Quand le vêtement devient une aide thérapeutique. C’est le pari inclusif d’Anne-Cécile Ratsimbason. Avec « Stylisme médical », la passionnée crée ou upcycle des pièces tendances et pratiques, adaptées à des personnes en situation de handicap, appareillées… et pour des services hospitaliers. Un concept inédit.
C’est un petit bout de femme qui s’est engagée dans une grande aventure il y a plusieurs années. C’est en 2015 que l’idée de créer un concept autour du stylisme médical germe dans la tête d’Anne-Cécile Ratsimbason.
Suite à un accident, l’étudiante en mode porte un corset durant dix ans. Si le dispositif et l’aide précieuse de son médecin lui permettent de « miraculeusement retaper » son dos, la jeune femme constate que « beaucoup d’adolescents portent un corset très peu esthétique. Ils arrêtent souvent de le mettre à cause de ça, peu importent les conséquences ».
Et c’est d’abord à eux qu’elle a pensé pour faire en sorte que le vêtement se transforme en « aide thérapeutique », pour faciliter la vie quotidienne du patient tout en lui redonnant confiance. « Le vêtement est une interface entre la personne et la société, un outil démocratique », précise la créatrice.
Elle a ainsi monté au cabinet L’École du Dos son showroom pour les adolescents. Ils la consultent pour créer ensemble un vêtement, en fonction du besoin de la personne. S’il est au-dessus du corset, le besoin est plutôt esthétique, pour le cacher par exemple. En-dessous, l’aspect pratique domine, comme la volonté d’un textile absorbant adapté pour mieux supporter la chaleur l’été.
Rendre le handicap discret à l’œil
Anne-Cécile a ensuite pu bénéficier du réseau de son médecin. Elle a d’abord été contactée par le service pédiatrie du centre hospitalier Lenval à Nice pour les diabétiques de type 1. Ces patients doivent porter une pompe à insuline constamment, « la demande spécifiait un accessoire pour éviter que cela ballotte, en matière maillot de bain pour faciliter le lavage au quotidien ».
Parmi ses commandes aussi, une vingtaine de tenues trompe l’œil commandées par un hôpital qui souhaite garder l’anonymat. Ces vêtements permettent aux patients de rendre leur handicap discret à l’œil. « La création était très complexe, le vêtement permettait aux seniors d’avoir une meilleure estime d’eux visuellement ».
Anne-Cécile a ensuite travaillé sur des créations pour d’autres pathologies dans des hôpitaux de Monaco à Martigues, et enfin à travers la France et l’Allemagne. Au fil du temps, une demande est devenue récurrente. Celles de parents, aux quatre coins du pays, dont les enfants sont atteints de pathologie profonde.
Une amélioration dans le quotidien des patients
Les enfants atteints du cancer, par exemple, peuvent avoir des difficultés à se mouvoir à cause des fils qui les relient aux appareils médicaux « dans tous les sens. Il était nécessaire de créer des espaces dans le t-shirt où ils peuvent passer ». Des ouvertures aussi (outons, fermetures éclair, fentes…) pour un retrait plus simple. Dans le quotidien des patients, tout est ainsi amélioré. « Les amis et la famille ont souvent envie d’offrir un vêtement aux tout petits, c’est un cadeau apprécié que nous rendons possible ».
Ce sont les soignants qui tapent à la porte de la créatrice, car dit-elle, « ils perdent de précieuses minutes sur la problématique du vêtement. Avec ça, ils gagnent un peu de temps qui leur permet de construire un dialogue ».
Le processus de création
Dans la méthode, Anne-Cécile va généralement à la rencontre des familles, partout en France, et travaille également en visioconférence. Son expertise s’est affinée. La créatrice maîtrise désormais près de cinquante maladies et leurs symptômes pour confectionner des modèles sur-mesure. Le tissu est minutieusement sélectionné pour contourner les problèmes d’allergie, de forte sudation ou répondre à un besoin d’élasticité.
Les pièces sont fabriquées dans des ateliers à Nice ou à Berlin. « Si on arrive à ce résultat, à cette satisfaction des patients, c’est grâce à ces humains derrière, c’est eux qu’il faut remercier et pas le marketing de la boîte », confie celle qui a une « confiance aveugle » dans les personnes avec qui elle travaille.
En plus de la création, la styliste upcycle les pièces de leurs propriétaires pour leur offrir une seconde vie tout en l’adaptant à son quotidien. Elle y ajoute des ouvertures, des pans plus larges, des boutons… « Pour les filles, c’est moins facile d’uriner dans une sonde car la braguette ne s’ouvre pas assez loin. On va donc la faire descendre beaucoup plus bas, pour qu’elle utilise la sonde sans avoir besoin de s’enlever du fauteuil. Cela permet l’autonomie ».
Le pantalon doit également avoir une taille très haute pour ne pas descendre tout le temps, et la taille suffisamment élastique. « Une fermeture éclair au mollet facilite aussi l’habillage, sinon c’est épuisant. Les femmes peuvent ainsi porter différentes coupes, skinny par exemple. »
« J’ai vraiment envie d’apporter du positif aux gens ! »
Anne-Cécile participe à de nombreux événements, comme le Congrès annuel de la Société Francophone du Diabète à Marseille en 2019. Elle fait également partie de l’association Fask depuis le début, ce qui lui a permis d’afficher ses pièces lors du Noël des Créateurs aux Docks Village.
À la demande des services hospitaliers, la créatrice anime des ateliers à Paris, à l’image de Mode, Moodboard, Adaptations et Upcycling à La Suite de l’hôpital Necker. D’autres en pédiatrie sont à venir. Anne-Cécile entend également se concentrer sur les associations pour les personnes hémophiles, pour pouvoir adapter les vêtements au maximum de personnes non valides. « J’ai vraiment envie d’apporter du positif aux gens ! La mode inclusive concerne beaucoup plus de monde que ce qu’on pense. » Une aventure qui n’est pas prête de s’arrêter.