Avec ses ateliers cuisine pour les minots, « Le Réfectoire » pallie le manque de centres sociaux à La Cabucelle (15e). D’ici le mois prochain, l’association espère monter sa cuisine solidaire pour les travailleurs du quartier.
« On attend encore Hijrat et Abdullah pour commencer », lâche Lena Cardo. À quelques pas du métro Gèze en plein chantier, la fondatrice du projet « Le Réfectoire » à La Cabucelle (15e) tente de masquer son inquiétude devant Noa, Sarah et Chahd, qui jouent aux cartes dans la bibliothèque rénovée.
Les deux frères, qui « se chamaillent tout le temps », finissent par arriver un peu fâchés. Il y a six mois, ils vivaient encore en Afghanistan. S’ils apprennent à parler et écrire le français en classe, leur institutrice les a orientés vers le programme de réussite éducative (PRE) pour créer du lien en dehors de l’école et de la maison.
« Le Réfectoire », porté par l’association 13 Solidaires, fait partie de ce dispositif national mis en place en 2005. Toutes les 10 semaines, Léna y accueille cinq enfants, âgés de 10 à 12 ans, pour des ateliers cuisine.
Ce mercredi matin, le petit groupe va reproduire des biscuits nappés de chocolat, bien connus dans l’industrie : les Fingers et les Spirits. « On veut qu’ils comprennent ce qu’ils mangent », sourit Marie Daccache, 31 ans, qui a rejoint l’aventure après plusieurs expériences en Espagne.
Cuisiner pour apprendre à lire et à compter
Chaque enfant enfile fièrement son tablier « Master chef ». À tour de rôle, ils s’empressent de lire la recette. Pour certains, la lecture n’est pas fluide. « Les faire lire en collectivité les pousse à s’améliorer », explique Marie. Couper le chocolat et peser le beurre permet aussi de consolider leurs connaissances en mathématiques.
Cet après-midi, leurs familles pourront venir lire, jouer, ou se reposer au local, conçu comme un havre de paix. Pour ça, les murs violets ont été repeints en blanc et la déco a été épurée. « On pallie en quelque sorte le manque d’un centre social, explique Léna, qui a grandi à La Cabucelle, On ne sait pas vraiment pourquoi il n’y en a pas. Peut-être car le quartier est mal découpé car on est à la fois sur le 2-3 et sur le 15-16 arrondissement… »
À 15 minutes à pied, près du parc François Billoux, le centre municipal d’animation (CMA) Denis Papin propose des cours de boxe, de calligraphie, de couture et des sessions de soutien scolaire. Mais la distance peut décourager les enfants vivant à la Cité Jaune, située en face de l’Équateur.
Une cuisine solidaire à partir d’avril
C’est au rez-de-chaussée de cet espace de coworking que Léna a installé son association sur 200 m2. Depuis 2021, elle a obtenu 25 000 euros d’aides pour investir, 21 000 euros de subventions publiques et 56 500 euros de fonds privés. Les deux postes sont également financés à 80% et 60% par l’État.
Malgré ces coups de pouces, le projet « ne rentre pas encore ses coûts ». Mais Léna s’y accroche depuis trois ans. Si elle a eu la chance de voyager aux États-Unis et d’étudier la littérature, la Marseillaise a voulu s’engager : être « dans le concret ».
Avec sa nouvelle complice, elle espère générer un premier chiffre d’affaires avec l’ouverture d’une cuisine solidaire au mois d’avril. « On veut embaucher un ou une cuisinière qui concocte des repas sains pour les travailleurs du quartier », se projettent-elles.
La carte devrait proposer des plats du jour, de saison, servis à table, « à des prix abordables » fixés entre 10 et 12 euros. Il faudra encore récolter quelques subventions et des dons privés pour en faire, à terme, « un vrai lieu de vie » où les habitants se retrouvent le temps d’un repas, d’un atelier, ou d’un café.