A proximité du métro Dromel (9e arr.), un immeuble de bureaux voué à la démolition va être mis à disposition pendant près de 2 ans à 200 artistes et des étudiants infirmiers, dans le cadre du projet Buropolis. L’occupation temporaire sera effective dès février et ce jusqu’en juin 2022. Reportage.
Après avoir longé le boulevard Romain-Rolland (9e), il suffit de suivre le panneau menant à l’Ecole de la Deuxième Chance pour tomber à l’adresse indiquée. A l’entrée, un panneau rouge et blanc indique « Buropolis ». La barre d’immeuble est imposante dans le paysage et sera bientôt le décor quotidien de l’équipe de Yes We Camp, spécialiste de l’utilisation inventive des espaces disponibles et d’animation culturelle, en charge du programme.
A l’image de Coco Velten, c’est ici que sera bientôt dévoilé un nouveau projet d’occupation temporaire soutenu par la Ville de Marseille. Racheté par le promoteur Icade, le bâtiment sera, d’ici 18 mois, démoli puis transformé en logement social. Une durée durant laquelle les locaux auraient pu rester inhabités. C’était sans compter sur le projet de l’association Yes We Camp, qui annonce y faire résider plusieurs centaines d’artistes et une école d’infirmiers, à l’invitation du promoteur.
En tout, 8 500 m2 de locaux à bas coûts vont prochainement être dédiés à l’art, la culture et la formation, dans le cadre de la politique d’occupation temporaire. Un appel à manifestation d’intérêt vient d’être lancé à destination des artistes pour intégrer les locaux qui n’ont pas encore trouvé preneurs.
Du projet à l’installation
9e étage. Après avoir poussé la porte, un bain de lumière inonde la pièce encore dénuée de toute installation. Matières brutes, structures métalliques… Un décor de chantier sublimé de part et d’autre par une vue à 360° sur la ville. Collines côté Sud, stade Vélodrome et Méditerranée à l’Ouest, la Bonne Mère au Nord. « A cet étage, les artistes pourront organiser des expositions et des événements culturels sur plus de 1 000 m2 », nous indique Raphaël Haziot, coordinateur du projet pour Yes We Camp.
Les clés en poche depuis le 4 janvier, le jeune homme travaille aux côtés de Marine, Leïla, Patrice et Alexia à l’organisation de l’espace, la sécurisation du bâtiment et la gestion administrative afin de recevoir les futurs locataires dans les meilleures conditions.
Lesquels arriveront au cours du mois de février. « Tout est allé très vite, continue-t-il. En octobre, nous avons fait les premières démarches, nous avons visité les lieux. Les équipes de Yes We Camp travaillent à la recherche d’espaces de ce genre pour en faire bénéficier l’écosystème culturel et social. Il est, en effet, difficile de trouver des lieux que peuvent investir des artistes, en y installant leurs ateliers. L’opportunité était belle, le cadre s’y prêtait. En 3 mois, le projet était sur les rails. Le mois prochain, nous accueillerons les premiers résidents ».
L’idée est attractive pour ces derniers, notamment en terme pécuniaire. « Les espaces disponibles varient entre 10 m2 et 25 m2 et sont disponibles à plusieurs niveaux tarifaires, informe Marine Vever. Certains espaces, au 8e et 5e étages, avaient été refaits à neuf en 2017 dans l’idée d’être loués ultérieurement. Depuis, personne ne les a investis. Ceux-là seront donc légèrement plus chers, il faudra compter 14 €/m2/mois. Et pour les moins onéreux 8 €/m2/mois. Quoiqu’il en soit, les loyers restent réduits, en-dessous des prix habituels du marché ».
Ouverture sur le quartier et accueil du public
Littéralement, il s’agira de la nouvelle cité de bureaux marseillaise. Sur le papier, Buropolis s’inscrit comme un lieu d’expression culturel ouvert à l’art. Mais un lieu qu’il faudra s’approprier, au vu de sa configuration. « Buropolis se veut le plus auto-géré possible, c’est l’idée-même du projet. Les résidents l’investiront et travailleront à son aménagement de manière collégiale et démocratique », conçoit Raphaël.
Lieu de production et de partage de compétences, jardins collectifs, expositions, ateliers… Toutes les idées sont permises pour faire vivre l’espace, notamment en l’ouvrant au public de proximité. Des plateaux communs seront d’ailleurs dédiés à cet accueil, qu’il s’agisse de la cafétéria au rez-de-chaussée ou des cours de yoga et de danse dispensés au 2e étage, parmi les autres activités corporelles à venir. La bibliothèque, portée par la mairie de secteur et la Ville, servira quant à elle d’expérimentation à un projet de médiathèque dans le secteur, qui devrait ouvrir ses portes dans les prochaines années.
« Pour les artistes, c’est l’occasion de montrer leur travail et de l’ouvrir à de nouveaux publics. Nous allons notamment accueillir les scolaires, mais aussi toutes les personnes intéressées, poursuit Raphaël. Pour cela, nous imaginons investir la cour avant pour en faire un espace de buvette l’été par exemple. Nous disposons de 1 hectare de terrain, de multiples activités peuvent être imaginées. Ce sont pour l’instant des idées, nous ne savons pas ce qu’il en sera avec la situation sanitaire actuelle ».
Une promotion de 900 élèves infirmiers
Pour le moment, Buropolis est dénué d’activités… ou presque. Dans la cour arrière, un chantier est à l’oeuvre pour accueillir une partie des futurs locataires des lieux, et pas des moindres. « La Croix Rouge prépare l’installation de ses étudiants infirmiers et de ses équipes qui auront leurs algécos sur cet espace vacant, ainsi que des locaux dans l’enceinte du bâtiment ».
Une promotion de 900 étudiants y prendra place prochainement. L’institut de formation fait partie des principaux acteurs en soutien au projet d’occupation temporaire.
Un budget de 1,2 million d’euros
Un partage de l’espace que félicite la Ville de Marseille et la mairie de secteur, investies depuis les premières étapes du processus. « Le fait que Yes We Camp puisse postuler pour l’occupation de ce bâtiment qui est voué à la démolition va dans la dynamique que nous voulons impulser à Marseille, nous indique Jean-Marc Coppola, adjoint en charge de la Culture. La Mairie souhaite pouvoir mettre à disposition des espaces qui ne sont pas occupés pour en faire des lieux dédiés à la culture. D’une part, cela permet aux artistes d’avoir des locaux fonctionnels. De l’autre, de ne pas laisser des lieux vacants, d’autant plus avec La Croix Rouge dans ce cas précis. Il y a une volonté de développer avec les professionnels de l’immobilier cette offre, en bonne intelligence ».
Pour cela, plusieurs services de la Ville ont participé au projet, notamment par le biais de Mathilde Chaboche, adjointe en charge de l’urbanisme. Suivant le modèle économique d’un auto-financement à 80% et 20% de financement public, le coût de l’opération global est estimé à 1,2 million d’euros, réparti sur deux exercices budgétaires. De son côté, la Ville aura été sollicitée à hauteur de 100 000 euros « a minima », comme nous en informe l’élu, soit 50 000 € prévus sur le budget 2020 et à nouveau 50 000 € pour 2021.
A un mois de l’ouverture, encore 2 300 m2 d’espaces restent libres et cherchent preneurs. A bon entendeur.