Une mission sur l’insertion des bénéficiaires du RSA a été confiée depuis la mi-juin à Claire Pitollat, députée des Bouches-du-Rhône, et Mathieu Klein, président du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle (54). Objectif : faire ressortir les dispositifs actuellement en place sur les territoires qui font leurs preuves. À quelques jours de rendre son rapport, l’élue nous confie son premier bilan.
Dans la lettre de mission envoyée par le Premier ministre à Claire Pitollat et Mathieu Klein, Édouard Philippe dresse un constat qu’il qualifie lui-même « d’alarmant » concernant le système du revenu de solidarité active (RSA). « Des départements contraints financièrement (l’insertion est une compétence des départements, ndlr) et des personnes sans solution d’accompagnement et sans perspectives de retour à l’emploi, c’est exactement l’inverse d’une politique sociale efficace et légitime », écrit-il. Parmi les chiffres énoncés : 40% des bénéficiaires ne sont pas orientés vers un accompagnement six mois après une demande de RSA, 13% sont encore totalement livrés à eux-mêmes au bout de deux ans et, parmi les bénéficiaires orientés, un sur deux n’a aucun contrat d’engagement et donc pas de logique de droits et devoirs engagée.
Bien que la situation soit préoccupante, certains dispositifs mis en place par les départements français fonctionnent. Et c’est justement ces « bonnes pratiques » que Claire Pitollat et Nicolas Klein ont eu à recenser au cours de ce mois de juillet 2018. « On est allés pour cela en Seine-Saint-Denis (93), dans le Nord (59), en Gironde (33) et en Meurthe et Moselle. Il nous reste désormais les Alpes-de-Haute-Provence (04). On a aussi mené des auditions à Paris avec des associations, des agences d’insertion, des institutions et des demandeurs d’emploi. On en est à présent à dépouiller les informations pour pouvoir rédiger le rapport afin de mettre en avant ce qui nous paraît le plus important et efficient », explique la députée.
Faire confiance aux bénéficiaires du RSA
Écouter davantage les demandeurs d’emploi et leurs besoins apparaît comme une priorité pour Claire Pitollat. Les bénéficiaires se sentiraient « stigmatisés » et découragés au fil du temps, la faute à des propositions d’emploi ou de formations qui ne collent pas avec leurs profils ou à des difficultés non résolues dans leur recherche d’emploi. En cause notamment : un système trop figé. « Il faut permettre à ceux qui veulent rentrer dans l’emploi rapidement de le faire et ne pas forcément les obliger à suivre un parcours d’accompagnement s’ils ne le souhaitent pas. Cela ne veut pas dire que l’accompagnement est arrêté, mais que des étapes peuvent être supprimées », explique la députée. Laisser les bénéficiaires du RSA s’exprimer et leur faire confiance dans leur choix est un point jugé comme essentiel par Claire Pitollat.
Plus de synergie entre les acteurs économiques
Pour mener leur mission, Claire Pitollat et Nicolas Klein ont notamment rencontré les acteurs du monde économique. Ces derniers souhaitent être davantage impliqués sur la question de l’insertion et que les rencontres entre entreprises et demandeurs d’emploi soient favorisées. « Ce qui paraît primordial dans une période de reprise comme la nôtre est de pouvoir répondre aux besoins des entreprises qui ont besoin d’embaucher. Elles disent qu’elles ne trouvent pas les compétences qu’elles recherchent. Quand on part de ce constat et qu’on a en face des bénéficiaires qui recherchent un emploi et qui eux ne trouvent pas, on voit qu’il y a un gâchis », met en avant Claire Pitollat. Créer de la synergie entre tous les acteurs de l’emploi, des institutions aux entreprises en passant par les structures d’accompagnement, est d’ailleurs un point clé selon la députée.
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Changer les méthodes d’évaluation
Aujourd’hui, les différents dispositifs d’insertion sont évalués en ne prenant qu’un seul critère, celui du retour à l’emploi. « D’autres paramètres doivent être regardés pour se dire si un dispositif est intéressant et s’il y a retour sur investissement à la fois pour la collectivité et les bénéficiaires », considère Claire Pitollat. Parmi eux : les coûts engendrés par la mise en place du dispositif, les acteurs mobilisés ou encore le retour à l’emploi durable. Car le but n’est pas seulement d’aider les bénéficiaires du RSA à trouver un emploi, mais un emploi qu’ils gardent dans le temps et qui correspond à leurs attentes.
Avec ce nouveau système d’évaluation des dispositifs, Claire Pitollat et Mathieu Klein souhaitent mettre en place une démarche d’amélioration continue. Le but étant d’assurer le déploiement des dispositifs qui portent leurs fruits de leur département d’origine aux autres, en les adaptant aux réalités de chacun d’entre eux. Toutefois pour Claire Pitollat, « il n’y a pas un seul dispositif qui marchera pour tous les territoires ». D’où la nécessité de mieux les évaluer pour pouvoir les transposer sur les territoires en fonction des besoins.
Quelle situation dans les Bouches-du-Rhône ?
De même qu’il n’existe pas de dispositif « miracle », il n’y a pas un département qui sort du lot par rapport aux autres. « On a vu qu’il y a une grosse hétérogénéité entre les départements. Il y a un besoin globalement d’harmoniser en axant sur le lien avec le monde économique et le besoin d’évaluation », synthétise Claire Pitollat.
En ce qui concerne le département des Bouches-du-Rhône, les services du Conseil départemental n’ont pas fait suite à nos demandes pour faire un point sur la situation. Des chiffres trouvés dans le programme départemental d’insertion 2017/2019 montrent que les Bouches-du-Rhône concentrent près de la moitié des bénéficiaires du RSA de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Des foyers d’ailleurs plus présents à Marseille (64% en 2016) que dans le reste du département.
L’année 2016 a été la première où le nombre de foyers bénéficiaires du RSA dans les Bouches-du-Rhône a baissé depuis 2010 (voir graphique ci-dessous). Ils étaient au nombre de 69 500 au 31 décembre 2016 contre environ 74 600 au 1er janvier 2014. Une diminution qui s’explique par une baisse des nouveaux entrants dans le dispositif et une augmentation du nombre de sorties.
Le Conseil départemental a mis en place différents dispositifs en faveur des bénéficiaires du RSA depuis 2015 et l’élection de Martine Vassal à sa présidence. Parmi eux, « l’Accélérateur de l’emploi en Provence ». Chaque semaine, des bénéficiaires disposent d’un accompagnement pour préparer des entretiens d’embauche et notamment une séance de job dating avec des recruteurs. Présent de façon fixe au siège de l’institution à Marseille, il va être déployé dans le reste du département via un « bus de l’emploi ». En 2017, l’accélérateur a organisé 12 job dating (un par mois), auxquels ont participé 2 200 bénéficiaires, donnant lieu à 400 recrutements.
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Par Agathe Perrier