Le démonstrateur qui produit de l’énergie renouvelable en mélangeant eau douce et eau salée fait ses premiers essais à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Nom de code : centrale osmotique. Une première mondiale qui espère concurrencer le nucléaire.

C’est LE défi des énergies renouvelables, et l’écueil principal de l’éolien et du solaire : une production d’électricité en continu. « Produire 24 heures sur 24, un graal pour les énergies renouvelables », rappelle régulièrement Nicolas Heuzé. Et il estime l’avoir trouvé, avec la société Sweetch energy, et leur technologie Inod promettant une centrale osmotique à haut potentiel électrique.

Centrale osmotique ? Ou comment récupérer l’énergie produite lorsque de l’eau salée se dissout dans de l’eau douce. Grâce à une membrane, qui sépare les atomes du sel : le chlorure, chargé négativement, du sodium, chargé positivement. On crée ainsi une différence de potentiel électrique. « Une pile naturelle », dont on peut exploiter le courant.

Les estuaires des fleuves deviennent donc d’immenses gisements d’énergie renouvelable continue. Comme l’embouchure du Rhône, en Camargue. Au niveau de l’écluse du Barcarin à Port-Saint-Louis-du-Rhône, la start-up teste sa nouvelle membrane « révolutionnaire », promettant de tirer le meilleur profit de l’énergie osmotique.

Une première mondiale en cours en Camargue

Annoncé pour 2023, ce premier démonstrateur produit des électrons depuis quelques semaines. « Une première mondiale pour cette nouvelle technologie, se réjouit Nicolas Heuzé. Les générateurs sont modulaires. On va en rajouter pour atteindre une puissance de quelques dizaines de kilowatts en 2025 ».

Cette phase d’essais doit durer près de deux ans. « Une grosse période de tests, en conditions réelles », poursuit le co-fondateur de la société.

Il s’agit de prouver l’efficacité de leur solution. Avant de se projeter sur une centrale « à grande échelle », attendue probablement autour de 2030, avec l’appui de la Compagnie nationale du Rhône, concessionnaire du fleuve pour son exploitation énergétique, logistique et agricole.

centrale osmotique, Mélanger l’eau salée et douce, cette nouvelle énergie veut concurrencer le nucléaire, Made in Marseille
Pour l’instant, le démonstrateur ressemble à un simple conteneur qui cumule des générateurs osmotiques. © Sweetch energy

Le Rhône pourrait électrifier « deux millions d’habitants »

Le co-fondateur de Sweetch energy estime le potentiel osmotique de l’estuaire camarguais à une puissance de « 500 mégawatts ». S’il était exploité totalement, il pourrait théoriquement produire « 4 térawatt-heure », poursuit-il.

Pour illustrer ces chiffres, cela représente la consommation électrique de « deux millions d’habitants » selon lui. L’énergie osmotique du Rhône pourrait donc couvrir la totalité des besoins de la population de la Métropole Aix-Marseille-Provence.

« Mais nous ne sommes pas encore sûrs de la capacité totale d’une telle centrale, tempère Nicolas Heuzé. C’est ce que le démonstrateur doit préciser. Pour montrer, en conditions réelles, que la production d’électricité osmotique est possible et efficace ».

centrale osmotique, Mélanger l’eau salée et douce, cette nouvelle énergie veut concurrencer le nucléaire, Made in Marseille
L’emplacement du démonstrateur de centrale osmotique, sur l’écluse du Barcarin © Sweetch energy

L’innovation séduit les investisseurs à hauteur de 40 millions d’euros

Avec une énergie « propre, permanente et compétitive », l’entrepreneur est très optimiste sur cette technologie. Il n’est pas le seul, au regard des près de 40 millions d’euros que Sweetch energy a levés ces trois dernières années. EDF et la Commission européenne font notamment partie des investisseurs séduits.

La découverte et la production d’énergie osmotique ne sont pas nouvelles. Mais les premières tentatives de centrales, en Norvège et aux Pays-Bas, se sont révélées peu concluantes, chères et difficiles à exploiter.

Mais les nouvelles membranes Inod new generation, et la technologie que la start-up protègent avec 8 brevets, promettent des performances qui pourraient changer la donne.

Une concurrence salée pour le nucléaire ?

À l’origine de cette innovation, on retrouve une pointure dans le domaine : Lydéric Bocquet, chercheur au CNRS, et co-fondateur de Sweetch energy. Avec ses équipes, il a découvert le potentiel d’un matériau biosourcé, issu principalement de cellulose végétale, pour fabriquer ces membranes à haut rendement électrique.

L’objectif est de faire passer le prix du mégawatheure « en dessous des 100 euros », selon Nicolas Heuzé. Et concurrencer ainsi le nucléaire dans l’électricité décarbonée. Les déchets radioactifs millénaires en moins…

Auprès du CNRS, Lydéric Bocquet va plus loin sur le potentiel osmotique de la planète, en prenant en compte ses milliers d’estuaires. « Le réservoir possible au niveau mondial est estimé entre 1 000 et 2 000 gigawatts. Soit autant que 1 000 à 2 000 réacteurs nucléaires. Alors qu’aujourd’hui, il en existe 400 ».

« Ce potentiel est loin d’être anecdotique », insiste le chercheur, qui espère changer la donne au niveau mondial dans les énergies renouvelables. Reste à prouver, dans les prochains mois, voire années, les capacités en conditions réelles de cette technologie française.

Bouton retour en haut de la page