9 000 graines de posidonie échouées sur des plages ont été replantées dans la baie du Prado à Marseille. Une expérience qui pourrait rebattre les cartes dans la protection de cette plante aquatique indispensable à l’écosystème méditerranéen.
C’était une opération « réactivité », comme la décrit Hervé Menchon, adjoint écologiste au maire de Marseille en charge du Littoral. Il rappelle le contexte : la canicule estivale 2022 a stressé les herbiers de posidonie et déclenché leur floraison massive, alors qu’elle n’intervient généralement que tous les quatre à six ans.
Une situation anormale pour cette plante aquatique, aussi fragile qu’importante pour l’écosystème méditerranéen. Elle permet le développement de la faune tout en produisant de l’oxygène et en capturant beaucoup de CO2.
Mais les chercheurs du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Posidonie ont décidé de mettre cette anomalie à profit. « On s’est dit que cette floraison à grande échelle produirait beaucoup de fruits, et donc de graines, dont beaucoup allaient s’échouer sur le rivage », raconte le biostatisticien en écologie marine, Thomas Schohn. « L’occasion d’en récolter pour les replanter ».
Une pépinière de 150 m2 au large des plages du Prado
Après avoir obtenu le financement de 30 000 euros par la Ville de Marseille et l’Agence de l’eau, les scientifiques du GIS ont donc monté cette opération, et fait le pied de grue en scrutant les plages. C’est finalement dans le Var qu’un gros échouage de fruits a eu lieu la semaine dernière. L’équipe s’y est ruée et a récolté 10 000 graines.
Après un tri, 9 000 semences ont été conservées dans une bourriche immergée au Frioul. Avant la deuxième phase de l’opération, ce mardi 23 mai : la plantation expérimentale d’une parcelle d’environ 150 m2 à 25 mètres de profondeur. Cette pépinière sous-marine unique prend place au milieu des 400 récifs artificiels de la baie du Prado, la plus grande zone de restauration biologique protégée en Europe.
« Nous avons semé des zones de 1 m2, soit en conditions naturelles, soit sous des nappes de fibres de coco pour les plaquer au sol », explique Thomas Schohn. Il faudra attendre six mois environ pour voir si les pieds prennent, et « de trois à dix ans pour observer si les plantes colonisent le sable autour des parcelles ».
Passer de la protection à la recolonisation
Tout cette opération s’est montée en un temps très court. Mais « elle pourrait reconfigurer complètement l’approche autour de la préservation de la posidonie à Marseille et dans toute la Méditerranée », estime l’adjoint au Littoral, Hervé Menchon.
Jusqu’à présent, « les tentatives d’expansion d’herbiers de posidonie, ailleurs, avec l’aide de laboratoires, ont coûté cher et ont raté. De l’argent jeté à la mer », formule l’élu. C’est pourquoi, la protection de l’espèce végétale à Marseille « se concentre surtout sur la préservation des herbiers. Avec des zones protégées et interdites aux ancres des bateaux ».
Mais « l’intelligence et le faible coût de cette opération sont très encourageants. Et elle pourrait être dupliquée partout » note l’adjoint. Si le protocole expérimenté porte ses fruits, il entend ajouter le volet « extension » au volet « protection » dans le cadre d’un nouveau « plan Posidonie, porté par la Ville. Nous poserons les bases de ce plan lors des prochains conseils municipaux », assure-t-il.