Cinq comedy clubs tapissent aujourd’hui le centre-ville de Marseille, dont deux nouvelles adresses en 2025. De la formation à la scène, les graines d’humoristes marseillais commencent à émerger, propulsés par les réseaux sociaux.
En 2014, Marseille ne comptait qu’un seul comedy club, quai de Rive-Neuve. Inauguré par Kev Adams, le Comédie Club Vieux-Port a lancé la machine du standup dans la cité phocéenne. Mais ce n’est que quatre ans plus tard que Stan Brizay ouvre l’Art Dû, un théâtre avec une scène dédiée à l’humour, rue Marengo.
Un collectif d’une cinquantaine d’humoristes marseillais émerge. Cependant, par manque d’opportunités, ils créent leurs propres plateaux au Chapiteau à la Belle de Mai et aux Gagas, boulevard Chave. Parmi eux, Quentin Friburger et Sébastien Meï concrétisent les ambitions du collectif avec l’ouverture du Garage Comedy Club en 2021, au cours Julien.
La scène marseillaise prend ensuite un nouvel élan avec l’arrivée de deux nouveaux concepts début 2025. D’abord le Vig’s de Gad Elmaleh sur le Vieux-Port, fin janvier. Associé à ses amis d’enfance, William Azoulay et Stéphane Cohen, l’humoriste a misé sur la ville pour créer « un lieu d’émulation, de découverte de talents et surtout de rassemblement pour que les Marseillais puissent rire ensemble ». Puis, le Marseille Comedy Club rue de Rome, fondé par Sébastien Meï en avril, après avoir quitté le Garage.

Décentraliser le stand-up
Désormais, les artistes peuvent se produire dans cinq salles du centre-ville. « On passe parfois de l’Art Dû au Garage dans la même soirée », raconte Gabrielle Giraud, humoriste montante (lire son interview).
Multiplier les scènes peut être épuisant, mais permet aux humoristes de s’améliorer. « Tu es obligé de tester tes blagues pour les retravailler, pour te remettre en question. Même Gad Elmaleh fait du comedy club. Ça permet aussi de te montrer et de vendre ton spectacle », explique son compère Julien Vinh.
Les deux acolytes font partie de cette nouvelle génération d’humoristes formée à Marseille. Gabrielle à l’Art Dû et Julien au Garage. Leurs professeurs, Bedou et Quentin, ont fait naître des bébés stand-uppers qui parviennent à vivre de ce métier.
« Deux ans avant nous, tout le monde partait à Paris. Les gens qui ont monté les comedy club et les plateaux à un moment se sont dit, non, on veut rester à Marseille », observe Julien Vinh. Emballé par cette idée, il a joué la carte du Marseillais à fond. Cheveux teints en bleu, il roule en scooter sur la Corniche et emploie des expressions marseillaises à tour de bras.
Créer des plus grands comedy club
Cet écosystème favorise l’émergence de talents locaux. Mais Gabrielle Giraud concède « qu’à Paris, il y a quand même un circuit plus rapide car les producteurs sont dans les salles ».
Pour contrer cette tendance, Sébastien Meï continue de croire à la possible décentralisation de l’humour, comme l’a fait le rap dans les années 90. C’est pourquoi, il a monté le plus grand comedy club de Marseille sur 210 m2 avec 220 places assises.
« La capacité d’accueil, c’est important, estime l’humoriste. On veut mettre en lumière les stand-uppers locaux et attirer les talents d’ailleurs. Les producteurs qui viennent les repérer aussi. C’est pour ça qu’on a misé sur une salle grandiose. Il faut leur donner envie de sortir de Paris ».
« On devient des influenceurs »
D’autant que le métier de producteur a changé, selon les graines de stars. Avant, ils dénichaient les talents bruts pour les accompagner dans leur carrière. « Maintenant, ils te choisissent quand tu as déjà pété. Il faut avoir 50 ou 100 000 followers avant qu’ils te contactent », analyse Julien Vinh.
Ce qui oblige les humoristes à se comporter comme des couteaux suisses. Taper aux portes, être bon sur scène, faire des relations publiques, travailler son image sur les réseaux sociaux. « On est devenus des influenceurs », s’amuse l’humoriste au nom de ses confrères. Ils publient régulièrement des reels et des stories pour nourrir leur communauté qui remplira ensuite les bancs des comedy clubs et des théâtres.
Sur Instagram, Gabrielle Giraud et Julien Vinh cumulent plus de 50 000 followers chacun. Pour sa part, Amy London vient de dépasser les 80 000. Ce qui montre leur percée progressive dans le milieu. Même si on reste loin des 2,2 millions de Gad Elmaleh ou du 1,4 million de Redouane Bougheraba, qui a d’ailleurs fait ses armes au Comédie Club du Vieux-Port.
Les femmes en scène
« On est arrivés au bon moment car il y avait plusieurs scènes, poursuit Julien. Mais il ne faut pas oublier que les comedy clubs sont sélectifs. On doit être une quinzaine à tourner souvent ». Beaucoup se produisent peu et ne fond pas du stand-up leur principale source de revenus.
Les femmes sont particulièrement touchées. Sur les plateaux, on compte en moyenne une tête féminine pour six masculines. « C’est une réalité, il y a encore ce cliché que les femmes sont moins drôles (…) Elles sont moins programmées que les hommes. Mais si elles jouent moins, elles seront moins fortes. C’est un mécanisme », défend Gabrielle Giraud.
Pour combattre cette sous représentativité, l’humoriste a relancé le collectif des Mécaniciennes au Garage : un plateau 100% meufs, notamment avec Véra la Patate, Amy London, Sandra Miso ou Alisson comme les autres. « Il y a une vraie solidarité entre nous à Marseille par rapport à Paris », note Gabrielle. C’est peut-être le privilège d’une scène en plein boom qui se serre les coudes pour se structurer ?