La start-up marseillaise Inclusive Brains a développé un dispositif capable de simuler le fonctionnement du cerveau. Une commande mentale permettant de contrôler des objets connectés par la pensée. Ou quand la fiction devient réalité.
Il y a encore quelques années, cela relevait de la science-fiction. Et pourtant… Spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA) et les neurosciences, la jeune start-up marseillaise Inclusive Brains a développé une technologie capable de contrôler les objets connectés ou les environnements digitaux par la pensée.
Inclusive Brains est né d’une rencontre entre de « vrais geeks », s’amuse Olivier Oullier, l’un des deux co-fondateurs. Lui est neuroscientifique et ancien président d’Emotiv, leader mondial des neurotechnologies. Son associé Paul Barbaste, est diplômé de Sciences Po, Polytechnique et HEC. Ces 5 dernières années, chacun de leur côté, les deux hommes ont créé des interfaces « cerveau-machine ».
Puis « les échanges ont commencé en ligne et au fur et à mesure après son projet de fin d’études, on était tellement alignés sur ce qu’on voulait faire, qu’on a créé Inclusive Brains en espérant bien pouvoir changer la façon dont les personnes en situation de handicap sont équipées et peuvent performer au travail », raconte Olivier Oullier.
Découvrez notre reportage vidéo
Vidéo de Maroine Jit
Comment ça marche ?
Les interfaces « cerveau-machine » de nouvelle génération développées par Inclusive Brains permettent à des personnes ayant perdu l’usage de leurs mains, voire de la parole, de contrôler par la pensée des objets connectés (ordinateur, drone, fauteuil motorisé) et des environnements numériques (réalité virtuelle, augmentée, métavers), sans avoir à bouger ou à parler.
La start-up utilise un casque développé par Emotiv. Les capteurs dont il est équipé permettent d’enregistrer l’activité électrique du cerveau et les mouvements de la tête et les transmettent sans fil vers un ordinateur, un téléphone…
Grâce à un réseau d’algorithmes, la start-up, elle, a créé ce qu’on appelle un jumeau virtuel du cerveau. Il permet de décoder nos émotions, de comprendre et bientôt de prédire nos actions. « On a enregistré tout un réseau d’algorithmes qui a été entraîné avec des informations sur les émotions faciales, sur la façon dont on bouge, sur l’activité du cerveau, la façon dont on tape sur l’ordinateur… et tout est mis en relation, explique le neuroscientifique.
Là où cela devient intéressant, « c’est si je mets ce jumeau dans votre ordinateur, il va apprendre de vos habitudes et ça va vraiment devenir votre jumeau. Il va vous permettre grâce à nos algorithmes et des capteurs de contrôler des objets par la pensée ».
La rencontre de l’art et l’IA
L’entreprise, lancée il y a un an, n’en est qu’à ses débuts, mais les premières expériences s’annoncent prometteuses. Mercredi 15 juin, elle menait une opération inédite au Palais de la Bourse, à Marseille, en s’appuyant sur l’exposition immersive La Joconde.
Inclusive Brains a créé un jumeau numérique de Léonard de Vinci, ou plus exactement de son coup de pinceau. « Ce jumeau a appris du peintre, mais aussi de son mentor del Verrocchio ».
Des volontaires se sont prêtés à l’expérience, soit en tant que « modèles », soit en qualité « d’artiste augmenté » pour travailler ensemble. « On enregistre l’activité du cerveau de l’artiste pendant qu’il donne des instructions au modèle. Et lorsqu’il dit « top », on prend la photo du modèle. La photo et l’activité cérébrale de l’artiste sont envoyées dans notre jumeau virtuel et c’est lui qui va recréer le portrait à la manière de Léonardo tout en intégrant les émotions de l’artiste », détaille Olivier Oullier.
L’intelligence artificielle et les neurosciences au service de l’inclusion
L’ambition de l’entreprise est de démontrer qu’ils peuvent créer des jumeaux virtuels capables d’intégrer les émotions des gens, d’intégrer l’attention, la distraction, la charge mentale… et donc mieux comprendre l’utilisateur. Cette innovation reste tournée vers l’inclusion des personnes en situation de handicap.
L’entreprise vient de signer un partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille (CCIAMP) au Riality, son Lab de l’intelligence artificielle. « Une étape majeure dans notre développement », pour les patrons, pour continuer à tester et améliorer leur prototype auto-financé dans des conditions de vie et de travail réelles.
Dans ce cadre, la Chambre testera l’intégration de ce dispositif, avec le recrutement d’un stagiaire en situation de handicap moteur l’empêchant d’utiliser ses membres supérieurs. Au sein de la direction de la communication, il pourra ainsi contrôler sa station de travail par la pensée grâce à la combinaison d’intelligence artificielle et de neurosciences. « Ce partenariat a pour objectif de montrer le handicap comme un moteur non seulement d’innovation sociale et technologique, mais surtout de croissance économique », souligne Paul Barbaste, co-fondateur et président d’Inclusive Brains, espérant que le « leadership de la CCIAMP inspire beaucoup d’autres organismes publics et privés ».
Vers la création de la télécommande mentale du futur
Car Inclusive Brains entend complètement démocratiser ces technologies, qui existent depuis une quinzaine d’années, mais restaient jusqu’alors très confidentielles et très coûteuses à l’abri des laboratoires. « La vraie inspiration pour nous, c’est la commande de la télé développée pour aider les personnes en situation de handicap à changer de chaîne et monter le son. Aujourd’hui, c’est un objet usuel présent dans des milliards de foyers avec un impact sur toute la planète. Nous, e-modestement, c’est un peu ce qu’on veut réussir à faire dans un futur proche. Très très proche », sourit Olivier Oullier, qui rêve avec son associé, de commercialiser une télécommande mentale pour tous.