La 39e campagne des Restos du coeur débute. À Marseille, l’association augmente ses distributions de repas, mais le nombre de demandeurs toujours croissant oblige les bénévoles à refuser du monde.
Commençons par la bonne nouvelle. Le centre des Restos du Cœur du 6e arrondissement de Marseille, rue Sylvabelle, a doublé de volume. La mairie a alloué une pièce contiguë au local historique, qui passe de 45 m2 à 100 m2.
« Ça permet de stocker plus, de fluidifier les distributions alimentaires », explique Pierre, responsable du site, alors qu’une dizaine de bénévoles répartissent des portions de poisson surgelé. « Et puis on a pu libérer un petit espace de confidentialité pour faire l’accompagnement social (recherche d’emploi, accès au droit, aux aides, au logement…) ».
Si cette antenne a gagné en surface, elle a aussi vu le nombre de demandeurs doubler. « Ici, on passe de 260 familles inscrites à 454 cette année », note Alain Evezard, président des Restos du Cœur des Bouches-du-Rhône.
Ce mardi 21 novembre, l’association fondée en 1985 par Coluche lance sa 39e campagne de distribution alimentaire, et pas la plus facile.
« Nous devons refuser du monde »
Le président national des Restos du Cœur, Patrice Douret, avait déjà lancé un cri d’alarme le 3 septembre 2023. L’organisation, en difficulté, ne peut plus faire face à la demande qui explose en même temps que la précarité, avec notamment la crise de l’inflation.
Conséquence : « Nous devons refuser du monde », déplore le président départemental, Alain Evezard. « On a dû durcir les conditions pour devenir bénéficiaire en baissant de 30% le barème de la situation financière ». À l’échelle nationale, 150 000 personnes se sont déjà vu refuser l’entrée cette année.
Paradoxalement, la distribution alimentaire a augmenté. « On en est à 4,7 millions de repas distribués depuis un an dans les Bouches-du-Rhône, contre 4,1 millions l’année d’avant. Nous avons aidé 51 000 bénéficiaires contre 47 000 en 2022 ».
Face à l’explosion des demandeurs, la stratégie est donc de se concentrer sur les plus en difficulté. Et de diminuer légèrement les dons pour aider plus de personnes. « Ici, nous distribuons désormais quatre repas hebdomadaires par famille au lieu de six auparavant ».
Couper le mal à la racine
« La précarité augmente fortement, insiste Alain Evezard. Nous recevons de plus en plus de nouveaux bénéficiaires dans une extrême pauvreté. Des gens qui n’ont rien du tout. Et avec le contexte, ça ne peut que continuer. Ça va être un hiver difficile… ». Il espère que la générosité suscitée par l’alerte donnée à la rentrée n’impactera pas l’élan de solidarité habituel de fin d’année.
Marseille concentre 72% des bénéficiaires du département, lui-même un des territoires les plus touchés de France. « Tous les voyants sont au rouge », déplore Audrey Garino, adjointe au maire en charge de la solidarité. « Hébergement d’urgence, aides sociales et alimentaires, ça explose de partout et les publics en difficulté sont de plus en plus variés ».
Elle décrit une crise sociale amorcée par la crise sanitaire du Covid et aggravée aujourd’hui par l’inflation. « Les gens ont faim. 35% des Français déclarent sauter un repas par jour, rappelle-t-elle. Il faut dire stop. L’État doit prendre le mal à la racine ».
Ce à quoi souscrit le président des Restos du cœur des Bouches-du-Rhône. « On ne peut pas s’appuyer sur l’aide alimentaire pour faire face au problème. La tendance est à une aggravation de la précarité à court et moyen terme. Il faut freiner cette tendance qui touche aujourd’hui tout le monde ».
Alors comme le répète les Enfoirés chaque année : « On compte sur vous ! »