Après 53 ans d’existence, la boutique de déguisement du cours Lieutaud Viva Samba baissera le rideau le 5 novembre. Reportage pour les derniers jours de cette institution marseillaise.

« Je suis rentrée car j’ai vu que tout devait disparaître », lance une jeune cliente en passant la porte de Viva Samba, institution marseillaise du déguisement du cours Lieutaud depuis 1972. « Tout doit disparaître, sauf moi ! », plaisante la patronne, Catherine Prigniau.

Chapeaux, masques, costumes sont bradés avant la fermeture le 5 novembre. Quelques fidèles se réuniront autour d’un apéritif pour dire un dernier au revoir à l’enseigne de la fête marseillaise qui a fait vibrer le quartier pendant 53 ans.

« J’ai des frissons », lâche une cliente à la caisse, les yeux embués. « On venait ici quand on était jeunes. Avec mon mari, on avait acheté un costume de Vénitien pour le carnaval », se rappelle une habitante de 70 ans, en déposant un costume de mousquetaire pour son petit-fils sur le comptoir.

Viva Samba, Sur le cours Lieutaud, la fermeture de Viva Samba signe « la fin d’une époque », Made in Marseille

Une évolution des générations

« Avant, on louait énormément de costumes de D’Artagnan ou de Robin des Bois parce qu’il n’y avait pas de mode. Il n’y avait pas les réseaux sociaux. Il n’y avait pas tout, tout de suite », explique Catherine.

À l’époque, fin des années 90, Viva Samba « c’était une énorme affaire. Il y avait beaucoup d’employés, on avait cinq magasins, quatre à Marseille et un à Toulon », retrace la patronne. Mais dans les années 2000 l’entreprise s’est recentrée sur la maison mère qui marchait encore « du feu de dieu » jusqu’en 2015.

Cette année-là, le commerce a connu une année charnière avec la prolifération des sites marchands, moins chers. « Les gens ont ensuite pris l’habitude de commander pendant le covid (…) quand ils viennent ici, il n’y a pas de place pour se garer », explique Catherine.

La consommation entre les générations a évolué, comme le pouvoir d’achat. Si les plus âgés continuent à acheter des « total look », les jeunes préfèrent les accessoires avec un panier moyen moins élevé.

Viva Samba, Sur le cours Lieutaud, la fermeture de Viva Samba signe « la fin d’une époque », Made in Marseille

Les souvenirs resteront

La conjoncture n’est donc pas au beau fixe. Mais Catherine baisse surtout le rideau pour se reposer, après 40 ans de bons et loyaux services, comme sa fidèle salariée Cathy. « Le yin et le yang », résument les deux amies.

Le temps de se rappeler les souvenirs est désormais venu. Celui, quand le cours Lieutaud était encore une deux fois deux voies où les camions se prenaient dans le pont Eiffel, et tombaient devant le magasin. Des scènes surréalistes arrivaient « toutes les semaines », se souvient le duo.

« Une fois, un camion est carrément rentré dans la vitrine, j’ai hurlé pour que tout le monde se mette à l’abri », raconte Cathy, en mimant la scène. « Je m’étais déguisée en Wonder Woman pour faire semblant de le redresser avec ma force », rigole Catherine.

Le binôme ne manque pas d’humour. C’est ce qui a aussi fait la réputation de la boutique. Certains venaient autant à Viva Samba pour se déguiser que pour tisser des relations privilégiées. Comme le producteur marseillais Laurent Jounka, habitué depuis petit, qui a privatisé le magasin pour tourner une scène de son film Les gagnants (2022) avec Joey Starr et Alban Ivanov.

Viva Samba, Sur le cours Lieutaud, la fermeture de Viva Samba signe « la fin d’une époque », Made in Marseille

Une nouvelle activité en préparation

Tous les Marseillais garderont un souvenir de chez Viva Samba, pour un carnaval de l’école, une fête Halloween, ou un anniversaire à thème. Caroline, cliente depuis 20 ans, dépose sa perruque de Polnareff devant Catherine. « C’est triste, cette fermeture. Mais c’est la vie, il faut se reposer », sourit-elle.

« Tout à fait. Il y a un temps pour tout. On a eu une belle vie. J’ai essayé de chercher un repreneur, mais je n’ai pas trouvé. C’est la fin d’une époque », regrette la patronne, en caressant son Cavalier King Charles noir, Dolly.

Les murs ont cependant bien été rachetés. Mais Catherine préfère garder le secret de cette nouvelle activité pour partir le cœur léger, à cheval sur son scooter, livrer ses derniers clients.

Viva Samba, Sur le cours Lieutaud, la fermeture de Viva Samba signe « la fin d’une époque », Made in Marseille
Catherine et sa chienne Dolly.
Bouton retour en haut de la page