Des commerçants de la rue de la République ont créé une nouvelle association pour défendre un encadrement des loyers qu’ils jugent « excessifs ». Ils veulent en profiter pour attirer de nouveaux commerces.
Construite à la fin du XIXe siècle, la rue de la République abrite aujourd’hui des commerces colorés en ribambelle sur 1,5 kilomètre. Mais, depuis quelques mois, des commerçants se mobilisent pour alerter sur leur situation économique qu’ils présentent comme de plus en plus fragile.
La perte de chiffre d’affaires, causée par un arrêt de la circulation du tramway en février dernier après l’incendie du parking République, a été un des éléments déclencheurs. La conjoncture économique défavorable rentre aussi en jeu.
Depuis, un petit groupe s’est structuré. Il y a trois mois, Baligh Ferjani, gérant de la boutique du même nom, et Alban Lipp, président et cofondateur du Barbier de Marseille, ont créé « la nouvelle association des commerçants de la rue de la République », en associant des habitants, dont Nathalie Marotte, secrétaire générale.
L’encadrement des loyers en ligne de mire
Après des sessions de porte-à-porte, l’association a recruté « 90 premiers adhérents » pour « travailler dans des conditions plus sereines ». Le bureau espère atteindre 200 personnes en 2026 pour déployer ses actions, comme la lutte contre l’insalubrité et l’insécurité dans la rue.
Mais sa principale mission est de parvenir à « encadrer les loyers » avance Alban Lipp. Car il juge que les montants peuvent être « excessifs » pour certains commerçants. « Les montants des loyers varient d’un commerce à l’autre entre 150 et 900 euros du m2 sur l’année », avance-t-il.
Certains redoutent aussi les augmentations annuelles. Comme Florent Veron, gérant du restaurant Gilberte & Marguerite, installé depuis 2018, qui constate pour sa part une augmentation de 2% par an, encadrée par la loi.
Les institutions commencent à s’emparer du problème
Les commerçants jugent que ces loyers deviennent d’autant plus problématiques pour ceux dont les recettes baissent. « Nos loyers représentent aujourd’hui près de 25% de notre chiffre d’affaires, précise Baligh Ferjani. Ils ne devraient en représenter que 10% pour travailler correctement ».
Deux sujets s’entremêlent donc : d’un côté le montant du loyer et de l’autre la baisse des recettes, parfois due à des événements exogènes. Les bailleurs, pour des cas de figure précis, ont adapté les loyers aux profils de leurs locataires.
Conscients de ces difficultés, la CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence (CCIAMP) et le tribunal de commerce ont organisé une réunion le 12 juin dernier réunissant les commerçants de la ville pour présenter les dispositifs d’aides existants.
L’adjointe aux commerces de Marseille, Rebecca Bernardi (PM), a envoyé un courrier cosigné avec le maire de secteur Anthony Krehmeier, pour soutenir les commerçants et alerter les bailleurs de la situation, leur demandant d’harmoniser les loyers.
Le bailleur « Commerces de la République » tempère
Car dans les faits, deux bailleurs se partagent 60% des rez-de-chaussée de la rue : Primonial et Commerces de la République. Les 40% restants sont répartis entre plusieurs propriétaires privés. Une situation qui peut expliquer les variations de prix au m2.
Mais le représentant des Commerces de la République, Olivier Dubois, tempère la grogne des commerçants. Il réfute d’abord l’argument des loyers trop élevés. Fin connaisseur des dynamiques immobilières de la rue depuis 2008, l’expert rappelle que « les loyers sont fixés en fonction de l’activité du commerçant, de son positionnement dans la rue, et de l’îlot dans lequel il est installé ».
De plus, il est d’usage que les bailleurs proposent d’échelonner les mensualités des loyers pour aider les commerçants à se constituer une clientèle. « Nous leur proposons souvent de payer 60% du loyer la première année, puis 70, et ainsi de suite… avant de lui faire payer 100% », détaille Olivier Dubois.
Lutter contre la vacance commerciale
Florent Veron qui « a cru au renouveau de la rue » estime que son loyer « ne correspond pas à la clientèle », principalement constituée de travailleurs. Si les clients de bureaux sont nombreux le midi, le restaurateur n’ouvre ni le soir, ni le week-end, par manque de fréquentation.
La vacance élevée des baux commerciaux dans le quartier est également remise sur la table par les commerçants. Car les locaux vides entraînent, selon eux, un manque d’attractivité dans tout la zone.
Olivier Dubois, lui, réfute cette vacance sur la rue de la République pour ce qui concerne son parc immobilier. Néanmoins, il souligne la difficulté à attirer des commerçants « fiables » dans les rues adjacentes : rue Jean-Trinquet, rue de l’Évêché, rue Félix Éboué, rue Corbert et rue Vincent Leblanc.
Hausse de 40 à 75% de l’occupation des commerces depuis 2018
Pour lutter contre la vacance commerciale, plusieurs initiatives ont déjà émergé : l’association République des Commerçants, créée en 2013 et pilotée par Alexandre Seddik, gérant de La Samaritaine, pour encourager les animations de la rue de la République, de la place de la Joliette et des rues et places adjacentes, une Maison des commerçants en 2016 pour resserrer les liens entre locataires, une charte de la Ville pour redynamiser la rue, et une page Instagram qui cumule 12 000 followers.
Ces tentatives, entre autres, ont porté leurs fruits selon les propriétaires. « J’ai signé 10 nouveaux contrats depuis début 2025 », affirme Olivier Dubois qui analyse une augmentation de 40% à 75% de l’occupation de ses 130 commerces depuis 2018. Cette hausse a ainsi augmenté la valeur immobilière de la portion entre Sadi-Carnot et Joliette. Contrairement à la portion entre Sadi-Carnot et le Vieux-Port.
En parvenant à faire encadrer les loyers, la nouvelle association espère à son tour réduire la vacance commerciale en créant de bonnes conditions d’accueil pour les nouveaux arrivants, et tenter de transformer cette artère en « Champs-Elysées de Marseille », comme le projetaient les promoteurs dans les années 2000.