La société familiale Caractère s’est imposée comme le leader de l’imprimerie à Marseille ces dernières années. Avec le rachat de son principal concurrent au printemps, l’entreprise vise encore plus loin. Reportage dans l’usine de Saint-Menet.

Les Chazel nous accueillent dans leur bureau vitré qui domine les presses de l’atelier de Saint-Menet (11e). Stéphane, le père, raconte ses débuts risqués en 1993 dans une petite imprimerie marseillaise rue Dragon (6e). Dorian, le fils et futur repreneur de l’entreprise, retrace l’évolution du métier au cours d’une visite des ateliers de 1000 m2.

Il faut emprunter un petit escalier pour y descendre. L’odeur d’encre imprègne les lieux, semblable à du bois fraîchement coupé. Les grosses machines tournent 24h/24 au rythme des bip, bip, bip de la production soutenue. Les professionnels portent un casque anti-bruit pour travailler dans un semblant de calme.

Les plaques sont d’abord gravées. Puis, elles s’imprègnent des trois couleurs primaires – le bleu cyan, le jaune, le magenta – et du noir pour les déposer sur le papier. « On n’imprime pas de vert. On superpose simplement du jaune et du bleu. C’est l’œil qui fait ensuite le travail », explique Dorian. La magie du corps humain.

La fusion de deux imprimeries provençales

Cette entreprise familiale est devenue la seule imprimerie des Bouches-du-Rhône dite « offset », un procédé permettant de concevoir des catalogues et prospectus en gros volume. Et ce, depuis le rachat de son principal concurrent aubagnais, Print Concept, en avril dernier.

Les deux sites de production se sont spécialisés. À Marseille, c’est l’impression. À Aubagne, c’est le façonnage : la découpe, le pliage, et l’assemblage du papier.

Désormais associés, Philippe Bertsch, Stéphane et Dorian Chazel, préfèrent parler de « fusion » de leurs deux entreprises. Les 50 postes ont tous été conservés et les deux chiffres d’affaires cumulent désormais à 17 millions d’euros fin 2024.

imprimerie, Comment l’entreprise familiale Caractère est devenue l’imprimerie n°1 en Provence, Made in Marseille
De gauche à droite. Les dirigeants de Caractère : Philippe, Stéphane, et Dorian.

Les métiers de l’imprimerie en voie de disparition

Avec ce rachat, Caractère devient aussi l’une des trois plus grandes imprimeries du Sud-Est de la France. « Il y a un dicton qui dit qu’en 2000 on était 300 imprimeurs. En 2010, il n’y en avait plus que 30. Et qu’aujourd’hui il en reste seulement trois, raconte Dorian, responsable du développement commercial. C’est un ordre de grandeur valable ».

Seuls les imprimeurs ayant investi dans des machines performantes, après l’avènement d’internet fin des années 90, ont perduré. « Le gain de temps a été considérable. Ici on produit l’équivalent de 10 imprimeurs à l’époque », insiste Dorian. Les plus petites structures ont ainsi disparu, ravalées par les plus grosses.

Par conséquent, la baisse du nombre d’imprimeries a pesé sur la formation. « Comme il n’y a plus d’imprimerie, il n’y a plus d’école. Les dernières se sont concentrées sur le numérique et dans le graphisme », explique le jeune imprimeur, en entrant dans un autre atelier dirigé par son frère.

Encrage familial

Car ici, l’entreprise est une affaire de famille. Théau, l’aîné de la fratrie, a monté sa propre entité Pandora il y a 10 ans pour « ne pas rater le coche du numérique ». Cette filiale, complémentaire de leur métier d’origine, permet d’imprimer de petites quantités dans des délais plus rapides.

Durant la visite, Dorian ne manque pas de serrer la main de chacun de ses nouveaux et anciens salariés, dont il loue la fidélité. « Certains nous accompagnent depuis plus de 30 ans », rappelle-t-il fièrement.

Lui aussi s’apprête à prendre cette trajectoire. « Je suis arrivé comme un cheveu sur la soupe après mon alternance pour dire que je voulais reprendre la boîte. J’ai accroché au métier, à l’ambiance et à l’opportunité de travailler en famille », confie le trentenaire.

Ce n’est pas pour déplaire à Stéphane qui envisageait la revente de l’entreprise il y a 5 ans. Le dirigeant restera encore quelques années pour imprimer cet esprit familial qui lui est cher. « Comme dit ma femme, je suis en fin de saison. Même si la saison n’est pas terminée, convient avec humour l’entrepreuneur en enfilant son k-way. J’ai une volonté absolue de transmettre l’entreprise dans ses mains car ce serait vraiment l’aboutissement de ma petite réussite ».

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