Déployée sur quatre plages marseillaises, l’application Safer Plage, lancée par la Ville de Marseille et déjà testée l’été dernier, permet d’alerter des médiateurs en temps réel en cas de harcèlement.
Selon un sondage réalisé par l’institut Yougov, 39 % des femmes de 18 à 34 ans déclarent avoir déjà été harcelées sur les plages. Plus de la moitié d’entre elles affirment avoir peur de s’y rendre toute seule. C’est à partir de ce constat que la Mairie de Marseille déploie cet été une application gratuite pour lutter contre le harcèlement sur la plage. Son nom : Safer Plage.
Co-construite avec l’association Orane, fondatrice du festival Marsatac, l’application était à l’origine destinée à signaler des faits de harcèlement en milieu festif. Après une expérimentation en août dernier sur la plage du Prado Sud, le dispositif est étendu cette année à quatre plages marseillaises : les Catalans, la Pointe-Rouge, Bonneveine et Corbières, à l’Estaque, depuis le 17 juillet et jusqu’à la fin du mois d’août.
Grâce à cette plateforme en ligne, les personnes victimes ou témoins de harcèlement peuvent donner l’alerte par géolocalisation et de façon anonyme, permettant à un binôme de médiateurs présents sur les plages d’intervenir pour rassurer et protéger les victimes, et éventuellement relayer l’alerte aux forces de l’ordre ou aux secours.
« Dès qu’on reçoit l’alerte, on essaye d’assister la victime le plus vite possible, décrit Melissa, l’une des médiatrices de la plage de Corbières, où a eu lieu une démonstration du dispositif. On lui demande si elle veut venir avec nous au poste de secours pour la mettre à l’abri, discuter et nous décrire les faits ».
Éduquer au consentement
« Si le harceleur est toujours présent et que c’est possible, on va essayer de discuter avec lui, de savoir ce qui s’est passé, et lui apprendre que quand une fille dit non, c’est non », poursuit-elle. Les médiateurs exercent ainsi un rôle protecteur, mais aussi d’éducation à ces violences de sexisme dit « ordinaires ».
« Ils ont tous suivi une formation avec l’association Consentis pour apprendre à désamorcer les situations sans se mettre en danger, ajoute Justine Noël, responsable de projet Safer. Leur présence est très importante pour permettre de créer de la discussion et de la sensibilisation, notamment autour des questions de consentement. Chaque jour, ils nous font un compte-rendu de tous les signalements et les suites, comment ça a été pris en charge et redirigé… ».
Les équipes, présentes de 14 h à 21 h sur les plages de Bonneveine de la Pointe-Rouge et des Catalans, et de 12 h à 19 h sur la plage de Corbières, peuvent également intervenir sans qu’un signalement n’ait été fait, en guettant les comportements sexistes sur le sable et dans l’eau.
« Si on ne sensibilise pas et si les mentalités n’évoluent pas, ça continuera, estime Nathalie Tessier, conseillère municipale déléguée aux droits des femmes. C’est pourquoi, on ne veut pas faire que de la protection, mais aussi de la sensibilisation. Les femmes, jeunes et moins jeunes, ont le droit d’être tranquilles, de ne pas être embêtées et harcelées alors qu’elles veulent juste de la tranquillité ».
Vingt associations mobilisées
Afin de renforcer ce travail de pédagogie, une vingtaine d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes assurent des permanences ponctuelles sur les plages pendant l’été. « La plage est un endroit propice au harcèlement, car les filles sont statiques, explique Martine du collectif Femmes Solidaires. C’est plus facile pour le harceleur ou l’agresseur d’être dans un endroit où la personne ne peut pas s’échapper ou changer de place ».
« Les femmes viennent nous voir en nous disant que les regards et les remarques commencent dès le trajet en bus, et, une fois à la plage, ça continue, déplore-t-elle. Elles nous disent qu’il y a des regards, des commentaires, et même parfois des photos. Pour ces hommes, c’est de la drague. Mais non. Et les victimes ne se sentent pas légitimes de le dénoncer, parce que c’est fait en toute impunité ».
Martine note toutefois que des jeunes garçons sont également venus à leur rencontre lors de la phase de test de Safer Plage l’été dernier. « On a pu parler avec eux et déconstruire certains stéréotypes de genre. C’était une expérience très positive. Il faudrait que cette opération se développe dans toutes les plages de France ! ».
Campagne de publicité
Au mois d’août 2022, 1346 personnes avaient téléchargé l’application Safer Plage, et trois faits ont été signalés. « Nous avons eu très peu de signalements, mais tant mieux, j’ai envie de dire. Cela montre l’effet dissuasif que peut avoir l’opération », concède Nathalie Tessier.
Dès le 1er août prochain, une campagne de publicité pour le dispositif doit être déployée, avec des distributions de flyers en présence des associations et médiateurs, des affiches dans les transports en commun et des publicités sur les bus de la RTM.