Suite aux polémiques sur la potentielle vente de son patrimoine, la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence a organisé ce jeudi une réunion avec les collectivités locales et l’État pour travailler ensemble à la création d’un Musée de la marine. Mais la Région n’est toujours pas convaincue des intentions de la chambre consulaire.
Début mars, un appel d’offres lancé par la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence (CCIAMP) en vue de désigner un commissaire priseur pour procéder à l’estimation de 187 œuvres de sa collection autour de l’histoire de l’industrie et de la marine à Marseille déclenchait une vive polémique.
Associations, citoyens et historiens s’indignaient par ce qu’ils qualifiaient de « dilapidation » prévue de ce patrimoine que les Marseillais n’ont déjà pas, ou peu, la possibilité d’admirer. La Région a également déploré ce projet qu’elle juge illégal, avant que la CCI n’éclaircisse sa position en conférence de presse, par la voix de son président Jean-Luc Chauvin.
Selon lui, il ne s’agissait pas d’amorcer la vente des œuvres mais de commencer à estimer la valeur du patrimoine de la chambre consulaire. Une première étape pour mettre en œuvre une stratégie pour la conservation et la valorisation des plusieurs centaines de milliers d’objets que possède l’institution [voir encadré]. Notamment avec la création d’un « comité du patrimoine » et d’un projet de Musée de la marine à Marseille.
• 11 867 peintures, gravures, estampes
• 1 300 objets coloniaux
• 1 128 objets historiques divers
• 60 000 photos dont 30 000 numérisées
• 30 000 tirages et négatifs de photographies ou plaques de verre dont 18 500 numérisées
• 5 100 affiches publicitaires
• 80 000 ouvrages, 4 kilomètres linéaires d’archives
• 361 planches actions et titres
• 2 200 médailles et jetons
« Dégradation » des relations avec la Région
Pour cela, Jean-Luc Chauvin envisage la création d’un Groupement d’intérêt public (GIP) dédié et invite les collectivités locales à y participer. Une première réunion dans ce sens s’est tenue ce jeudi 7 avril, nous indique-t-il, en présence de « la Ville de Marseille, la Métropole Aix-Marseille-Provence, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, le Grand Port Maritime de Marseille et la Préfecture ».
Seule la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur manquait à l’appel, son président Renaud Muselier ne souhaitant pas participer au GIP. Il en a précisé les raisons par courrier à Jean-Luc Chauvin. « D’abord, parce que le marché prévoyant la vente aux enchères n’a jamais été supprimé ni annulé officiellement. Aussi, tant que cette vente sera effective, et parce qu’elle est illégale, nous ne contribuerons pas à une telle initiative ».
Ensuite, pour des questions de méthode, « sans ordre du jour » mais surtout « sans aucune concertation avec le territoire et les acteurs engagés contre cette vente ». Il estime que « la Région n’est plus le tiroir-caisse des projets dont elle n’est pas associée à la construction ».
Le président du Conseil régional pointe également le comité du patrimoine de la CCI, pour lequel ni l’association Sites et monuments, engagée pour la préservation du patrimoine régional, ni Bruno Terrin, à l’initiative d’un projet de musée du patrimoine maritime en Méditerranée, n’ont été conviés.
La main reste tendue
Jean-Luc Chauvin avance que le comité du patrimoine économique et culturel de la CCIAMP « n’a pas vocation, à nos yeux, à accueillir des porteurs de projet… En termes d’objectivité et de neutralité notamment ». Il rappelle que la chambre consulaire a accompagné le projet de Bruno Terrin « depuis quelques années et force est de constater qu’il a du mal à le sortir ».
Il déplore que la Région n’ait pas manifesté l’intérêt de participer au groupement d’intérêt public. Cet organe permettrait « la mise en commun des moyens de partenaires publics et privés pour mener à bien une mission d’intérêt général à but non lucratif qui vise la mise en lumière, l’animation et la réhabilitation des collections de la CCIAMP ».
Enfin, concernant la vente aux enchères que Renaud Muselier juge illégale, Jean-Luc Chauvin rappelle qu’il s’agit « d’un marché de Prisée [évaluation de la valeur, ndlr] et de vente éventuelle ». Il concerne « notre patrimoine privé et donc peut être aliénable […] Et cela s’est déjà fait ! Comme par exemple à Rouen ». Ou à Marseille, quand l’ancien président de la CCI, Jacques Pfister, a vendu 204 œuvres en 2009 « pour un montant total de 173 500 € ».
Sans écarter l’hypothèse d’une vente, donc, le président de la CCIAMP exprime son engagement « à trouver enfin des solutions concrètes pour mettre en lumière ce patrimoine enkysté depuis des décennies ». Il réaffirme sa volonté de « trouver ensemble une solution » et la « main tendue » vers les partenaires publics, dont la Région. Un sujet qui risque de continuer à faire couler beaucoup d’encre.