L’Étoile Bleue, c’est l’histoire de la transformation d’un vieux théâtre qui a traversé un siècle avant de se trouver une nouvelle vocation : celle de cabaret. Manoah Michelot, son fondateur, nous en ouvre les portes pour nous raconter son passé et nous parler de son avenir. Visite guidée.
Quand Manoah Michelot ouvre la grille de son nouveau cabaret flambant neuf L’Étoile Bleue au 107 boulevard Jeanne d’Arc (5e), difficile d’imaginer que ce lieu a déjà eu plusieurs vies. Ses murs auraient pourtant beaucoup de choses à dire. Et Manoah connaît maintenant bien leurs secrets, lui qui a décidé d’installer ici le projet de « cabaret maritime » qui lui trottait dans la tête depuis quelques années.
D’un théâtre de quartier à un cinéma en déclin
L’histoire commence en 1912, quand le diocèse décide d’acquérir un terrain vague pour édifier un théâtre dans le quartier de Saint-Pierre. Les représentations ont lieu au départ sur une estrade, avant la construction d’un véritable établissement dans les années 1920. L’endroit permet d’accueillir des activités ludiques et culturelles pour les riverains.
À partir des années 1950, la paroisse de Saint-Pierre décide de proposer un nouveau divertissement avec la mise en place d’un cinéma. Les péplums les plus populaires de l’époque, comme Les Dix Commandements (1956) et Ben Hur (1959), y sont diffusés quelques jours par semaine.
« On nous a relaté que le curé vérifiait chacun des films avant leur projection » raconte le fondateur du cabaret. « Et il faisait découper la bande quand il y avait un peu de nudité ». Les pellicules de l’ancien cinéma ont d’ailleurs été retrouvées sous la dalle de l’ancienne salle de projection qui sert aujourd’hui de cuisine.
Mais avec l’arrivée de la télévision au sein des foyers dans les années 1970 et l’essor des multiplexes, le cinéma Jeanne d’Arc perd des spectateurs et est obligé de réduire son activité. Le diocèse décide alors de mettre l’établissement en location à la fin des années 1990 et c’est le début d’un long déclin.
Entre 1999 et 2019, seule une cinquantaine de représentations théâtrales vont être proposées au public, et le bâtiment est alors dans un état de dégradation très avancé.
Un lieu à reconstruire du sol au plafond
Manoah raconte sa découverte du lieu : « Quand on a récupéré le théâtre, il était en ruines ». Après la signature du bail chez le diocèse en juin 2021, il a donc fallu s’atteler rapidement aux travaux à la fin de l’été. « On a dû enlever l’intégralité de la charpente. Il y a un mois, le 25 décembre, il pleuvait encore à l’intérieur. J’étais en train d’éponger la scène. Ça a été un très gros défi de tout refaire du sol au plafond, avec l’intervention de 20 entreprises différentes ».
Cinq mois de travaux auront été nécessaires pour transformer ce théâtre à l’abandon en cabaret. « Il y a eu des malfaçons sur la charpente qui nous ont fait perdre beaucoup de temps, presque deux mois de retard », précise-t-il. Des regrets qui seront vite effacés quand le rideau se lèvera chaque soir.
Le danseur révèle un autre secret de l’édifice. « La scène est construite sous le pont de la voie ferrée qui va de la gare de la Blancarde à la Capelette. On ressent juste quelques vibrations quand le train des poubelles y passe, généralement vers 15h et 22h ». Un détail qui a son charme mais que le public ne remarquera pas puisque le mur sera dissimulé. Au-dessus de la scène, trône l’effigie de Jeanne d’Arc, seul élément de décor de l’ancien théâtre qui a été conservé par l’équipe de l’Étoile Bleue. Quelques sièges d’origine aussi, qui ne seront pas utilisés mais exposés.
Un nouveau spectacle qui intègre les arts du cirque
Tout est en place désormais pour offrir une nouvelle vie à ce lieu historique. 14 artistes se tiennent prêts à monter sur scène mais 7 seulement se produiront en même temps car chacun a sa doublure. À l’exception de Manoah, le chef d’orchestre. « Je suis à l’accueil et je suis aussi chef de salle. C’est trop neuf pour l’instant pour que je ne sois pas là ».
Ce nouveau spectacle, Rivages, il en parle avec des étoiles dans les yeux. « C’est l’histoire d’une femme sirène qui nous raconte son rêve. Et son rêve, c’est de venir danser sur la Canebière à Marseille. Avant d’arriver ici, elle va passer par plein de continents et de rivages où elle va vivre une multitude de péripéties ». D’où l’image de « cabaret maritime ».
La hauteur de la salle permet de proposer un show aérien. « On a décidé d’intégrer dans ce nouveau spectacle des arts du cirque avec des danseurs acrobates. On a notamment un danseur ukrainien qui fait un numéro de corde lisse. C’est très beau. On fait également de la magie. Ça, c’est la boîte de la femme découpée avec les sabres », ajoute-t-il en la pointant du doigt. « Varier tous les arts, c’est l’essence du cabaret ».
Le divertissement est dans les détails
Aller au cabaret, c’est aussi boire et manger. C’est pourquoi une attention toute particulière a été portée à la restauration. « On travaille avec des produits frais et locaux. On propose un repas avec amuse-bouches, entrée, plat et dessert réalisé par un excellent traiteur. On veut proposer un beau spectacle mais aussi un dîner de qualité ». Un dîner-spectacle proposé au prix de 69 euros. « Mais il sera possible pour le public de venir uniquement assister à la représentation de 21h15, pour 39 euros ».
Avant d’achever la visite, Manoah tient à préciser qu’un cabaret, « c’est de la danse, des chorégraphies, du chant, mais en coulisses il y a aussi 50 personnes ». Nicolas Deschaux par exemple, l’artisan-plumassier qui a réalisé tous les casques en plumes de la troupe. Il y a aussi François Tourneur qui a composé les musiques originales du spectacle.
Plus étonnant encore, une fragrance figuier-lavande a été réalisée par l’entreprise aixoise UniverScent pour parfumer le cabaret. « On veut qu’il y ait une ambiance olfactive propre au théâtre. On aimerait que, quand les gens viennent ici, ils reconnaissent l’odeur de l’Étoile Bleue. C’est plein de petits détails comme ça qui permettent de proposer une expérience de qualité ».
L’Étoile Bleue s’est en tout cas donné les moyens de faire briller un théâtre qui ne demandait qu’à renaître.