À l’Estaque, une mobilisation citoyenne veut sauver « le camembert » de la démolition pour en faire une vitrine de la recherche subaquatique. Le bâtiment jouxte le hangar du Saga, plus grand sous-marin civil du monde imaginé par le commandant Cousteau, et le pôle de recherches archéologiques sous-marines (Drassm).

Nous sommes à l’Estaque, quartier littoral à l’extrême nord de Marseille. À deux pas de l’espace Mistral, derrière un alignement de platanes, protégé par des grilles et des cadenas, un bâtiment à l’abandon suscite l’attention de certains.

L’édifice entièrement circulaire, dont les façades intégralement vitrées offrent un panorama saisissant sur la Méditerranée qui s’étend à ses pieds, est un témoin de l’architecture moderniste des années 1970.

Il est connecté à un immense hangar, loin d’être anodin. Ce dernier abrite le plus grand sous-marin civil du monde, le SAGA, conçu par l’emblématique commandant Cousteau à la fin des années 1960. Avant que la Comex de Henri-Germain Delauze ne reprenne le projet et le fasse aboutir en 1987.

Surnommé « le camembert », le bâtiment circulaire a été dessiné, selon des témoignages, par le fils du célèbre marin au bonnet rouge, Jean-Michel Cousteau. Il accueillait les bureaux des équipes de scientifiques, ingénieurs et dessinateurs. Avant de se reconvertir plus récemment en centre de balnéothérapie, « les Bains de l’Estaque ». Puis de fermer ses portes il y a quelques années.

l'estaque, À l’Estaque, des citoyens veulent sauver « le camembert » de Cousteau, Made in Marseille
Le Saga dans son hangar de l’Estaque.

« Une vitrine » pour le pôle de recherche subaquatique de l’Estaque

Propriété du Grand port maritime de Marseille, le bâtiment, vidé et désamianté, est promis à la démolition. C’est ce que confirme un affichage sur les grilles du site. Mais certains veulent imaginer un autre avenir au camembert.

« Il fait la connexion entre le Saga dans son hangar à l’Ouest, et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) à l’Est. On a ici un pôle de recherche subaquatique inédit. Historique et patrimonial d’un côté, et encore bien vivant de l’autre », clame Jonathan Cacchia, du collectif Thala.

« Mais ni le Drassm, ni le Saga, n’ont de vitrine pour toucher le public et valoriser ce patrimoine local de l’Estaque. Et comme par hasard, on a un bâtiment vitré, libre, entre les deux », note-t-il. De quoi résumer le projet d’un collectif citoyen et associatif qui se mobilise aujourd’hui pour sauver le camembert, en ralliant la fédération des comités d’intérêt de quartier (CIQ) du nord de Marseille.

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À gauche, le hangar du Saga, à droite, le bâtiment du Drassm.

Son président, Michel Teule, espère aussi sauver le bâtiment. « À l’Estaque, il y a une Histoire à valoriser au-delà de l’image d’Épinal d’un petit village de pêcheurs, retrace-t-il. C’est aussi un passé industriel très important, qui a façonné le territoire et sa population. Avec notamment un pôle d’excellence sous-marine que tout le monde oublie. Car il n’est pas valorisé, contrairement au centre et au Sud de la ville ».

Pour l’heure, le Saga doit déménager et le camembert disparaître

En effet, certains projettent déjà de déplacer le Saga loin de son berceau, à la Joliette, dans le hangar J1 en voie de transformation, où un musée de la mer baptisé Imertium est en projet. « En déplaçant le sous-marin, on le coupe de son histoire. Pourquoi retirer la charge patrimoniale de l’Estaque ? regrette Michel Teule. D’autant qu’aujourd’hui, la mode n’est plus à centraliser le patrimoine dans des musées, mais à le valoriser in situ ».

C’est à peu de choses près la démarche entreprise par la Ville de Marseille lors du dernier conseil municipal, en adhérent « aux valeurs et objectifs de la convention de Faro ». Celle-ci prône une appropriation du patrimoine culturel par la population et son droit d’en bénéficier.

L’adjoint au maire délégué au Littoral, Hervé Menchon (écologiste), souscrit à cette vision. « Visiter le Saga dans le hangar où il a été construit, dans son quartier, c’est mieux pour vivre et ressentir l’Histoire. Et développer dans tout Marseille la culture de la mer et du large ». C’est pourquoi l’élu se positionne aussi « pour un espace muséal » dans le camembert à l’abandon.

Le Port « poursuit ses discussions avec la Ville »

Mais, si la Ville est propriétaire du sous-marin jaune, c’est bien le Grand port maritime de Marseille (GPMM) qui est le propriétaire du site littoral, dont l’intérêt foncier et financier semble certain. Sera-t-il sensible aux arguments patrimoniaux et à la volonté de réappropriation citoyenne et culturelle du site ?

Pour l’heure, l’instance portuaire affirme sobrement « poursuivre les discussions avec la Ville sur ce sujet » et qu’elle n’a « pas d’autres informations à donner à ce stade ».

De son côté, le collectif citoyen entend bien faire entendre sa voix. « Une valorisation temporaire du bâtiment pourrait faire prendre conscience à la population de son intérêt et de son potentiel », explique Jonathan Cacchia. Il espère ainsi mobiliser les habitants comme la classe politique. Un sujet qui pourrait prendre de l’ampleur à l’approche des municipales ?

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