Avec cette rubrique « Bruits de Quartiers », Emmanuel Anger vous invite au voyage et à la découverte du 6e arrondissement de Marseille, le poumon culturel de la ville à travers une balade dans les quartiers du Cours Julien et de la Plaine, pour une immersion authentique dans le vrai Marseille.
Pour découvrir sa visite du 7e arrondissement de Marseille, le long de la mer… Avec sa Corniche, son petit port de Malmousque, ses escaliers –> c’est par ici
Pour découvrir sa visite du 8e de la Pointe Rouge aux Goudes en passant par Bonneveine et la Madrague –> c’est par là
Et pour aller plus loin dans votre visite du 6e, n’hésitez pas à plonger dans un reportage sur les plus beaux graffitis du quartier par ici
8h00, ouverture des paupières.
Ce sont les rayons du soleil au travers des volets entrouverts qui me réveillent. Mes premiers pas hésitants vers la salle de bain sont difficiles et rythmés par mes étirements. Il est bien loin le danseur talentueux que j’ai cru être hier soir au bar. Je ressors de là habillé et un peu plus réveillé. Il fait déjà bon dehors, mais j’ai faim, soif et j’ai envie de prendre le soleil pour m’activer. Mode tournesol enclenché. C’est donc la tête en l’air, pour prendre les rayons du soleil, que je sors de chez moi. Je sens déjà vrombir la ville. Le Cours Lieutaud n’est pas loin, avec les embouteillages causés par les voitures garées en double file qui semblent lui être indélébiles. Mon regard s’arrête sur un nouveau graffiti dans ma rue, je le vois en haut d’une façade. Ici l’art est partout, je ne suis pas connaisseur mais j’imagine toujours la difficulté que ces gens doivent affronter pour pouvoir atteindre ces zones bien particulières.
Loin de toute acrobatie, j’arrive déjà au Cours Julien..
Matin et Cours Julien
Je décide de m’arrêter dans un café sur le cours. Pas question d’être à l’ombre, gardons ça pour l’après midi, lorsque l’écrasante chaleur pointera le bout de son nez. Je demande un café, un jus frais et le croissant. Devant moi, le cours s’anime. Entre les livraisons, les va et vient des passants, pas vraiment pressés mais en mouvement, j’ai devant moi un spectacle dynamique qui transige avec le moment que je m’accorde pour justement le prendre, le temps. Une caisse de bouteilles tombe, entraînant la fureur du tenancier d’à coté. Je le regarde amusé mais je prend garde à ne pas lui faire voir, je n’ai aucune envie de me retrouver face à sa colère. Le coursier repart en toute hâte, et mon regard se détourne.
Au parc d’enfants, les petits sont déjà en pleine forme, et je me demande comment ils font pour l’être. Si tôt. Ils rivalisent d’imagination et s’inventent des histoires. Ils sont élevés dans un quartier créatif après tout. Je les envie un peu, ils ont l’air de se régaler. Les parents surveillent, et surtout, sont tous différents les uns des autres. Entre bobos, hippies, artistes, un beau panel qui représente au final assez bien la population de mon quartier. Ici, pas de violence, le jeu des enfants est roi. Et avec lui, la faune urbaine du quartier se retrouve.
Je n’y avais jamais pensé jusqu’alors, mais je vois là une belle représentation du vivre ensemble. Mais ne comprenant pas tout, je me remets sur le petit déjeuner. Mon regard se pose ensuite sur les façades qui bordent le cours. Les volets typiques, quelques graffitis et un grand père à la fenêtre. Lui aussi regarde l’endroit, et son regard apaisé et apaisant est flagrant, cela fait plaisir à voir. Je viens de terminer mon café, et je profite une dernière fois du calme qu’offre l’endroit à ce moment de la journée, malgré l’activité des riverains. Cette parenthèse calme au milieu de l’activité fait du bien et je me sens prêt à vraiment commencer cette journée.
Direction la Plaine, c’est jour de marché. Là, ça négocie, ça râle, c’est bruyant. C’est donc vivant. Je me laisse guider par les odeurs, et j’achète mes fruits et légumes. Je m’arrête ensuite sur plusieurs stands qui vendent tout et n’importe quoi. Du vinyle au gel douche vendu par trois, le tout sur une même nappe. Un bazar original que j’adore contempler. Cette semaine, je ne craque sur rien de vraiment bizarre, mais j’ai le panier plein pour préparer le pic nic, et j’en ai eu pour presque rien. Les talents de négociateurs se travaillent au fil des visites au marché, je deviens un vrai régional de l’étape et cela me plaît, j’ai l’impression de devenir un vrai, comme ils disent. Je me retourne en attendant que le feu piéton passe au vert pour regarder le marché encore une fois.
Trois idées me viennent pour le décrire : un dynamisme contagieux, une convivialité à toute épreuve et le sentiment de vivre à la marseillaise. Après un bref passage chez moi pour planifier puis préparer l’après midi avec les collègues, je repars, sac lourd sur le dos, pour aller voir la mer et profiter du fait d’en être si près grâce au métro. Je ne reviendrai dans le quartier que vers 18h, pour profiter de son ambiance au style alternatif impeccable.
Du jour à la nuit
De retour, j’ai passé un excellent après-midi en plein air avec les collègues. On s’est donné rendezvous à un bar de La Plaine, pour prendre le pastis. Il n’est pas cher, 2 euros, et il délie les langues de ceux qui sont encore rouges de l’après midi. Blague sur blague on se régale. On trouve un restaurant à côté. Les vinyles sont sortis, et avec eux un son dont le groove est du meilleur goût. On en devient audacieux et en plus, ça ne nous coûte pas trop cher, tout en étant bon.
Après ce bon repas, où il était vraiment impossible de s’ennuyer, on décide d’aller voir le coucher de soleil. En chemin, les murs et leurs graffitis nourrissent des histoires qu’on s’invente, sur l’origine de ces oeuvres, leurs auteurs, leur signification. Le quartier en est rempli. Il vous rend naturellement créatif, curieux en permettant de vivre dans un endroit coloré, unique et stimulant.
Dans les couchers de soleil urbains, le beau est partout, dans le ciel, dans les reflets sur les façades, l’ocre des toits, et en filigrane, les œuvres gratuites partout autour de soi. Le 6 ème est situé en hauteur par rapport aux arrondissements touchant la mer. La vue qu’il nous est donné de voir depuis le haut des escaliers du Cours Julien est incroyable à cette heure. Un trésor urbain réservé aux initiés, et ceux que la fatigue laisse tranquille même après une journée à la mer. L’un de nous tombe sur une affiche (parmi toutes les autres qui prennent leur place sur les murs) pour une soirée qui a l’air bien. Mais nous n’irons que plus tard. En attendant, un autre nous ouvre les portes de chez lui pour que l’on y aille, le temps qu’il faut. C’est un ami rencontré à la fac, et le hasard a voulu qu’il vive dans une colocation avec cour intérieure. On m’avait dit que le quartier en était rempli, mais j’avais sous estimé le potentiel d’une telle cour. C’est calme, vert et il y fait frais. Un endroit où il y a de la place et où l’on se sent bien, avec ces canapés extérieurs vieillis donc particulièrement moelleux.
Ce quartier est définitivement cool, alternatif et unique, un cocktail détonnant que viennent rechercher beaucoup de marseillais une fois la nuit tombée. Et ce n’est pas notre équipe qui vous dira le contraire. J’ai pu prendre mon temps ce matin à la terrasse d’un café, j’ai pu profiter du marché et son ambiance, me régaler à la mer puisque c’est à moins de 30 minutes porte à porte.
Demain, j’irai probablement chiner dans les fripes ou voir un vernissage. J’aurai à faire un tour en bas de la bute, pour voir le reste du centre ville, son Vieux Port et sa Canebière. C’est aussi la porte à coté depuis le 6e. En fait, j’habite dans le poumon culturel de la ville, l’expression la plus pure du côté alternatif que Marseille possède par essence, mais aussi au centre de tout. Loin de rien mais dans un endroit à l’ambiance unique, influencée par l’art et surtout fondé sur le côté cosmopolite de ses habitants.
Emmanuel Anger