Pour certains, c’est une marina olympique. Pour d’autres, c’est un équipement public pour réconcilier des générations de Marseillais avec la mer. Visite guidée de la nouvelle base nautique du Roucas-Blanc.
En ce matin de février, alors que le chantier se termine, un sentiment étrange règne sur la nouvelle base nautique du Roucas-Blanc. « C’est bizarre de marcher ici sans casque de sécurité. Maintenant, l’histoire de ce projet n’est plus la nôtre », commente, nostalgique, l’architecte Samantha Drouard.
Elle a dirigé les opérations pour l’agence de Roland Carta, lui-même présent. « L’architecture, c’est des amours volages, reprend-il. Après une phase intense, tout s’arrête et chacun passe à une nouvelle aventure ».
Les travaux auront duré moins de deux ans, mais reconfiguré totalement ce petit bout du littoral Sud de Marseille. L’ancien site nautique peut désormais accueillir deux fois plus de bateaux. Et les bâtiments vétustes ont fait place à 8 300 m2 de locaux flambants neufs.
On y trouve la nouvelle école municipale de voile, des dizaines d’associations maritimes, le Pôle France Voile pour les sportifs de haut niveau, ainsi qu’une base de sécurité maritime.
Plus de 50 millions d’euros pour un chantier marathon
Le plan d’eau lui-même a subi une cure de jouvence. Après l’extraction de sédiments pollués, le bassin « respire » désormais grâce à des buses dans les digues recréant les courants. La vie reprend petit à petit, aidée par l’installation de nurseries de poissons.
Sans oublier la requalification des 17 000 m² d’espaces extérieurs et la grande esplanade d’accueil. Ouvert au public, le site offrira une continuité de balade littorale entre la Corniche et les plages du Prado.
Ville, État, Région, Métropole… Les institutions ont investi près de 50 millions d’euros pour réaliser ce chantier marathon. Un des rares, de cette ampleur, à avoir scrupuleusement respecté son calendrier de livraison. Il faut dire que la nouvelle base nautique ne pouvait souffrir d’aucun retard : elle accueillera les Jeux olympiques de voile 2024.
À l’école de la mer
Pourtant, ici, personne ne semble se soucier de l’événement planétaire, mais plutôt de son héritage. « Marina olympique » ? Elle remplira ce rôle moins de deux semaines. « C’est avant tout un équipement public de nautisme qui servira pour des générations de Marseillais », estime Hervé Menchon, adjoint au maire chargé du littoral.
Grâce, notamment, au nouveau Centre municipal de voile (CMV). Fini les préfabriqués, l’école de navigation a triplé de surface en s’élevant sur deux niveaux. « Avant d’entrer au collège, chaque écolier de Marseille recevra une initiation à la navigation et une sensibilisation à la biodiversité marine », prévoit l’adjoint écologiste. « C’est un outil de nautisme formidable pour retisser le lien entre les jeunes et la mer ».
Car la première ville côtière de France « s’est construite en tournant le dos au littoral, décrypte Roland Carta. Si je résume le geste architectural qui nous a guidé, avec mon confrère Jacques Rougerie, ce sont des bras ouverts sur la mer », décrit-il devant le demi-cercle que forment les bâtiments autour du plan d’eau.
Un geste discret pour une grande vocation
« On se sent bien au centre », approuve Hervé Menchon, juché sur un ponton. L’élu explique le choix de ce projet parmi les autres candidats. « Beaucoup envisageaient un site spectaculaire, un grand signal. On a opté pour ce projet soucieux d’une intégration paysagère, urbaine et durable ».
Roland Carta saisit la perche : « Regardez le Roucas-Blanc derrière, ce front de taille rocheux qui plonge dans la mer. On a repris sa couleur dans le béton brut ». Tout comme les « mouvements ondulatoires » de la côte marseillaise et des îles du Frioul en face. « Voyez la continuité de ces courbes avec celles des bâtiments » dont les niveaux varient en vagues douces.
Sans oublier la Corniche et son « extraordinaire ombre portée qui souligne les reliefs littoraux. On a recréé ce trait d’ombre dans les débords de dalles des édifices ».
Loin d’une approche grandiloquente, « l’architecture est d’abord une réponse éloquente à une demande » d’après Roland Carta. « Ici, c’est un projet de développement social, sportif, éducatif et durable ».
On en oublierait presque l’objectif olympique du site à court terme. Pour Hervé Menchon, ce n’est pourtant pas contradictoire avec sa vocation de long terme : « On espère que les JO de voile feront naître des vocations chez la jeunesse marseillaise. La base nautique servira à les faire mûrir », conclut-il.