Véritable « paradis des oiseaux » grâce à sa situation géographique et son climat, le parc naturel régional de Camargue bénéficie d’une renommée ornithologique internationale. Balade en-dehors des circuits touristiques à la découverte des oiseaux du delta du Rhône, des marais d’eau douce jusqu’aux eaux salées de la côte.
Le parc naturel régional de Camargue constitue un véritable écrin de biodiversité. Entre marais, dunes, lagunes, salins et étangs, la plus grande zone humide de France offre une surprenante variété d’écosystèmes sur 100 000 hectares. Sur les 5 700 espèces différentes qui habitent ce territoire à l’embouchure du Rhône, on compte 350 espèces d’oiseaux sédentaires et migratoires, soit près des 2/3 des espèces recensées en Europe.
Cette diversité exceptionnelle fait de la Camargue un lieu très prisé des ornithologues professionnels ou amateurs. Particulièrement au printemps et en automne, où il est possible d’observer à la fois des oiseaux sédentaires et des espèces de passage. Placée sur le trajet des grandes migrations Nord/Sud, au carrefour de l’Afrique, de l’Europe et de la Méditerranée, la Camargue constitue une halte migratoire majeure pour des centaines de milliers d’oiseaux chaque année.
Christophe Giraud, guide naturaliste et ornithologue sur le territoire depuis plus de vingt ans, nous emmène en balade hors des sentiers battus. D’un œil aiguisé, il guide les curieux sur un circuit varié, accessible librement au public, entre marais d’eau douce aux eaux plus salées qui regorgent de biodiversité.
Le mas d’Agon : les oiseaux d’eau douce
Première étape de cet itinéraire ornithologique : le mas d’Agon. Cette propriété située à l’ouest du parc de la Camargue, parsemée de marais inondés en hiver et asséchés en été, offre un havre de paix à de nombreux oiseaux échassiers limicoles : quelques flamants, emblème de la Camargue par excellence, mais aussi des busards des roseaux, hirondelles de rivage, courlis cendrés, d’élégantes échasses blanches, des bihoreaux venus d’Afrique et des petites et grandes aigrettes, tous trois de la famille des hérons.
Au premier plan, on aperçoit une quarantaine d’ibis falcinelle au plumage noir iridescent, présents tout au long de l’année. « Ces oiseaux ont bien failli disparaître au début des années 2000, et se sont redéveloppés en Camargue, où l’on trouve plus d’un millier de leurs nids depuis quelque temps », explique Christophe Giraud.
Certaines espèces sont plus difficiles à apercevoir. Il faut tendre l’oreille pour déceler leur présence. Dissimulé dans les buissons, on perçoit le chant puissant de la bouscarle de Cetti, un petit oiseau au chant puissant, mais au plumage brun discret. « Généralement, les oiseaux qui vivent dans des milieux ouverts ont plutôt tendance à être colorés, indique le guide naturaliste. À l’inverse, ceux qui vivent dans des milieux fermés ont tendance à communiquer plutôt par le chant ».
À quelques instants d’intervalle, nous croisons des spécimens de la plus grande et la plus petite espèce d’oiseaux d’Europe. Respectivement, le cygne, dont le poids peut dépasser les 15 kilos, puis une cisticole des joncs, qui pèse à peine 10 grammes.
L’étang de Vaccarès, refuge des flamants roses
Plus loin vers le sud, on atteint l’étang de Vaccarès, plus vaste plan d’eau de la Camargue qui s’étend sur 6 500 hectares. Nous y retrouvons des grandes aigrettes, bihoreaux gris et cormorans… Dans les arbres encore nus, plusieurs héronnières où nichent hérons arboricoles et cendrés. « Les hérons se rassemblent pour deux choses : se reproduire et dormir », résume notre guide.
Avec ses eaux saumâtres et peu profondes d’1 mètre 60 en moyenne, l’étang de Vaccarès est aussi l’un des terrains de jeux favoris du flamant rose. Espèce menacée il y a encore 60 ans, sa population augmente dans le parc régional depuis quelques décennies, jusqu’à atteindre les 30 000 individus en été. Cela est dû notamment au travail d’observation qu’effectue la Tour du Valat, qui agit pour la conservation des zones humides méditerranéennes depuis les années 1970. Par ailleurs, de plus en plus de flamants ne s’envolent plus de la Camargue après la période de reproduction, même si les chiffres exacts restent encore difficiles à estimer.
« On sait que certains flamants roses sont très casaniers et ne quittent jamais la Camargue, précise Christophe Giraud. D’autres n’arrêtent pas de tourner tout autour de la Méditerranée. On observe des flamants toute l’année ici, mais il faut se poser la question de savoir si ce sont toujours les mêmes que l’on voit ou pas. »
Étangs et marais des salins de Camargue
Pour clore notre itinéraire, cap vers la mer pour un changement de paysage, à la rencontre des espèces appréciant les milieux plus salés. Parmi elles, les laridés : à savoir, la mouette rieuse et mélanocéphale, le goéland marin et cendré, ou encore la sterne hansel. Au cœur du Parc naturel régional, ces anciens marais salants, autrefois exploités par Salin-de-Giraud, ont été rachetés en 2008 par le Conservatoire du littoral.
Depuis cette acquisition par l’organisme public, les marais jouent un rôle de « levier » entre la mer et l’étang de Vaccarès, favorisant le retour de la biodiversité… et le départ des colonies de flamants. « Paradoxalement, il est devenu moins simple pour les flamants de se reproduire sur le site qui leur était destiné », explique Christophe Giraud. « Ils trouvaient refuge sur les îlots entourés d’eau à l’intérieur des bassins aménagés par l’homme pour faire du sel ».
Sans ces abris artificiels et effrayés par les hiboux grands ducs venus des Alpilles, les flamants ne se reproduisent plus sur le site depuis 2016. La plupart nichent à présent dans le salin d’Aigues-Mortes, à une centaine de kilomètres à vol d’oiseau. Mais les flamants ne sont jamais très loin. Un groupe de trois d’entre eux nous survole, et s’envole vers l’ouest en direction du phare de la Gacholle que l’on distingue à l’horizon.