Monter des projets, travailler à son rythme, être indépendant… pour de nombreux jeunes, l’entrepreneuriat n’est plus une option, c’est une évidence. Mais derrière l’image de liberté, il y a des défis concrets : financement, administratif, manque de réseau et d’expérience… Alors, comment faire pour que le rêve ne se transforme pas en échec ?
Six jeunes sur dix sont impliqués dans l‘entrepreneuriat, révèle un indice BPI de 2024. Cette tendance n’échappe pas aux jeunes Marseillais. En témoignent les nombreuses structures qui ont poussé comme des champignons ces dernières années : le Carburateur, le Spot, la French-Tech Aix-Marseille ou la Ruche. Mais pourquoi les jeunes rêvent d’entreprendre ? “Pour être libres”, répond du tac au tac Réda, 44 ans, accompagnateur au Spot, structure installée à l’Épopée, le tiers-lieu à Sainte-Marthe (14e).
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Cette envie d’être libre correspond d’abord à la liberté financière. “Ils veulent faire de l’argent”, explique Muriel Bernard-Reymond, directrice du Carburateur qui accompagne les jeunes entreprises et les porteurs de projets depuis 2016, à la Cabucelle (15e). La liberté sonne aussi comme “travailler sans l’autorité d’un patron”, poursuit-elle.
Et beaucoup de jeunes auraient aussi du mal avec l’autorité, selon Réda. Ce dernier accompagne Sofiane, entrepreneur de 23 ans, qui veut avant tout “vivre des émotions fortes” en montant sa boîte. Originaire du Castellas (15e), il veut montrer sa capacité à réaliser des projets, les faire grandir, sans être assigné à son quartier. Ce mythe de l’entrepreneur cache parfois les difficultés à surmonter.
Les influenceurs sur Instagram et TikTok encouragent notamment cette fascination du business man à qui tout réussit. Et certains jeunes rêvent de les imiter. Mais parfois il faut les ramener sur terre : “On dépend toujours de quelqu’un, que ce soit ses clients, ses fournisseurs ou ses followers”, estime pour sa part Muriel. “Mais on ne leur dit jamais que c’est impossible. On polit les idées jusqu’à ce qu’elles deviennent concrètes. Notre atout c’est qu’on parle le même langage qu’eux, car on vient des mêmes quartiers”, explique Toro, associé de Réda et accompagnateur au Spot.
Les freins face aux ambitions
À Marseille, de nombreuses structures orientent les jeunes vers des formations, ateliers, conférences inspirantes, pour combler leur manque d’expérience du monde du travail. Sofiane, par exemple, a suivi un premier accompagnement chez Pépite Provence, puis une formation de six mois chez Les Déterminés. “J’ai voulu apprendre auprès de ceux qui savent”, lance le jeune ambitieux.
Aujourd‘hui, il est sur le point de signer six partenariats avec des structures médicalisées pour son projet “la brigade commando” : des soins par le sport pour personnes âgées ou en situation de handicap. S’il s’accroche, Sofiane assume que le plus dur dans l’entrepreneuriat c’est de prospecter et de trouver des clients. Pour leur donner confiance, Réda et Toro participent souvent aux premiers rendez-vous. “On sort de nos missions classiques et la direction de l’Épopée nous fait une totale confiance. On se tient à disposition par téléphone h24 s’ils ont besoin d’aide”, raconte Réda.
Les lourdes démarches administratives reviennent aussi comme l’un des principaux freins pour les jeunes. Mais le premier, “qui dépasse tous les autres” selon ces structures d’accompagnement, reste le financement. Car, dans la conjoncture actuelle, les investisseurs, comme les banques, sont de plus en plus frileux pour financer les nouveaux projets, sans chiffre d’affaires, car les projets sont très risqués. Malgré un projet viable, certains jeunes peuvent rester sur le carreau, bloqués dans leurs ambitions.
Demander de l’aide
C’est à ce moment-là qu’intervient l’Adie 13. Cette association donne une chance à celles et ceux que les banques traditionnelles refusent de financer. “Ce n’est pas parce qu’une personne est au RSA ou à découvert qu’on ne va pas l’accompagner”, souligne Jordan Martinez, conseiller à l’Adie 13. Même si, “le crédit n’est pas gratuit, nous demandons une contribution de solidarité qui doit aussi être remboursée.”
Récemment, son association a tendu la main à Vincent et Adèle (photo de Une) qui avaient essuyé une trentaine de refus auprès des banques. En avril dernier, le jeune couple a pu lancer l’institut de soins dermatologiques coréens dont ils rêvaient après leur tour de l’Asie. Depuis l’ouverture rue Beauvau (1er), les clients sont au rendez-vous. De quoi rassurer le binôme qui a tout lâché pour s’installer à Marseille et monter son entreprise.
Que ce soit au Carburateur, au Spot ou à l’Adie, chaque approche se veut collective. Tous les jeunes sont reçus, quel que soit leur projet et leur avancement, parfois juste pour boire un café et échanger sur une idée. Le Carburateur, précurseur dans cette démarche en 2016, accueille même des collégiens et des lycéens pour leur ouvrir le champ des possibles très tôt. Entre conseils, suivis permanents, microcrédits, orientation vers des ateliers de formation… chaque structure joue un rôle d’amortisseur face aux inégalités. Un maillon indispensable dans une ville où seulement 2% des habitants des quartiers populaires se lancent dans l’entrepreneuriat, contre 13% en moyenne à Marseille.