Avec ses gouttières invisibles à la place des bagues traditionnelles, la société salonaise Biotech Dental ambitionne de conquérir le marché mondial du sourire. Déjà leader européen des implants dentaires, l’entreprise construit une nouvelle usine 4.0 à Salon-de-Provence. 3 500 m2, technologie de pointe, 15 millions d’euros d’investissement, elle s’impose déjà comme l’une des plus importantes de ce secteur d’activité en Europe.
« Le sourire chic à la française ». Derrière ce slogan se cache l’entreprise Biotech Dental. Basée à Salon-de-Provence, la société a été fondée en 1987 par Philippe Veran, Bruno Thévenet et le Dr. Francis Poulmaire.
Depuis 30 ans, l’entreprise qui possède de nombreuses filiales dans le monde (Espagne, Portugal, Vietnam, États-Unis…) n’a eu de cesse de se tourner vers les technologies de pointe pour diversifier et améliorer ses produits ; lui permettant aujourd’hui de se positionner parmi les leaders sur le marché de l’implant dentaire.
« Humain », « technologie » et « made in France » représentent les trois valeurs fondamentales de cette entreprise familiale très attachée à son territoire. C’est sur cette base qu’a été créée, en 2013, sa filiale « Smilers », premier fabricant et distributeur d’aligneurs transparents de France. Des produits innovants proposés à une communauté de dentistes et d’orthodontistes.
Un dispositif médical innovant
« Aujourd’hui, les aligneurs sont capables de remplacer complètement l’orthodontie classique. On n’a plus besoin d’utiliser des bagues disgracieuses et on peut avoir ces petits bouts de plastique transparents pour réaligner ses dents et avoir ce sourire chic à la française, sourit Olivia Véran, vice-présidente du groupe Biotech Dental, en charge de l’aspect médical et du service « ventes et marketing ». Elles ne doivent être retirées que pour manger et se brosser les dents »
Obtenues à partir d’un résine médicale, « elles sont capables de traiter toutes les dents mal-positionnées et sont moins invasives pour l’os sous-jacent », poursuit cette dentiste de profession.
D’ailleurs, un logiciel de pointe [Nemotec, racheté en 2019 par Biotech Dental, ndlr] permet une meilleure sécurisation du traitement. « Lorsque vous allez bouger les dents, c’est bien de savoir ce que l’on voit en dessous, sous la gencive. Cette solution unique nous le permet pour éviter les perforations de l’os ».
L’artisanat industriel de pointe
Amovibles et indolores, ces gouttières invisibles, nouvelle génération, sont conçues selon des procédés de haute technologie. Elles sont, tout d’abord, fabriquées à l’aide d’imprimantes 3D reconnues parmi les plus innovantes d’Europe. Grâce à la société Polyshape, vendue à Michelin en 2018, Smilers utilise une méthode de production unique « permettant d’obtenir des aligneurs 80% plus lisses que le leader du marché [qui est américain] », affirme Olivia Véran. Cette technique empêche ainsi le développement des bactéries, car elle rend quasi-impossible le dépôt d’aliments et les particules colorantes, test du café à l’appui.
Chaque gouttière est réalisée sur mesure. Elle est également polie selon le principe de la haute couture. « Une finition manuelle pour être dans l’excellence absolue », poursuit la dentiste. Grâce à cette chaîne d’innovation, son analyse des risques, sa traçabilité, Smilers peut se targuer d’être la seule société au monde à posséder la certification Iso 13485 (qui marque l’engagement envers la qualité du matériel médical), dans ce secteur d’activité.
Début juin, Biotech Dental a dépassé le million d’aligneurs produits dans son unité de Salon-de-Provence, soit un million de pièces uniques. « C’est terriblement compliqué d’arriver à industrialiser des produits sur mesure, qui théoriquement sont plutôt confiés à des artisans. C’est tout l’enjeu de cette industrie et de la création de cette nouvelle usine », poursuit le patron de Biotech Dental, Philippe Véran.
Une usine nouvelle génération et éco-responsable
Pour faire face à sa croissance, augmenter sa productivité et sa compétitivité, l’entreprise française avait annoncé au printemps dernier la création d’une nouvelle usine 4.0. « On pouvait la créer au Portugal, ou en Espagne, mais on veut faire rayonner la Provence, notre région, notre ville et notre industrie partout dans le monde, promouvoir dans notre ville cette technologie qui n’a pas d’équivalent ailleurs », explique celui que l’on qualifie souvent de « serial entrepreneur audacieux ».
C’est à Salon-de-Provence que l’usine de 3 500 m2 verra le jour sur un terrain de 32 000 m2. Cette capacité foncière permet d’envisager le développement de l’activité sur le territoire. Dessiné par EMH Architectes, le bâtiment sur trois étages sobre et fonctionnel sera construit par la société avignonnaise GSE, spécialiste de l’immobilier d’entreprise. Du 100% local. « Les usines ce n’est jamais très jolies, mais celle-ci sera très belle », s’enthousiasme Philippe Véran.
L’entreprise intègre également une dimension environnementale. « Nous avons à cœur de mener des actions éco-responsables, au niveau de l’encre, du packaging, du plastique que nous utilisons aujourd’hui dans nos usines », souligne Olivia Véran.
Pour aller plus loin, sur la gestion des déchets, le système d’impression utilisée « permet de récupérer une grande partie de la résine aujourd’hui jetée. On estime qu’on peut gagner entre 10 à 20% par rapport à ce qu’on consomme aujourd’hui, ajoute Florent Miquel, vice-président industrie. Au niveau recyclage, nous avons initié des démarches pour valoriser tous nos déchets à tous les stades pour arriver à une empreinte beaucoup plus légère de la réalisation des aligneurs ».
L’usine sera également « interconnectée » et « évolutive », avec un système d’auto-régulation thermique et équipée de « machines d’impressions 3D dix fois moins consommatrices que celles d’il y a 3 ou 4 ans », ajoute Florent Miquel.
12 000 aligneurs par jour à l’horizon 2022
Le début du chantier initialement prévu à l’été 2021, vient de démarrer en zone de Crau, pour une année de travaux. La nouvelle usine devrait être opérationnelle à la fin de l’année 2022, après une phase test. Durant cette année de transition, Biotech Dental va poursuivre sa production en installant un site dans la zone artisanale de la Gandonne, toujours à Salon. « Aujourd’hui, nous avons un potentiel de production de 2 000 gouttières par jour. On a cette capacité de pouvoir doubler cette production durant un an. Il faudra s’en contenter et lorsque la nouvelle usine sera là, on pourra quasiment faire 5 fois plus », poursuit Philippe Véran.
Avec un investissement de 15 millions d’euros (machine, foncier, construction), Biotech Dental espère atteindre une production de 12 000 aligneurs par jour et multiplier par 5 son chiffre d’affaires en 2025 (103 millions d’euros de prévision pour 2021), mais aussi passer de 100 à 300 employés d’ici à 5 ans. « Des personnels très variés, des prothésistes dentaires qui veulent se reconvertir, des jeunes Bac +2 ou 3 en informatique qui peuvent venir faire du design, il nous faut des ingénieurs, des techniciens, des gens pour polir les aligneurs », détaille Philippe Véran, qui confie n’avoir aucun mal à recruter du personnel de qualité.
D’ailleurs, côté formation, le chef d’entreprise annonce la création d’un BTS prothésiste dentaire et une année de spécialisation d’infographie avec le lycée Viala-Lacoste Saint-Jean de Salon. La formation a été agréée par tous les organismes professionnels de la filière d’activité, le Rectorat et attend le feu vert de l’Éducation nationale pour un démarrage en septembre 2021. « Si ce n’est pas cette année ce sera l’année prochaine », espère Philippe Véran.
Une manière de créer un bassin d’emplois sur ce territoire en formant les salariés de demain. « Nous avons un entrepreneur hors catégorie » salue d’ailleurs le maire (LR) de Salon, Nicolas Isnard, « fier » de voir cette entreprise générer des emplois dans sa ville. L’occasion aussi pour le président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence, Jean-Luc Chauvin, de rendre hommage « à une aventure entrepreneuriale qui change l’image de l’industrie ». Et à un « entrepreneur de génie qui va aux Etats-Unis conquérir des marchés », estime Jean-Marc Zulesi, député (LREM) de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône. « Il fait face à des difficultés et nous devons lutter contre cette distorsion de la concurrence. Nous devons faire remonter les problématiques », déclare le parlementaire.
« D’ici deux ans les aligneurs seront plus gros que les implants dentaires »
En effet, si tout semble sourire à l’entreprise, petite ombre au tableau avec une concurrence jugée inéquitable entre les professionnels évoluant sur le même segment de marché. « On paye depuis 6 ans une TVA à 20%, c’est un délire atomique, quand notre concurrent américain n’en paye pas. C’est un enjeu majeur de compétition. Soit tout le monde en paye, soit personne, et l’Etat doit jouer son rôle », affirme Philippe Véran, qui s’exprime sur le sujet pour la première fois.
Son industrie coche – a priori – toutes les cases pour obtenir les subventions de l’Etat, dans le cadre du Plan de relance. « Si on les a tant mieux, si on ne les pas, j’aimerais comprendre pourquoi », poursuit celui qui avoue toutefois ne pas être un « homme de subventions ».
À l’heure actuelle, le marché des implants dentaires représente 6 milliards de dollars (environ 4,9 milliards d’euros). Le marché des aligneurs très récent, quant à lui, atteint déjà 4,5 milliards $. « On pense que d’ici deux ans les aligneurs seront plus gros que les implants dentaires », ajoute Philippe Véran, bien décidé à conquérir le marché international du sourire.