Quand les Marseillais tirent la chasse ou prennent une douche, ils chauffent désormais des logements sociaux ou font rouler des bus. Les eaux usées sont valorisées en biométhane dans l’usine de Sormiou, la plus grande de ce genre en France. Ce n’est pas une raison pour abuser des bains.
« Jolis noms d’arbres pour des bâtiments dans la forêt de ciment ». Ce vers mythique du rappeur Akhenaton doit parler aux habitants des résidences Cyclamens, Myosotis et Ajoncs dans la cité de la Soude (9e) à Marseille. Ces cités HLM aux noms fleuris ont poussé dans les années 1970, période où la qualité environnementale des bâtiments n’était pas au centre des préoccupations.
Mais aujourd’hui, ils se convertissent pour réduire leur impact sur le climat, ainsi que le paradoxe relevé par le rappeur d’IAM. À partir de janvier 2022, le chauffage et l’eau chaude de ce quartier prioritaire seront entièrement générés à partir de gaz vert produit localement à quelques kilomètres de là, du côté de Sormiou, dans le massif des Calanques.
Se chauffer à l’eau usée
C’est ici que s’est installée en 1987 une station de traitement des boues. Pas n’importe lesquelles : les boues issues de la station de traitement des eaux usées de Marseille et sa métropole. En 2018, l’unité de Sormiou a subi une mise à jour pour valoriser ces déchets. Après un an de travaux et 9,2 millions d’euros d’investissement, elle s’est convertie en centrale de méthanisation. Elle transforme désormais les boues d’épuration en biogaz qui est réinjecté dans le réseau de gaz public ou fait rouler des bus. Le gestionnaire délégataire Suez vise une production de 3,8 millions de « normaux mètres cube » (unité de mesure des gaz) par an, ce qui en ferait selon lui la plus grosse unité de production de biométhane de France.
Objectif 100 % gaz vert en 2050
Revenons aux logements sociaux de la Soude. En se convertissant au gaz vert, sans surcoût pour les habitants, cela permet de diminuer « par 14 les émissions de CO2 » des foyers, selon Smart avenir green. À l’origine du projet, cette association fédère les acteurs publics et privés pour le déploiement de cette énergie. Les quartiers concernés prennent donc une sacrée longueur d’avance sur la stratégie nationale de bas carbone, qui vise une division par 6 à l’échelle nationale en 2050.
Cette reconversion concernera aussi les quartiers prioritaires de Château Saint-Loup et la Valbarelle. Ils bénéficieront de ce dispositif « unique en France pour 1 319 logements sociaux en tout, explique le bailleur social Habitat Marseille Provence (HMP). Soit 4 000 à 5 000 personnes, sans aucun impact sur leurs factures », précise l’organisme. La capacité maximale de l’usine de Sormiou doit atteindre, à terme, 8 000 foyers environ. Cela limite encore le déploiement à l’échelle d’une ville comme Marseille.
« D’autres usines de production de biométhane vont sortir de terre à Marseille dans les années à venir », répond Olivier Clarac, directeur de l’agence Paca GRDF. Il précise toutefois qu’à l’heure actuelle, « 80 % des matières transformées proviennent de l’agriculture. En 2023, on aura doublé notre capacité de distribution de gaz vert dans la région, en atteignant 12 térawatt-heure (TWh) ».
En 2030, GRDF projette d’atteindre 90 TWh, pour viser l’objectif d’un gaz « 100 % vert en 2050 » sur le territoire.
Cette opération d’un montant de 9,2 millions d’euros visait à faire rentrer le territoire en phase avec la loi de transition énergétique. C’est pourquoi les collectivités ont également mis la main au portefeuille, comme précisé lors de son inauguration en 2019 :
- Métropole Aix-Marseille Provence : 2,65 millions d’euros
- Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse : 2,52 millions d’euros
- SERAMM (SUEZ) : 2,38 millions d’euros
- Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur : 800 000 euros
- ADEME PACA : 640 000 euros
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