Depuis 18 mois, les Bouches-du-Rhône expérimentent la réforme du RSA qui conditionne les allocations à un minimum de 15 heures d’activité par semaine. Les élus ont dressé un premier bilan positif, avant sa généralisation en 2025.
Au 1er janvier 2025, la loi plein emploi prévoit la mise en place d’un « accompagnement rénové » des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), conditionnant le versement des allocations à minimum 15 heures d’activité par semaine. Les Bouches-du-Rhône expérimentent ce dispositif de retour à l’emploi, comme 17 autres territoires pilotes, depuis le printemps 2023.
En assemblée plénière le 18 octobre, la présidente du Département, Martine Vassal (DVD), s’est félicitée de « la réussite » du travail mené auprès de 2 500 Marseillais dans les 5e et 7e arrondissements. Puis, auprès de 4 000 allocataires dans les 1er et 6e arrondissements et 4 000 personnes du Pays d’Arles.
Sur ces deux années de test, le coût de l’opération est estimé à 2,5 millions d’euros. Martine Vassal a également sécurisé un budget de 1,3 million d’euros afin de poursuivre ce dispositif en 2025. L’élue plaide ainsi plus globalement pour le généraliser en France.
Une baisse « trois fois plus importante » des bénéficiaires du RSA
Et ce, car la collectivité présente des chiffres qu’elle juge prometteurs. Sur 18 mois d’expérimentation, on observe une baisse des bénéficiaires « trois fois plus importante » sur le terrain d’expérimentation (9,4%) que sur le reste du département (3%), se réjouissent les élus à l’unisson.
Dans une enquête réalisée en interne, la collectivité enregistre aussi un taux de satisfaction de 88% des profils concernés sur 1 800 personnes interrogées.
Le Département explique son succès grâce à une démarche amorcée dès 2015 avec les entreprises. Sandrine Jacob, directrice départementale de France Travail (ex-Pôle emploi), abonde en ce sens : « Il y avait déjà une vraie culture de l’inclusion chez les entreprises locales qui a simplifié l’exercice ».
En effet, le nombre d’allocataires du RSA décroît de manière constante ces dernières années, avant le début de la réforme. En 2020, les Bouches-du-Rhône comptaient 80 000 bénéficiaires contre 61 000 en 2024, soit une diminution de 25%.
La baisse des allocataires inquiète le Secours Catholique
Cette baisse significative d’allocataires, similaire dans le Département de la Somme qui a également expérimenté le dispositif, interroge toutefois le Secours Catholique. L’association a publié une enquête le 14 octobre sur l’ensemble des territoires pilotes, en partenariat avec ATD Quart Monde et Aequitaz.
Outre un retour efficace à l’emploi, cette tendance pourrait être le signe d’« un risque de non-recours aux aides » des personnes dans le besoin. Ce non-recours à l’allocation pourrait être expliqué par l’obligation d’échanger son temps de travail pour obtenir le RSA.
Une autre explication de cette baisse des allocataires peut aussi être « le risque d’aggravation de la mécanique des radiations », regrette Sophie Rigard, chargée du plaidoyer pour l’accès digne aux revenus du Secours Catholique. C’est-à-dire des sanctions plus sévères et systématiques envers les bénéficiaires.
La loi prévoit de sécuriser certains risques
Sandrine Jacob tient à temporiser. Elle explique que le texte de loi prévoit déjà d’éviter ces deux risques. « Nous sommes en train de sélectionner des opérateurs pour aller chercher les gens qui se coupent de leurs droits (…) et ainsi les réconcilier avec le système ».
Selon la directrice de France Travail, la législation envisage aussi de revoir le système de sanctions, plus adapté aux situations personnelles : « Aujourd’hui, ce système tient à la présence ou l’absence lors des rendez-vous, alors qu’une personne très éloignée de l’emploi ne peut parfois tout simplement pas se déplacer ».
Quelles propositions des associations ?
Si le Secours Catholique demande au gouvernement de suspendre la généralisation du dispositif, et d’ouvrir une concertation globale avec le monde associatif, Sophie Rigard avance des pistes d’amélioration.
Celle de revoir le caractère obligatoire du travail pour qu’il devienne facultatif. Être attentifs aux sanctions. Mais aussi, que chaque dossier soit traité par un humain et non pas par un algorithme qui oriente de « manière mécanique » vers les organismes de retour à l’emploi.
Plutôt que la réforme, l’association soutient le dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée offrant un CDI en temps choisi aux personnes sans emploi. Elle appelle plus globalement la société à « accepter que les gens cassés par le travail bénéficient d’emplois adaptés ».