Avec son projet de giga-usine à Fos-sur-Mer, l’entreprise Carbon veut s’imposer sur la scène européenne comme acteur majeur de l’industrie photovoltaïque.

Carbon. Ce projet d’envergure vise à transformer l’industrie photovoltaïque européenne en assurant compétitivité, durabilité et souveraineté énergétique.

Avec la construction d’une giga-usine intégrée à Fos-sur-Mer, d’une capacité de 5 GWc/an pour un investissement de 1,7 milliard d’euros sur quatre ans, Carbon s’engage dans une démarche d’innovation constante et respectueuse de l’environnement. Après le dépôt du permis de construire, Nicolas Chandellier, directeur général de cette société basée à Lyon, a déposé le dossier d’autorisation environnementale il y a quelques jours.

Nommé en janvier 2024 et fort de ses 32 années d’expérience chez Becton Dickinson, leader mondial des technologies médicales, il apporte son expertise dans la gestion de projets internationaux complexes, à l’instar de la construction d’une nouvelle usine en Hongrie et accompagne la vision ambitieuse de l’entreprise.

Il revient sur cette actualité et les enjeux de la construction de cette usine, qui devrait permettre la création de 3000 emplois directs et 9000 emplois indirects, tout en contribuant à éviter 40 millions de tonnes équivalent CO2 d’émissions sur 10 ans. Entretien.

Carbon, Depuis Fos-sur-Mer, l’entreprise Carbon veut devenir le leader européen du photovoltaïque, Made in Marseille
Nicolas Chandellier, directeur général de l’entreprise Carbon. © Carbon

Vous venez de franchir une nouvelle étape dans ce projet avec le dépôt du dossier d’autorisation environnementale. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nicolas Chandellier : Nous avons annoncé le dépôt du permis de construire pour la gigafactory à Fos-sur-Mer le 18 avril. Plus récemment, le 7 juin, nous avons déposé le dossier environnemental qui contient toutes les études sur l’impact environnemental et les risques inhérents. Ce dossier représente un travail de plusieurs milliers de pages, avec de nombreuses études, expertises.

Notre ambition est non seulement de répondre aux enjeux auxquels nous faisons face, mais aussi de tenir nos engagements en temps et en heure. Cette étape, en particulier, était un défi majeur, et nous avons réussi à la mener à bien comme prévu. Nous sommes très fiers d’avoir respecté les délais.

Quelles sont les principales mesures que vous avez mises en place pour minimiser l’impact environnemental de ce projet ?

Nous utiliserons les technologies les plus avancées. Par exemple, nous optimiserons l’utilisation de l’eau en recyclant plus de la moitié de celle que nous consommons. Nous minimiserons également notre consommation d’énergie et nous utiliserons, bien sûr, au maximum l’énergie photovoltaïque sur le site. L’objectif est de réduire au minimum l’utilisation des ressources et les émissions polluantes.

La zone de Fos-sur-Mer est déjà très industrialisée. Comment allez-vous gérer les flux routiers pour réduire les émissions carbone ?

Nous avons largement discuté ce sujet avec les autorités. Nous avons choisi ce site en partie pour sa plateforme multimodale, permettant l’utilisation du fret maritime, fluvial et ferroviaire, réduisant ainsi notre dépendance au transport routier. De plus, nous avons également travaillé sur des analyses d’impact sonore et de flux pour minimiser les nuisances.

Nous travaillons sur ces sujets en étroite collaboration avec les collectivités locales, les services de l’État, la Région et la Métropole. Cela implique des échanges constants et une coordination pour assurer que toutes les parties prenantes comprennent les enjeux du projet et les mesures mises en place pour minimiser son impact. Cette coopération est essentielle pour garantir le respect des réglementations et pour bénéficier de l’expertise et du soutien des autorités locales.

Pouvez-vous nous détailler la technologie que vous allez développer dans cette usine Carbon ?

L’usine intégrera les trois étapes de fabrication d’un panneau photovoltaïque : la transformation des galets de silicium en plaquettes, la transformation de ces plaquettes en cellules photovoltaïques, et enfin l’assemblage des modules complets.

Les plaquettes, qui constituent la base des panneaux solaires, sont extrêmement fines, d’environ 150 micromètres d’épaisseur. Cette étape implique des procédés technologiques avancés pour découper et traiter le silicium brut en plaquettes prêtes à être utilisées. 

La conversion des plaquettes en cellules photovoltaïques se fait, quant à elle, par un traitement chimique qui permet à la plaquette de devenir une cellule capable de capter l’énergie solaire, c’est-à-dire aux photons d’agiter des électrons. Ce processus inclut également la métallisation, où des contacts métalliques sont ajoutés pour permettre le transport des électrons.

L’assemblage de ces cellules en modules photovoltaïques implique de les monter sur un panneau, généralement de 2 mètres sur 1,30 mètre, en les « encapsulant » avec des plaques de verre et un cadre en aluminium. Ce processus assure non seulement l’assemblage, mais également l’étanchéité et la durabilité du panneau, ce qui garantit une performance optimale pendant plus de trente ans.

Nous utiliserons les dernières technologies disponibles pour être compétitifs et efficaces.

Carbon, Depuis Fos-sur-Mer, l’entreprise Carbon veut devenir le leader européen du photovoltaïque, Made in Marseille

Justement, votre projet n’échappe pas à l’avènement des technologies de pointe, l’automatisation… et dans le même temps vous prévoyez de créer un grand nombre d’emplois. Pouvez-vous nous en dire plus sur les profils recherchés ?

En automatisant nos processus, nous réduisons la nécessité de main-d’œuvre dans des tâches répétitives. Mais cela ne signifie pas une diminution globale des emplois. Au contraire, nous prévoyons, en effet, de créer environ 3000 emplois directs.

Nous cherchons des profils qualifiés sur la création de nouveaux postes axés sur la gestion et la maintenance préventive et corrective des équipements automatisés, dans la conduite de machines… et d’autres compétences spécialisées. L’activité se déroulera en continu, avec des équipes tournant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Quelle est votre ambition pour le marché européen du photovoltaïque ?

L’Europe et ses États membres sont engagés dans la construction d’une industrie souveraine, en réponse à l’impératif de transition énergétique. Nous observons une montée en puissance des énergies renouvelables, notamment dans le domaine du photovoltaïque, avec des installations sur les toits, des centrales et même des véhicules.

Mais plus de 90% de la fabrication se fait actuellement en Chine, ce qui pose un défi en termes de souveraineté industrielle pour l’Europe. Nous estimons que le marché européen aura besoin de 100 GW de capacité en photovoltaïque d’ici 2030, avec 40% provenant d’acteurs européens.

Actuellement, les capacités de production en Europe sont encore limitées, mais ce cadre réglementaire ouvre des opportunités significatives. Dans ce contexte notre projet prend tout son sens. Notre ambition, c’est de devenir le leader européen du photovoltaïque.

Le contexte politique actuel en Europe vous inquiète-t-il pour arriver à atteindre cet objectif ?

L’Union européenne a établi une directive claire et solide pour la transition énergétique. Elle intègre des objectifs précis pour le développement des énergies renouvelables et la réduction des émissions de carbone. Le développement de notre gigafactory s’inscrit dans ces directives. Ce qui garantit sa continuité indépendamment des fluctuations politiques. Je remarque que les grands équilibres politiques du Parlement européen n’ont pas été bouleversé au soir des élections européennes.

L’objectif est de diminuer la dépendance vis-à-vis des importations chinoises et de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en technologies critiques comme les panneaux photovoltaïques. Cet engagement est soutenu par des mesures régulatoires et financières pour stimuler la production locale et encourager l’innovation dans le secteur des énergies renouvelables.

Et puis, nous sommes sur les thèmes de la décarbonation, de création d’une filière industrielle, de 3000 emplois industriels, de la souveraineté énergétique… S’il y a des thèmes qui peuvent faire consensus, ce sont bien ceux-là.

Pouvez-vous nous donner un aperçu des prochaines étapes du calendrier ?

Nous attendons les résultats des études environnementales d’ici fin décembre à mi-janvier. Entre temps, il y aura une période d’enquête publique à l’automne. Nous prévoyons de commencer la construction au deuxième trimestre 2025, de mettre en service fin 2026 et d’avoir une montée en puissance progressive de fin 2026 à fin 2027.

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