Jules Sitruk a grandi dans les quartiers Est de Marseille. Après une classe préparatoire aux grandes écoles, il a intégré HEC dont il est fraîchement diplômé. Au lieu de convoiter un poste de cadre dans une grande entreprise, le Marseillais a choisi de rester chez lui pour aider la jeunesse de sa ville à « rêver grand ».
Fervent supporter chez les South Winners depuis son plus jeune âge, il s’est appuyé sur les valeurs du supportérisme pour fonder le Protis Club en 2022. Un réseau qui inspire et fédère une quarantaine de jeunes recrutés sur les bancs du virage Sud. Pour récompenser son engagement, Jules Sitruk a été sélectionné dans les 30 personnalités de moins de 30 ans du magazine Forbes et ne cesse d’être érigé comme une figure inspirante pour la jeunesse marseillaise.
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Pourquoi es-tu engagé pour la jeunesse marseillaise ?
Ce qui m’a beaucoup forgé, c’est le stade Vélodrome, le Virage Sud et mon appartenance aux Winners depuis très longtemps. Ça a forgé à la fois mon caractère en termes de valeurs, car c’est un groupe qui œuvre au quotidien pour Marseille dans cet esprit de partage, d’amitié, de bienveillance. Et ça m’a donné un esprit d’indépendance avec lequel j’arrive à mener des projets qui cassent un peu les codes.
Quelle est ta vision de cette jeunesse que tu accompagnes ?
À Marseille, il y a cette fracture entre les quartiers nord et les quartiers sud qui crée un déséquilibre dans le développement des jeunes. Dans le nord, on sait qu’il n’y a pas toutes les opportunités, mais que les jeunes veulent s’en sortir et aller loin. Dans le sud ils sont curieux et veulent s’enrichir de la diversité. Le stade est le seul endroit où se produit un vrai mélange entre ces deux jeunesses. Donc, petit à petit, dans le virage sud, on voit leur potentiel, leur personnalité, leur vivacité d’esprit, et on se dit qu’il y a de belles histoires à écrire. La jeunesse marseillaise a toutes les qualités pour réussir.
Lesquelles selon toi ?
Nos jeunes ont plein de qualités humaines. Ils ont la tchatche, ils sont entreprenants, et débrouillards. Toutes ces caractéristiques sont propres à Marseille. Par exemple, certains viennent seuls à 12 ans, à 13 ans, supporter leur équipe et faire les tifos. Mais d’un autre côté, il n’y a pas forcément toutes les opportunités, les connexions, ni même l’information qui circule suffisamment. Quand j’ai intégré HEC, beaucoup ne connaissaient pas. C’était donc l’occasion de les faire venir sur le campus d’HEC et de créer un vrai lien entre les Winners et l’école.
Comment le Protis Club les aide concrètement ?
L’idée de départ, c’était que cet amour pour Marseille et pour l’OM devienne un tremplin. J’ai créé un groupe de jeunes de tous les horizons de Marseille. Assez vite, ils ont commencé à devenir amis, pas seulement pendant les matchs. Puis j’ai très vite mis HEC dans la boucle. L’avocat Bertrand Perrier les aide à la prise de parole. L’ancien gouverneur militaire de Marseille, Pascal Facon, les a aussi suivis pour le concours d’éloquence que le Protis Club co-organise avec l’école.
Donc, vous leur transmettez surtout l’art oratoire. C’est le plus important pour réussir ?
Au-delà de passer des concours, il faut les préparer à être de futures personnalités, des jeunes qui sont capables de faire bouger les lignes. Ils sont fiers d’apporter leur pierre à l’édifice au Protis Club car ils ont un vrai sentiment d’appartenance. Ce qui est important, c’est ce sentiment d’incarner et de porter des projets. Ils doivent être capables de convaincre leurs interlocuteurs. C’est pour ça que je développe beaucoup l’art oratoire avec Jean-Louis Pacull, ancien commentateur de l’OM. On se réunit régulièrement au Cercle des Nageurs aussi pour se préparer. Ils croisent des champions et des personnalités. Et ça les inspire.
Combien de jeunes ont intégré l’école depuis le lancement ?
Pour le moment, un jeune des quartiers Sud, Jules. Car les autres sont plus jeunes. Mais je peux donner Ryan en exemple. Il a intégré le Protis Club à 18 ans alors qu’il était déscolarisé. Mais de fil en aiguille, il a participé à la première édition du concours régional d’éloquence. Et il est arrivé deuxième. Ce qui l’a remotivé pour reprendre l’école. J’ai donc appelé le lycée Tour Sainte (14e) qui l’a directement intégré en terminale générale alors qu’il n’avait pas de cursus généraliste. Un an après, il a obtenu son bac avec mention.
Ensuite l’idée, c’est de l’aider à entrer en classe préparatoire ?
J’ai signé une convention avec HEC donc certains pourront faire une admission sur titres. Ce qui veut dire qu’ils pourront candidater après une licence. C’est d’ailleurs ce qu’on les pousse à faire. HEC reconnaît la capacité des jeunes du Protis Club à se développer humainement, à faire bouger les lignes. Ces compétences intéressent beaucoup l’école. Après, ils ne vont pas m’en prendre 40. Je proposerai certains dossiers prometteurs qui devront ensuite passer les oraux.
Tu es monté à l’Élysée à plusieurs reprises et tu as rencontré Emmanuel Macron. Quel message tu lui transmets ?
Emmanuel Macron m’avait été présenté par Sabrina Agresti-Roubache en 2023. Je le vois lorsqu’il organise des dîners présidentiels à Marseille. Je lui partage toujours ma vision pour la jeunesse. Je lui montre que le stade, c’est le miroir de la ville et qu’il faut s’appuyer sur ce sentiment d’appartenance pour permettre aux jeunes de rêver grand. J’essaie de lui expliquer aussi qu’à Marseille, il faut parfois se détacher des procédés institutionnels et construire des projets qui leur ressemblent comme le Protis.