Le gouvernement a annoncé le ré-enfouissement des vestiges antiques de la Corderie, suscitant l’indignation des associations qui souhaitent les valoriser. Elles pourraient profiter de la venue de la ministre de la Culture ce jeudi à Marseille pour faire valoir leur position.

C’est d’abord l’histoire du revirement de la position du gouvernement. Après leur découverte, en 2018 lors de la réalisation d’un projet immobilier de Vinci et une forte mobilisation des Marseillais pour leur préservation, les vestiges de la carrière antique de la Corderie étaient inscrits au titre des monuments historiques, sur un périmètre de 635 m².

Emmanuel Macron et la ministre de la Culture de l’époque, Françoise Nyssen, souhaitaient préserver et valoriser cette part de l’Histoire de Marseille. « La conservation du site devra s’accompagner de sa mise en valeur grâce à des aménagements spécifiques permettant sa visibilité et un travail de médiation mené localement en direction de tous les publics », précisait alors l’État.

Une promesse que les militants ont vu s’évaporer ces derniers jours en recevant une lettre du cabinet de l’actuelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Elle fait savoir que parmi les trois scénarii envisagés, dont deux prévoyaient la mise en valeur du site, le ré-enfouissement des vestiges « dans le délai le plus rapide possible » est retenu. Il s’agit, selon le gouvernement, du dispositif le moins coûteux et le plus pertinent pour préserver la carrière antique.

Les associations toujours mobilisées pour empêcher l’enfouissement

Ce que réfutent des spécialistes, localement, considérant la forte érosion hydraulique que vont subir ces témoignages de l’antiquité. Dans un rapport, le géologue et chercheur au CNRS Michel Villeneuve estime que la construction de l’immeuble en contrebas de la carrière fera « barrage à l’écoulement des eaux », entrainant une forte érosion souterraine du « calcaire gréseux » et sa « désagrégation ». Il en conclut que l’enfouissement préconisé « ne préservera pas de la destruction de la roche et de la carrière, tout au plus il la masquera ».

Les défenseurs de la carrière opposent cette analyse à celle du gouvernement, qui s’appuie sur le rapport Botton, « dont nous exigeons qu’il soit rendu public », explique Sandrine Rolengo. La déléguée régionale de Sites & Monuments précise que la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) sera saisie de cette question.

Cinq associations* ont communiqué conjointement leur « opposition formelle » au ré-enfouissement total des vestiges. Elles réfutent également l’argument financier « puisqu’un budget d’un million d’euros a été voté par la Mairie de Marseille le 8 octobre 2018 pour la mise en valeur de ces vestiges. La somme couvre a minima la seconde hypothèse du rapport Botton : la création de fenêtres archéologiques chiffrée à 760 000 euros ».

* : Les cinq associations signataires sont : Sites & Monuments, Comité du Vieux Marseille, CIQ St Victor-Corderie-Téllène, Citoyens 13 et le Collectif Laisse Béton. D’autres, non signataires, sont engagées sur le dossier, comme Art 13.

Roselyne Bachelot attendue sur la question lors de sa visite jeudi

Mais plus que tout, elles dénoncent cette décision gouvernementale « unilatérale » exigeant « que soient organisées les réunions prévues avec les associations et la Mairie de Marseille ». Georges Aillaud, président du comité du vieux Marseille se dit d’ailleurs « déçu de l’attitude de la Ville, qui doit communiquer fermement sa position au ministère ».

Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture, répond que « nous souhaitons que les vestiges de la carrière antique de la Corderie soient valorisés sur place, et non enterrés. Nous n’avons jamais changé d’avis ». Il déplore également un choix vertical : « c’est l’État qui est le seul responsable et décideur en matière de patrimoine historique, sous l’autorité du ministère de la Culture ».

Mais pour les associations, les élus locaux doivent être plus offensifs. « Benoît Payan doit s’en tenir à ce qu’il se disait à l’époque [l’actuel maire s’est engagé pour la préservation des vestiges dès leur découverte, ndlr] », estime Louis Alesandrini, défenseur du site avec l’association Art 13. « Il doit prendre position publiquement face à la ministre »

« Il y a encore une chance ! », clame Georges Aillaud. « Il faut clamer son indignation », lance-t-il en direction de la Ville. « Nous sommes en période pré-électorale, le gouvernement est très attendu et doit répondre aux questions ». La visite de Roselyne Bachelot au Mucem ce jeudi 9 décembre pourrait en être l’occasion. « S’ils veulent des réponses, ils pourront la rencontrer », répond Jean-Marc Coppola.

Vers l’exposition d’extraits de la carrière au Musée d’Histoire

L’élu ne précise pas si la Ville engagera des démarches auprès du ministère. Pour l’heure, l’adjoint à la Culture se penche sur des solutions pour valoriser les vestiges « si le ré-enfouissement est confirmé ». Comme nous vous le racontions hier, l’historien Jean-Noël Bévérini propose d’extraire des éléments significatifs de la carrière antique pour les exposer au Musée d’Histoire de Marseille.

Une idée qui séduit Jean-Marc Coppola, qui rappelle que « trois grands blocs très intéressants ont déjà été extraits. Ils sont préservés dans la réserve archéologique de la Ville de Marseille, la plus grande de France ». L’élu a également annoncé des visites virtuelles en 3D. « On travaille pour que les Marseillais se réapproprient le patrimoine. C’est une priorité du mandat. Plus ils connaissent leur Histoire et leurs racines, plus ils seront engagés pour leur ville ».

Certains le sont déjà, et la ministre devrait entendre parler d’eux ces prochains jours.

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