À Rousset, Nawah a inauguré la première usine au monde capable de produire des tubes de carbone microscopiques à grande échelle. Cette technologie permet de renforcer des matériaux et transformer l’hydrogène en électricité.
Imaginez une forêt de 100 milliards de sapins, collés les uns aux autres, qui tiendrait dans seulement… un cm2 ! Difficile de se représenter le monde de l’infiniment petit. Et pourtant, c’est dans cet ordre de grandeur que Nawah va produire ses nanotubes de carbone verticalement alignés pour contribuer à la transition écologique.
Cette innovation intéresse les laboratoires du monde entier depuis 20 ans pour ses qualités notables de résistance et de légèreté. Ainsi que pour ses vertus de conduction de la chaleur et de l’électricité.
En clair, les nanotubes de carbone peuvent renforcer des matériaux composites. Comme une pâle d’éolienne, un cadrant de vélo ou encore le système de frein d’une Formule 1. « On peut multiplier par deux ou par trois leur durée de vie », souligne Alain Guinot, directeur général de Nawah.
Ces tubes microscopiques séduisent aussi par leur performance de conduction électrique. Ils peuvent ainsi remplacer les électrodes de carbone d’une pile à combustible, qui transforme l’hydrogène en électricité. Ces électrodes, composées de matériaux rares et polluants tels que l’Iridium, sont importées de Chine à 70%. « On peut économiser entre 5 à 10 fois d’Iridium et, en plus, on les produit en France », vante l’ingénieur.
Multiplier la production par 20
Mais aujourd’hui, elle est produite à trop petite échelle. « Ce qui la rend trop chère pour les industriels », admet le patron. Alors que cette technologie est à destination du secteur automobile et aéronautique, pour réduire leur bilan carbone.
En 2024, la jeune pousse a donc développé un moyen pour produire 10 000 m2 de nanotubes par an. « Ce qui est unique au monde », reprend le dirigeant qui espère dès 2025, passer à l’étape supérieure, en multipliant la production par 20.
La jeune pousse a ainsi investi 17 millions d’euros dans le réaménagement d’une usine de 4 600 m2 à Rousset, proche du géant des semi-conducteurs STMicroelectronics qui l’hébergeait depuis des années. Le nouvel écrin, inauguré le 22 octobre, dispose d’un laboratoire de 500 m2 pour maintenir un niveau de recherche & développement élevé.
Un passage par le tribunal de commerce
Cette étape n’était pourtant pas gagnée d’avance. La start-up, fondée en 2015 par les chercheurs Pascal Boulanger et Ludovic Eveillard, est le fruit de la recherche du MIT aux Etats-Unis et du CEA Cadarache en France. Une fois sa technologie mise au point, elle s’est diversifiée dans les applications, comme les batteries électriques.
Cependant, cette diversification a brouillé les horizons de l’entreprise. Nawah est donc tombée dans l’escarcelle du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en septembre 2023 pour tenter un sauvetage. Et ce, malgré des dizaines de millions d’euros levés en 10 ans.
Le mois d’après, Kouros Labs, incubateur du fonds d’investissement Kouros dédié à la transition écologique, l’a repêchée à la barre. L’un des principaux investisseurs, Alexandre Garese, a d’ailleurs prononcé un discours lors de l’inauguration, affirmant bel et bien ce nouvel élan industriel pour Nawah.
Enrichir un écosystème technologique à Rousset
Pour confirmer cette nouvelle trajectoire, les dirigeants s’implantent durablement à Rousset. « Plus j’y passe de temps, plus je me rends compte qu’il y a une mine d’or de savoir-faire et de compétences ici », assure Alain Guinot, qui veut nourrir cet écosystème technologique déjà riche.
Dès 2025, Nawah va accueillir deux entreprises sœurs qui utiliseront ses nanotubes de carbone. ETSEM Lab, chargée d’activités de recherche et développement autour du nanocarbone 3D, et Carboneo, une start-up qui recycle le CO₂ en carburants aériens durables. À suivre !