L’aixois Florent Giraud restaure artisanalement des jeux anciens de tarot de Marseille, qu’il commercialise sur sa boutique en ligne. À 34 ans, il est l’un des derniers maîtres cartiers de la région.
« Du début du XVIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle, Marseille était le premier centre de production de jeux de tarot au monde, illustre Florent Giraud. Fin 1600, neuf maîtres cartiers étaient installés à Marseille, dont chacun avait à peu près une quarantaine d’employés. C’était un vecteur très important de l’économie du sud de la France ».
En parallèle de son activité de tarologue, le trentenaire s’est lancé dans la restauration de jeux de tarot anciens. Son appartement, transformé en atelier, se trouve d’ailleurs à deux pas de la rue de Saporta dans le centre d’Aix-en-Provence « où étaient installés de nombreux artisans cartiers ». Il est aujourd’hui l’un des derniers maîtres-cartiers de la région.
« Un outil de connaissance de soi »
« Le tarot est né vers 1480 en Italie, dans la région de Florence, pour pouvoir apprendre des concepts philosophiques, rappelle celui qui a suivi des études l’histoire de l’art. Ce n’est qu’à partir de fin 1700 qu’on a commencé à utiliser le tarot comme outil divinatoire.
Malgré son appellation, le jeu ne serait pourtant pas originaire de la cité phocéenne. « Le créateur supposé du tarot de Marseille serait [le poète et philosophe] Marsilio Ficino, reprend le tarotgraphe. Au moment de la conquête des Français en Italie au XVᵉ siècle, les soldats français ont importé ce fameux tarot de “Marsile”, qui est devenu, avec les déformations linguistiques, le tarot de Marseille ».
Pour Florent Giraud, le tarot est surtout « un outil de connaissance de soi ». Pour mettre la main sur des tarots rares, le passionné déniche des collections anciennes et souvent oubliées, en prenant contact avec des particuliers, ou en visitant les archives des musées de la région.
24 heures de fabrication
Après ce travail de recherche qui peut prendre plusieurs mois, il rend aux cartes leur aspect d’origine en les scannant puis en les colorisant sur son ordinateur. Après la numérisation, vient ensuite l’étape de fabrication, qui dure 24 heures pour un jeu de 78 cartes.
« L’idée, c’est vraiment de restituer le tarot tel qu’il était lorsqu’il est sorti de l’atelier au XVIIᵉ ou au XVIIIᵉ siècle », souligne l’artisan. Autodidacte, il a tout appris en se basant sur des livres anciens, comme le Manuel du cartonnier du quartier datant de 1830.
La seule chose que Florent Giraud ne fait pas « à l’ancienne », ce sont les planches en bois sculptées servant à imprimer les cartes. « Même si j’utilisais des pochoirs avec la peinture, nous n’avons plus les mêmes pigments qu’on avait à l’époque, donc on n’obtiendrait jamais exactement le même résultat ».
Après le contrecollage vient l’étape du lissage, la plus complexe : « Il faut prendre une pierre circulaire pour lisser les cartes au savon de Marseille. C’est l’ancêtre du pelliculage plastique », poursuit le fabricant. Il découpe ensuite les cartes avant de les aplatir à l’aide d’une presse en fonte.
Regain d’intérêt
Florent Giraud commercialise ses jeux faits main sur sa boutique en ligne et au magasin La Maison du tarot à Marseille (2e). Ceux-ci se vendent environ 100 euros le paquet, contre 39 euros pour les jeux industriels.
Il reçoit également des demandes de restauration de la part de particuliers et de musées, et propose de commander des tarots 100% personnalisables.
Quelque peu tombé dans l’oubli dans la région, le tarot bénéficie d’un regain de popularité ailleurs en France et à l’étranger. L’entrepreneur expédie la plupart de ses commandes à des clients à l’international, notamment en Amérique latine.
« Il est impossible de voir des tarots exposés dans les musées, à Marseille comme à Aix, constate Florent Giraud. Rien n’est exposé, alors que paradoxalement, on a vraiment une demande très importante. Pour donner un ordre d’idée, le dernier tarot de Marseille qui a été retrouvé, qui date de 1639, a récemment été vendu aux enchères 65 000 euros ». À bon entendeur.