Aix-Marseille Université accueille les 15 premiers chercheurs américains venus « exercer librement » en France pour fuir l’administration Trump. Le président Éric Berton espère en accueillir le double grâce au soutien de l’État français.
Une quinzaine de chercheurs américains arrive sous le feu des projecteurs, ce 26 juin, au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM). La presse a rarement été si nombreuse dans ce haut lieu scientifique, habituellement calme et studieux.
« Chers amis, bienvenus chez vous », affirme d’un ton solennel Éric Berton, président de Aix-Marseille Université. Ces chercheurs sont présélectionnés parmi 300 candidatures de climatologues, médecins, biologistes, historiens, venus des quatre coins des États-Unis pour intégrer le programme Safe place for science lancé en mars dernier par la fondation universitaire Amidex.
Conscient de devoir « être à la hauteur de ce moment historique », Éric Berton rappelle qu’un tel accueil s’est déjà produit en sens inverse durant la Seconde guerre mondiale : « Il y a plus de 80 ans, l’Amérique accueillait des chercheurs exilés pour continuer à faire vivre la science. Alors que la France sombrait à ce moment là dans l’occupation ».
Baisse des financements, suppression de données…
L’universitaire est l’un des premiers à lutter ouvertement contre « la censure scientifique » de l’administration Trump. Depuis son investiture, le gouvernement américain menace la science en supprimant notamment des données sur le climat, sur la diversité et le genre, qui sont parfois tronquées puis republiées.
Sur le terrain, les témoignages des chercheurs corroborent ces positions véhémentes. Brian Sandberg, chercheur en histoire de Chicago, s’exprime déjà parfaitement en français. Il relève « une attaque contre l’éducation démocratique » avec « des étudiants qui se sentent menacés », les Américains mais aussi les étudiants étrangers aux États-Unis.
De son côté, James, climatologue de San Diego, qui souhaite préserver l’anonymat de son nom, se sent particulièrement visé dans sa discipline qui s’intéresse au réchauffement de la planète, un sujet que Donald Trump n’apprécie pas. Il confie son « dégoût » d’assister aux coupes budgétaires drastiques dans la recherche.
La NASA, dont les chercheurs travaillent quotidiennement avec le laboratoire marseillais, en fait les frais. L’agence spatiale pourrait ainsi être amputée de 25% de son budget selon Le Monde. « Certains aimeraient postuler chez nous mais c’est trop difficile de tout quitter », livre l’astrophysicien Emmanuel Hugot.
Déployer de bonnes conditions d’accueil
Pour les accueillir dans les meilleures conditions, la fondation universitaire d’AMU (Amidex) a donc débloqué 5 millions d’euros par an pendant trois ans (15 millions d’euros) pour recruter 20 chercheurs américains. Même si certains pointent la différence de salaire entre les chercheurs français et américains, qui pourrait freiner l’attractivité française.
La Région Sud soutient aussi AMU pour « proposer un accueil global des chercheurs au-delà de leur environnement académique ». Avec l’agence régionale Rising Sud, ils bénéficieront d’un accompagnement dans la recherche de visa, de logement, d’emplois pour les conjoints, de crèche et de banque.
Au regard du grand nombre de candidatures, Éric Berton espère que l’État français s’engagera sur 5 millions d’euros supplémentaires pour 3 ans afin de doubler le nombre de chercheurs américains accueillis dans le programme.
Cette rallonge s’ajouterait aux 25 millions de budget de la fondarion Amidex qui vise à développer un pôle de recherche pluridisciplinaire de rang mondial sur le territoire. Le président précise d’ailleurs qu’elle « accueille aussi des chercheurs exilés comme les Palestiniens et les Ukrainiens ».
Il travaille donc avec l’ancien président François Hollande, actuellement député, sur une proposition de loi pour créer un statut de « réfugié scientifique » afin que les chercheurs, contraints de quitter leur pays, soient accueillis dans de bonnes conditions.