À Marseille, les CIQ sont nés il y a plus de 100 ans pour défendre les intérêts des habitants de chaque quartier. Retour sur cette histoire singulière qui raconte la vie démocratique locale.
Tout Marseillais a déjà entendu parler de son « comité d’intérêts de quartier » ou de son « CIQ ». Ces 170 associations maillent les quartiers de la ville pour défendre l’avis des habitants sur les projets urbains. Elles soufflent cette année leurs 100 bougies, témoignant d’une histoire riche au gré des évolutions de la ville.
« Les CIQ sont nés de l’immigration italienne à la fin du 19e siècle, retrace Philippe Yzombard, président de la confédération des CIQ. Comme les Italiens ne pouvaient pas voter, ils ont créé des groupes pour faire remonter leurs revendications aux élus. Comme ça se faisait un peu en Italie ».
À cette époque, ces groupes ressemblaient plutôt à des comités des fêtes. Mais, en 1884 quand l’épidémie de choléra a frappé Marseille, ils se sont fortement investis pour transformer les pratiques d’assainissement, soutenant ainsi le premier projet de « tout-à-l’égout » en 1890.
Tournant au début du 20e siècle
Les CIQ se sont ensuite regroupés en délégations pour être reçus en mairie et en préfecture. C’est à Saint-Barnabé (12e) en 1886, puis à Mazargues (8e) en 1893, que les premiers ont vu le jour. La loi de 1901, qui fonde le droit d’association en France, leur a permis de se structurer considérablement, surtout après la première guerre mondiale.
Puis, en 1924, est née la confédération des CIQ « à cause d’un problème de tramway qui ne desservait pas suffisamment les quartiers périphériques, reprend Philippe Yzombard. Et de plaisanter : « Ça commençait déjà ! ».
Au regard de leur développement dans les années 60-70, les CIQ de chaque arrondissement se sont rassemblés en fédérations, qui se réfèrent chacune à la confédération. « Une organisation pyramidale », résume le président.
Différentes formes d’engagement
Depuis, les CIQ font partie de la vie démocratique locale. La presse leur donne régulièrement la parole pour s’exprimer. Ils sont parfois en franche opposition, comme le CIQ de l’Estaque Gare, qui se bat contre les nuisances sonores du chantier naval du port de Marseille. Ou encore le CIQ Corniche qui conteste le tracé du futur tramway du 4-septembre, et celui de Bonneveine qui fustige le changement d’activité du cœur de l’hippodrome.
Mais les CIQ peuvent aussi être des soutiens politiques. Par exemple, pour le Boulevard urbain sud (B.U.S), le projet d’un axe routier qui traverse plusieurs quartiers à l’est et au sud de la ville. Comme les fédérations du 10e, 9e et 8e étaient favorables au projet, la confédération a affiché son soutien à la Métropole depuis le lancement.
Ils peuvent aussi bien être associés à certains projets, comme l’a récemment fait le bailleur social 13 Habitat qui a signé un partenariat avec la confédération. « Nous allons poursuivre avec d’autres bailleurs sociaux car il faut remettre le social au cœur de notre action », assure Philippe Yzombard.
Ce dernier voit toujours plus grand pour l’avenir des CIQ, notamment à l’échelle métropolitaine. Deux nouvelles associations doivent d’ailleurs voir le jour à Bouc-Bel-Air pour renforcer la dynamique citoyenne. « On a anticipé la Métropole avant sa création en 2016. On était déjà à Aubagne, Septèmes, Aix, même dans le Var et dans l’Hérault…», souligne le président.
Étendre et rajeunir les CIQ
S’engager sur tous ces projets demande énormément de temps. Si bien que les citoyens membres des CIQ ont bien souvent l’âge de la retraite. « Ils sont assez vieillissants », abonde Christine La Rocca, présidente du CIQ Bonneveine Vieille Chapelle, elle aussi retraitée. Ce lundi, elle passera le flambeau de secrétaire adjointe de la confédération.
« On voit de plus en plus de jeunes, contrecarre Philippe Yzombart qui donne l’exemple du CIQ de Château-Gombert (13e). Mais il faut les attirer davantage, car ce sont eux qui vont construire la ville de demain ! Il ne faut pas être conservateur, car Marseille a beaucoup évolué ».
L’histoire du centenaire des CIQ de Marseille sera d’ailleurs exposée au Musée d’histoire de Marseille et sur la place Charles de Gaulle (1er) à partir du 10 décembre. Cet accrochage devrait ainsi permettre de renouveler les rangs et attirer de plus jeunes adhérents.