Le Mucem a rendu hommage à Robert Badinter, fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort, quelques jours après sa panthéonisation. À cette occasion, le musée expose la dernière guillotine de France utilisée à Marseille en 1977.

La guillotine a été utilisée pour la dernière fois à Marseille le 10 septembre 1977. Hamida Djandoubi, ouvrier agricole de 28 ans, condamné à mort pour l’assassinat de sa compagne de l’époque et proxénétisme, est l’ultime criminel à être exécuté dans la prison des Beaumettes.

Le chemin fut pourtant long et sinueux, autant pour la classe politique que les citoyens, pour abolir définitivement la peine de mort, le 9 octobre 1981. Robert Badinter, tout juste nommé garde des Sceaux par le président François Mitterrand, est la figure de proue de cette victoire.

En hommage au célèbre avocat, entré au Panthéon le 9 octobre dernier, 44 ans jour pour jour après l’abolition de la peine capitale, le Mucem a organisé un échange avec le journaliste Éric Fottorino et l’historien Thomas Snégaroff, en partenariat avec l’Ina Méditerranée.

guillotine, La dernière guillotine de France exposée au Mucem en hommage à Badinter, Made in Marseille
Hamida Djandoubi arrive à son procès par un tunnel relié à la prison d’Aix-en-Provence © AFP archives – GERARD FOUET

Un objet chargé d’histoire au Mucem

Robert Badinter a lui-même tenu à ne pas détruire cette dernière guillotine pour le devoir de mémoire. Il a ainsi proposé de l’intégrer aux collections nationales en 1982, mais avec la condition de ne la montrer au public qu’après les années 2000 pour laisser le débat s’apaiser.

Après une première exposition en 2010 au musée d’Orsay à Paris, sous un voile noir, la machine à tuer se retrouve exposée, nue, au Mucem depuis le 9 octobre. Elle clôture désormais le parcours de l’exposition « Populaire ? Les trésors des collections » du musée national.

Découvrir cet objet de mémoire, aussi imposant et bien conservé, fait frissonner. Les visiteurs restent comme médusés devant cette ingénierie glaciale qui est pourtant née des idées des Lumières, pendant la Révolution française, en 1792, pour exécuter égalitairement les nobles et le peuple.

guillotine, La dernière guillotine de France exposée au Mucem en hommage à Badinter, Made in Marseille
Le mécanisme de la guillotine est bloqué, elle ne peut plus être utilisée. © Olivia Chaber

Le combat viscéral de Robert Badinter

L’abolition de la peine de mort est aujourd’hui irréversible car inscrite dans la Constitution française depuis 2007. Une consécration pour Robert Badinter qui y a dédié une grande partie de sa vie.

Son combat surgit bien avant sa nomination comme ministre de la Justice en 1981. Sa lutte, devenue une obsession, s’est concrétisée en 1972 pendant le procès de son client Roger Bontems, complice dans l’affaire du meurtre d’une infirmière et d’un gardien de la centrale de Clairvaux.

Mais Robert Badinter ne parvient pas à lui éviter la peine capitale, quand bien même son client n’a pas tué. Il raconte ce choc dans son livre l’Exécution l’année suivante, en 1793, qui marque le début de son dévouement sans faille pour cette cause.

guillotine, La dernière guillotine de France exposée au Mucem en hommage à Badinter, Made in Marseille
Conférence de Eric Fottorino avec Thomas Snégaroff au Mucem, le 13 octobre 2025.

De meilleures conditions dans les prisons

Abolir la peine de mort n’a pas été le seul combat de ce professeur émérite de droit. Robert Badinter a aussi œuvré contre l’antisémitisme. La mort de son père, Simon Badinter, dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, l’a marqué au fer rouge depuis l’adolescence.

Robert Badinter s’est aussi battu pour améliorer les conditions de vie dans les prisons en France. « C’est lui qui a permis aux prisonniers de pouvoir décorer sa cellule, d’intégrer la télévision pendant la coupe du monde de 1986, et d’enlever les vitres dans le parloir pour que les gens puissent se serrer dans les bras… », énumère Éric Fottorino.

Taxé de laxiste par ses opposants, l’avocat s’est également battu pour les droits humains des minorités et pour rendre la justice plus humaine. Il repose désormais à côté de Nicolas de Condorcet, philosophe des Lumières, qu’il admirait.

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