Selon les dernières déclarations des élus de la ville, Marseille se rêverait en capitale européenne de la sécurité ou « Safe city ». En effet, la municipalité lancera à la rentrée, un appel d’offres pour équiper son centre de supervision urbaine (CSU) où convergent toutes les images des caméras de surveillance, de logiciels nouvelles générations, capables de distinguer des comportements suspects dans la rue. Montant du logiciel : 1,5 million d’euros.
Depuis quelques années, Marseille mise beaucoup sur les caméras de surveillance installées un peu partout dans les rues de la ville. Aujourd’hui, on en compte près de 1 000 qui auraient permis selon la mairie de réduire la délinquance d’un tiers. Pas satisfaite, la mairie devrait doubler le nombre de caméras d’ici la fin du mandat de Jean-Claude Gaudin (LR) en 2020. Une grande concertation, avec les comités d’intérêts de quartiers et les bailleurs sociaux devrait être lancée dans quelques mois pour réfléchir à l’implantation des 1 000 caméras restantes.
Les logiciels d’aide à la décision qu’envisage d’installer la mairie, compileront toutes les données numériques actuellement disponibles, une sorte de Big Data : travaux de voirie, modification d’urbanisme, agenda des événements, dépôts de plainte, mains courantes, données des pompiers, réseaux de transport, météo… dans les communes autour de Marseille pour bénéficier d’une base d’informations communes.
Pourquoi un tel dispositif ?
Toutes ces données collectées permettront aux forces de l’ordre d’anticiper plusieurs points : notamment de savoir en cas de grand événement où déployer les effectifs de police, quels moyens matériels mettre en place, quelle rue ou quel secteur fermer à la circulation, maintenir ou changer de place la manifestation, etc. Au début, ce système permettra de savoir si l’on peut maintenir ou non les rassemblements de masse. Par la suite, il devrait avoir de nouvelles fonctionnalités, notamment pour la gestion en temps réel de la sécurité, comme le repérage de comportements suspects, façon Big Brother.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, en moyenne, une vingtaine d’agents surveillent 24h/24, les écrans du CSU. Ces logiciels, une fois programmés, permettront selon l’élue municipale en charge de la sécurité, Caroline Pozmentier (LR), « de repérer tout comportement inhabituel, tout attroupement à une heure tardive, mais aussi de capter et alerter quant à des sons suspects : de la musique trop forte, des cris, des bruits de tirs d’armes à feu. »
Pour l’élue marseillaise, également Secrétaire nationale des Républicains à la prévention de la délinquance, « sans sécurité, il n’y a pas de développement économique et touristique possible ».
La vidéosurveillance est-elle vraiment efficace ?
Il y a deux sons de cloches selon les spécialistes de la cyber sécurité. Le premier qui tend à dire que les caméras, partout où elles ont été installées, ont fait chuter la délinquance considérablement. Marseille la première, avec une diminution d’un tiers des actes de délinquance. Mais, aujourd’hui, aucune étude ne permet de savoir si cette réduction des actes est due à la vidéo ou à une plus grande efficacité des forces de l’ordre sur le terrain croisée à une diminution des actes au quotidien.
L’autre version, tend elle à expliquer que si les caméras sont utiles pour élucider une enquête ou pour la répression, elles n’ont que peu d’effet pour prévenir d’un danger.
Selon une étude mise en ligne par le Sénat sur son site internet « La vidéosurveillance n’a qu’un faible impact sur la délinquance dans les espaces complexes et étendus. Les vols à la tire ou une agression dans une foule sont difficiles à détecter rapidement par un opérateur et, même dans cette éventualité, il lui sera difficile de suivre à la trace la fuite du délinquant. En revanche, de l’avis de tous les personnes entendues, la vidéosurveillance est efficace dans les espaces clos et offrant peu d’issues comme les parkings ou les centres commerciaux. » Un constat également partagé par de nombreux experts comme Jacques Lecomte, docteur en psychologie et Président d’honneur de l’Association française et francophone de psychologie positive.
Comment ça marche ailleurs ?
Aujourd’hui, aucune autre ville européenne ne possède de système « intelligent » comme celui voulu par la ville de Marseille. La SNCF expérimente tout de même actuellement sur son réseau francilien un système de vidéosurveillance intelligente, capable de détecter instantanément des mouvements de foule anormaux ou des agressions. Ce système permet aussi de repérer automatiquement et d’alerter sur le champ en cas d’intrusion d’une personne dans une zone interdite, ou en cas de chute sur la voie. Michel Terrot, député (LR) du Rhône, aurait récemment demandé au Ministre de l’intérieur de faire de la vidéo intelligente, une priorité pour le pays.
A l’international, seul Mexico a été équipée d’un tel logiciel qualifié comme « le plus ambitieux au monde » par ses dirigeants. Il a été développé par le spécialiste français Thales, qui devrait également se positionner sur l’appel d’offres marseillais.
On peut lire sur leur site internet « Le projet Ciudad Segura (Ndlr : comprenez « ville sure » ou « safe city ») a permis des améliorations notables de l’efficacité des interventions et de la sécurité des citoyens, contribuant à rendre plus attrayante, pour les visiteurs comme pour les habitants, l’une des villes les plus grandes et les plus cosmopolites du monde. »
Toujours selon Thales, la criminalité aurait reculé de près de 50% en 3 ans, les vols de voitures auraient diminué de moitié et le temps d’intervention de la police serait passé de 12 minutes à 2 minutes. Pour rappel, Mexico a fait installer 15 000 caméras pour 20 millions d’habitants. Proportionnellement, Marseille, avec un peu moins d’1 million d’habitants en installera plus du double par habitant.
Sur le journal La Provence de ce matin, on peut lire l’interview d’un spécialiste en gestion des risques, Ely de Traviesco, mandaté par la ville de Marseille en amont pour réfléchir à la sécurisation de la ville. Il évoque des pistes pour contrôler les faits et gestes de tout un chacun comme « il faut que les villes aient le pouvoir sur l’installation des antennes télécoms, qu’elles sous-loueront ensuite aux opérateurs, afin de pouvoir suivre tous les mouvements de GSM sur son territoire. Évidemment, sans aucune personnification ! Par exemple, quand trois GSM sortent à toute vitesse de la cité de la Castellane à 5 heures du matin, on doit être en capacité de les repérer et de les suivre afin de savoir s’ils promènent ou s’ils préparent un mauvais coup. » Ou encore « Il faut aussi utiliser les technologies qui existent, comme celle des Google Glass, et utiliser les lunettes et voitures de citoyens volontaires afin d’y placer des mini-caméras et avoir des yeux partout en ville. Il n’y a rien de fou là-dedans, on est sur la même démarche que l’initiative « voisins vigilants ».