Il s’appelle Axel Bougrainville. Il est autodidacte et s’est lancé dans la reconquête de la filière et du négoce du chanvre dans la région Sud, en privilégiant les circuits courts.
« C’est un projet de cœur ». Lorsqu’il parle de son activité, Axel Bougrainville est passionné. Lui, l’autodidacte, ancien chauffeur poids lourd, a fait le pari de relancer la filière du chanvre en Provence. Une idée née au mois de décembre 2018, au cours d’une conversation avec des amis. « On discutait de la Canebière à Marseille, et en effectuant des recherches sur internet, on a découvert que la Canebière avait été surnommée ainsi parce qu’il a plus de 400 ans le port de Marseille était l’un des plus grands comptoirs de chanvre au monde pour la fabrication et le commerce des élingues et cordages. Je me suis dit que puisque Marseille était finalement le coeur historique et avait pu aussi s’enrichir grâce à cette plante, pourquoi ne pas s’en inspirer.»
Axel se met alors en quête d’informations, sur l’histoire mais aussi sur cette plante, la manière de la récolter, et sur les débouchés… « J’ai tapé à toutes les portes », et c’est de cette manière qu’il découvre qu’une expérimentation avait été menée dans le Luberon, « mais elle n’a pas été vraiment concluante. J’ai tiré les conclusions du rapport et je me suis inspiré de cet échec pour lancer mon expérimentation.»
La Camargue, nouvelle terre du chanvre
C’est en Camargue, une terre propice à la culture de cette plante, en raison de l’irrigation, qu’il a lancé une expérimentation il y a six mois. Elle a été réalisée sur une parcelle de 2,3 hectares exactement aux Salins de Giraud, avec trois variétés différentes.
Cette phase avait pour but de tester les débouchés de marchés possibles grâce à cette nouvelle filière. « Ces filières existent déjà dans le nord de la France, mais pas dans le sud, alors qu’il y a un potentiel ici », explique Axel, d’autant que toute la plante peut se valoriser économiquement : « On transforme le chanvre et on utilise tous les dérivés. Il n’y a pas de pertes, c’est 100% écologique, elle ne nécessite pas non plus d’utilisation de produits phytosanitaires. C’est une réponse aux enjeux écologiques actuels ».
Une plante, quatre dérivés pour un commerce éco-responsable
Les quatre dérivés du chanvre (la graine, la fibre, la chènevotte et les poussières et biomasse) peuvent être utilisés dans différents secteurs d’activités. La graine s’adresse au marché de l’agro-alimentaire et des cosmétiques bios. « L’huile de chanvre est la seule qui a le ratio parfait oméga 3 et 6 et en protéines, ce qui en fait l’une des meilleures huiles pour la santé, pour des personnes, par exemple, avec des maladies cardiovasculaires, ou des maladies de peau », poursuit le jeune homme. C’est aussi un bon substitut pour les personnes allergiques au lactose et au gluten.
Avec la fibre, il s’adresse à l’industrie textile bio, avec « une fibre naturelle qui n’est pas aussi polluante que le coton, dont on sait tous les dégâts que cela peut causer pour la planète ». Elle convient aussi pour l’isolation et pour faire du plastique bio-sourcé.
D’ailleurs, la chènevotte, autre dérivé, peut être utilisée dans le secteur du bâtiment pour l’éco-construction : « Avec le béton de chanvre, on peut construire des maisons qui stockent du CO2 tout au long de leur vie. Des constructions éco-durables qu’il faut aujourd’hui développer pour réduire l’impact du béton actuel qui lui émet du CO2. Une maison de 100 m2 en béton de chanvre stocke 15 tonnes de CO2. Par ailleurs, la chènevotte possède des performances d’isolation thermique et acoustique unique ».
Enfin, les poussières et la biomasse permettent d’être valorisées en combustibles, sous différentes formes : granulés ou briquettes pour produire de l’énergie verte. « Comme on l’a dit, le chanvre a une grande capacité de stockage de CO2 ça en fait un combustible forcément évident. On transforme cette biomasse en chaleur qui est valorisée en électricité par la suite ».
Même si Axel est toujours à la recherche de prospects, cette première récolte a été « positive. La chaîne de valorisation est presque conclue et j’ai déposé ma marque « abc chanvre » tout simplement ». Il a déjà trouvé un partenaire pour le marché de l’industrie textile, et un autre pour le béton de chanvre. « Un acteur international qui souhaite se développer en circuit court dans notre région et prêt à se fournir en chènevottes, confie-t-il, sans vouloir divulguer les noms. Je recherche actuellement des acteurs dans la filière énergétique et j’ai ouvert un appel d’offres pour toutes les industries cosmétiques et agroalimentaires de la région. »
« Non, ça ne se fume pas ! »
Il travaille également en collaboration avec des agriculteurs. « Pour les agriculteurs, ça peut être une culture assez intéressante entre deux de leurs cultures ». Grâce à un agriculteur qui a accepté de mener une expérimentation sur ses terres, « on pourra augmenter la surface et commencer à développer la filière ».
Et attention aux amalgames ! « Non, ça ne se fume pas », sourit Axel. « C’est souvent la première question qu’on me pose. Ce sont des variétés 100% règlementées, autorisées par la loi. La réglementation autorise 21 variétés avec moins de 0,2% de THC [le tétrahydrocannabinol est la principale molécule active du cannabis]. Donc toutes les variétés plantées sont règlementées et fournies par une coopérative de semences chanvrières françaises. »