La Ville de Marseille poursuit sa stratégie de revitalisation commerciale sur la Canebière. Elle a pris la main sur l’avenir de l’ancienne bijouterie Piery via une « collaboration inédite » avec le propriétaire.
La bijouterie Piéry, enseigne historique de la Canebière, a fermé ses portes en 2021. Elle est devenue un symbole de la dévitalisation commerciale de l’artère centrale de Marseille. Installée en 1952, ce magasin d’horlogerie et bijoux a prospéré les décennies suivantes. Sa façade était couverte de néons, façon Broadway, avec une horloge monumentale lumineuse. L’espace de vente occupait alors 2 000 m² sur 2 niveaux et employait 22 vendeurs.
Seuls 500 m² étaient encore commercialisés en pied d’immeuble, avant que le commerçant décide de déménager. Le propriétaire du bâtiment, Joseph Malka, a donc remis en jeu le local. Mais le projet de fast-food du nouveau locataire n’était pas au goût de la Mairie.
Après négociations, « nous sommes parvenus à une collaboration inédite entre un propriétaire et la Ville », se réjouit l’adjointe au commerce, Rebecca Bernardi. Moyennant la prise en charge du loyer « minoré » durant six mois, la municipalité choisira le futur commerce et l’aidera à s’implanter. « Un appel à projets est lancé aujourd’hui [mardi 24 mai 2022] pour trouver un nouveau locataire d’ici septembre ».
Vers une grande brasserie ?
Pour l’élue, « la redynamisation de la Canebière est une obsession ». Pour atteindre cet objectif, elle invoque la « diversification des activités commerciales ». Joseph Malka traduit à sa façon : « pas du bas de gamme. La Ville veut choisir des acteurs en phase avec ses projets de revitalisation du secteur. Je suis pour une pluralité commerciale et une diversification de la population ».
Rebecca Bernardi assure tout de même que l’appel à projets « est large » et vise à « éviter les doublons du secteur, notamment les commerces de santé ».
Toutefois, lorsqu’on lui fait remarquer que le local se prêterait à une activité de restauration, elle est « tout à fait d’accord ! Imaginez une brasserie ici. Qui anime l’espace public jour en nuit et fait revivre la Canebière ». À bon entendeur pour les porteurs de projets.
Quoi qu’il en soit, le propriétaire se réjouit de l’opération. S’il évoque « un petit effort financier » de sa part, « l’immobilier c’est du long terme », rappelle-t-il. « La diversification et la synergie commerciale » qu’il projette ne devraient pas dévaloriser son bien.
Une revitalisation de gré ou de force
« C’est gagnant pour la Mairie et les Marseillais », affirme-t-il même. « Le privé achète et fait les travaux de décoffrage. C’est un deal intelligent. Quand la Ville préempte, ça lui coûte plus cher ». Car, la municipalité jouit d’un droit de préemption sur un périmètre « entre Breteuil et la Canebière », précise Rebecca Bernardi. C’est devenu l’outil favori de la municipalité pour réorienter l’offre commerciale du secteur.
« Depuis notre arrivée, nous avons préempté 9 locaux commerciaux », rappelle l’adjointe au commerce. À ce procédé interventionniste s’ajoutent l’accompagnement des porteurs de projets, ou la collaboration avec les propriétaires. Une méthodologie qui permettra l’implantation de « 10 à 12 nouveaux commerces d’ici 2024 sur la Canebière, qui en compte 83 aujourd’hui ».
L’élue détaille les projets que la Mairie va accompagner pour « redonner vie à cet axe historique avec une offre diversifiée et de qualité. À l’image de Marseille, la ville-monde ». Comme un restaurant zéro gaspi, de circuit-court et solidaire non loin du nouveau cinéma Artplexe. Une librairie internationale doit s’implanter près du cours Belsunce, en bas de la rue Scotto. Ou encore, une grande enseigne de textile made in France qui cherche 600 m² pour son atelier et son magasin.
Le périmètre de préemption élargi à 4 arrondissements
Certains ont déjà bénéficié de cet accompagnement pour s’implanter sur la Canebière. Comme la fromagerie Froumaï, inaugurée fin 2020 en haut de l’avenue. « Je ne pensais pas que ça marcherait aussi bien, et tout de suite », se réjouit la fondatrice, Manon Armand. « La mairie nous a beaucoup accompagné ».
« C’est sécurisant pour les porteurs de projets », rebondit Rebecca Bernardi. Elle annonce par ailleurs que le périmètre de préemption sera élargi. Une délibération en ce sens sera présentée lors du prochain conseil municipal du 24 juin. « Il s’appliquera à l’intégralité des 1er, 3e, 11e et 15e arrondissements ». La Ville pourra ainsi appliquer sa méthode de revitalisation commerciale « à de nombreux noyaux villageois ».