir travaillé dans la restauration. « C’était que du stress. Ici, j’ai découvert un truc paisible. C’est presque comme une thérapie, ça m’a calmée, détendue. Je croyais que je ne savais rien faire, puis j’ai vu ce que j’arrivais à produire avec mes mains… du coup, je ne sors plus d’ici ».
C’est un travail très prenant, mais passionnant. On a la capacité de s’émerveiller tous les jours.Elia, encadrante de la partie pépinière
Au cours des six premiers mois de l’année, les aides maraîchers ont produit 40 000 plants de légumes, d’aromatiques et de fruits biologiques d’une cinquantaine de variétés différentes. Destinés à l’auto-production de l’association, ils seront en majorité repiqués en pleine terre, tandis que 10 000 d’entre eux permettront de faire fleurir les jardins partagés qu’entretient l’association.
« Le plaisir de tous les salariés, le meilleur moment, c’est la récolte, glisse Elia. Ça leur procure un gros sentiment de fierté parce que c’est leur produit, de A à Z. Même s’ils ne sortent pas tous d’ici avec un travail ou une formation, s’ils sont épanouis, souriants, avec une meilleure estime d’eux-mêmes, moi ça me va très bien ».
160 paniers bio et solidaires distribués chaque semaine
De l’autre côté du chemin de l’Étang, derrière une épaisse haie de cannes de Provence, se trouvent 3 hectares de parcelles agricoles certifiées bio, mises à la disposition de Graines de soleil par la municipalité. S’y dressent cinq serres de 60 mètres de long dans lesquelles poussent en ce moment poivrons, tomates et aubergines. « La législation bio oblige à faire des rotations de culture, alterner entre plusieurs familles de légumes pour ne pas épuiser les sols et éviter les attaques d’insectes ravageurs », indique Jonathan.
Entre 20 et 25 tonnes de légumes sont récoltés chaque année, qui sont ensuite vendus sous la forme de paniers bio, que les adhérents peuvent récupérer sur place et dans différents points de dépôt autour de l’étang de Berre et à Marseille.
Environ 160 paniers sont vendus chaque semaine, dont un tiers à un tarif préférentiel pour les membres en situation de précarité, à 4 € contre 13,20 €. Dans le but de favoriser l’accès à une alimentation digne et de qualité, des produits complémentaires sont proposés en partenariat avec des producteurs locaux : miel, œufs, fromage de chèvre, huile d’olive… L’année dernière, plus de 6 500 paniers bio ont été distribués à 131 familles, dont 53 d’entre elles dans le cadre d’une opération solidaire lancée par le réseau Cocagne.
Un plan de culture est établi chaque saison en fonction des paniers, dont le contenu est choisi avec les adhérents. « Les paniers nous permettent de planifier nos cultures pour produire au juste équilibre, observe Jonathan. Ce système nous permet d’anticiper ce que l’on va commercialiser, plutôt que d’être dans une logique de marché où l’on doit négocier nos prix vers le bas lorsqu’on est en surproduction ».
Les jardins partagés, supports d’animation et générateurs de liens sociaux
Graines de soleil s’est spécialisé au fil du temps dans la création de jardins collectifs en milieu urbain, dans différents centres sociaux, écoles et établissements pénitenciers des Bouches-du-Rhône. L’association a récemment accompagné les détenus de la maison d’arrêt de Luynes dans la plantation d’une oliveraie, et a installé trente bacs à légumes au sein de la prison des Baumettes, qui devraient servir à garnir les assiettes du restaurant d’insertion Les Beaux Mets.
Les encadrants de l’association, aidés par les salariés en insertion, suivent l’évolution et la gestion d’une vingtaine de jardins partagés qui servent de « supports pédagogiques ». Ils y proposent des animations autour de la saisonnalité des produits, du cycle des plantes, de la valorisation des déchets… une manière concrète de travailler autour de l’alimentation à travers l’apprentissage du maraîchage. Ces espaces verts en pleine ville sont aussi vecteurs de liens sociaux.
C’est le cas du jardin partagé de la place du Refuge dans le quartier du Panier à Marseille, aménagé sur une ancienne friche à l’endroit où s’était écroulé un immeuble en 2007. Avec l’aide de subventions de la Métropole Aix-Marseille-Provence, dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial, Graines de soleil y a débuté il y a deux ans un programme mêlant ateliers de cuisine et de nutrition, visites d’exploitations maraîchères et marchés solidaires avec les usagers du centre social Joliette Panier.
« Ils nous ont tout appris, sourit Anne-Lise Acciai, coordinatrice des publics scolaires avec le collectif des Jardiniers du Panier. À fabriquer des arceaux pour installer des bâches et moins arroser, nourrir la terre avec du fumier, faire du compost… je passe ma vie ici, c’est un peu comme mon propre jardin ! ». Melons, pastèques, courges, aubergines bio… cette année, tous les plants de légumes au jardin du Refuge proviennent de la pépinière de Graines de soleil.
76% de sorties dynamiques
« Le cœur de notre métier, c’est l’insertion », résume Jonathan Monsérat. Une mission qui semble réussie, puisque selon le rapport d’activité de l’association, en moyenne 76 % des personnes accompagnées l’année dernière ont trouvé une « sortie dynamique correspondant à leur projet de vie » à l’issue de leur parcours, en formation ou en emploi.
Alors, quelle est la recette du succès d’une structure comme Graines de soleil ? « Pour moi, c‘est surtout la question du sens, confie le directeur. Quand tu fais du maraîchage, tu travailles avec du vivant, c’est quelque chose de concret. C’est très valorisant, car tu vois directement le fruit de ton travail. On contribue aussi à un fonctionnement alimentaire : on nourrit des gens, d’autant plus avec des produits bio de qualité ». Jonathan est arrivé en 2009 pour développer l’association. Il a accompagné et vu des centaines de profils, et autant de parcours différents, se succéder sur l’exploitation. « On est souvent le lieu qui a généré un déclic, poursuit-il. Pratiquement tous les jours, un « ancien » vient nous donner de ses nouvelles ».
Quand tu fais du maraîchage, tu travailles avec du vivant, c’est quelque chose de concret. C’est très valorisant, car tu vois directement le fruit de ton travail.Jonathan Monsérat, directeur de Graines de Soleil
Pendant notre entretien, Jonathan est d’ailleurs interrompu par la visite de Michaël, ancien salarié en contrat d’insertion, actuellement agent de propreté en intérim. « Graines de soleil, c’est vraiment un endroit qui fait avancer les choses, lance ce dernier. Je n’avais jamais travaillé avant, c’est là que j’ai tout découvert et que j’ai pu avancer, évoluer, se souvient-il. Ici, il y a plein de trucs qui s’ouvrent ».
Jonathan sourit. Malgré des conditions de travail souvent difficiles, comme pour de nombreuses structures associatives, ce genre de moment donne de la valeur aux efforts. « Ce n’est pas forcément toujours évident, admet le directeur, mais on est des salariés militants. Malgré les galères qu’il peut y avoir, ce qui nous relie tous, c’est l’objet social de la structure : l’accompagnement des personnes que l’on a en charge. »
Plus d’informations
Pour en savoir plus sur Graines de soleil et retrouver les points de distribution de leurs paniers bio, rendez-vous sur leur site internet.