Le projet de réhabilitation de l’Hôpital Sainte-Marguerite (9e), à l’abandon depuis des années, a pris du retard mais reste d’actualité. Sa transformation en pôle de santé rassemblant laboratoires universitaires, maison d’urgence et start-up divise : le Collectif de soutien des Hôpitaux Sud dénonce la destruction « d’un hôpital public », la Ville de Marseille qu’il « ne coïncide pas avec la vision de l’AP-HM ». Explication.

Il y a 18 mois, la Métropole Aix-Marseille-Provence présentait un projet de réhabilitation de l’hôpital Sainte-Marguerite (9e). Pour des raisons comptables, l’établissement était menacé de fermeture depuis plus de 20 ans, privé de ses urgences, et surtout de vente à des promoteurs. Pour sauver « ce poumon vert », comme le qualifiait à l’époque Martine Vassal, le plan visait à racheter le foncier disponible à l’AP-HM, pour y créer un pôle médical d’excellence, en louant au privé.

« La santé est une filière économique très porteuse sur le territoire, expliquait en novembre 2019 l’ancien vice-président de la Métropole en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la santé, Frédéric Collart. Nous sommes de grands leaders de la recherche en immunologie, en cancérologie, en cardiologie vasculaire, en neurologie. Il était donc primordial d’établir un état des lieux des demandes et des besoins ».

Une analyse qui met en évidence le manque de foncier disponible pour installer des start-up spécialisées dans le domaine médical et parallèlement la forte demande de fonds d’investissement désireux de s’installer près de centres hospitaliers.

Création d’un comité de pilotage

Pour la Métropole, Sainte-Marguerite, édifice de trois étages qui s’étend sur 33 000 m2, dispose des atouts pour créer un pôle de santé autour de l’innovation. « Mais en raison de la crise sanitaire, ce projet a pris du retard », confie Frédéric Collart, chef du service de chirurgie cardiaque de la Timone. Le rachat par la Métropole devrait être finalisé avant la fin de l’année 2020. Les travaux de la phase 1 devraient commencer fin 2021, et s’échelonner jusqu’en 2025-2026.

Le projet vise à rassembler des laboratoires universitaires, une maison d’urgence, ainsi que des start-up dans le domaine de la santé. 22 500 m2 des bâtiments historiques vont être rénovés et environ 10 000 m2 devraient être construits. Le bâtiment historique devrait donc être entièrement rénové ainsi que le pôle d’imagerie, de gériatrie et le pôle psychiatrie restructuré. Un investissement de 17 millions d’euros de l’Etablissement foncier (EPF Paca) est prévu pour acquérir le terrain et la Métropole compte investir 5 millions d’euros pour les travaux.

Emmanuelle Charafe, vice-présidente de la Métropole, déléguée à la Santé travaille sur la mise en place d’un comité de pilotage avec l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), constitué, entre autres, de son prédécesseur Frédéric Collart et du maire (LR) du 9e-10e arrondissements, Lionel Royer Perreaut, « afin de discuter avec l’AP-HM pour qu’il y ait une vraie réflexion médicale ».

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« Il ne coïncide pas avec la vision de l’AP-HM »

Car selon, la municipalité qui se fait le porte-voix de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille le projet tel quel « ne coïncide pas avec la vision de l’AP-HM », nous explique Christine Juste, adjointe à la santé à la Ville de Marseille.

L’élue assure que « Michèle Rubirola est en lien avec l’AP-HM et, contrairement au communiqué de presse de madame Charafe, ce projet ne serait pas forcément ce qu’ils auraient souhaité.  Nous allons attendre pour avoir plus d’éclaircissements sur le sujet, mais une chose est sûre, notre priorité est de faire avancer la recherche ».

Par ailleurs, à la question d’Emmanuelle Charafe sur l’éclaircissement de la Ville dans ce dossier lors du conseil municipal du 23 novembre, la maire de Marseille a ajouté qu’une délibération « pour confirmer notre engagement auprès de l’Assistance publique dehôpitaux de Marseille » serait rendue à l’occasion de la prochaine séance municipale, prévu en décembre prochain.

Le collectif de soutien aux Hôpitaux Sud conteste le projet

Le Collectif de soutien des Hôpitaux Sud (composé de la CGT, le PC, la France Insoumise ou encore le Nouveau Parti anticapitaliste) opposé au projet depuis son annonce, il y a 18 mois, publiait, début novembre un communiqué dénonçant une « décision ultra-autoritaire, prise en dehors de toute instance représentative du personnel (CHSCT, CTE) et dans le déni total du besoin réel des usagers des quartiers sud »

Il souligne également le déménagement de plusieurs services comme la direction, le bureau du personnel, la médecine du travail, les locaux syndicaux, la crèche, la pharmacie et l’addictologie.

« On voit petit à petit la destruction d’un hôpital public et, à la place, l’installation de start-up. Ce sont deux modèles de la société qui s’affrontent où les profits doivent être maintenus plutôt que des vies. Et on nous dit que ce projet est censé sauver l’hôpital ? Le vendre à la découpe n’est pas le sauver », martèle Eugène Christo-Foroux, docteur en sciences de la vie et de la santé à Luminy et membre du collectif. 

Le chercheur appuie également sur la dangerosité de l’absence d’un service d’urgences, d’un Ehpad dans les quartiers sud et d’un accès à la contraception, « alors qu’il y a plus de 7 000 étudiants à Luminy », ajoute-t-il. C’est pourquoi le collectif demande le retour des « urgences et des activités nécessaires avec personnels et moyens suffisants pour la prise en charge des usagers des quartiers sud, l’arrêt des ventes immobilières de l’AP-HM et l’implantation d’un Centre de santé et d’un Ehpad public sur le site ».

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« La Métropole tiendra ses engagements »

En réponse au collectif, Emmanuelle Charafe déclarait il y a quelques jours dans un communiqué qu’il était faux « de prétendre que la cession foncière d’une partie du site de Sainte-Marguerite révèlerait un affaiblissement de l’offre de soins. Cette opération s’inscrit dans une logique de cohérence, de mise en synergie, et d’équilibre financier. Il en est attendu une consolidation de spécialités fortement ancrées sur le pôle Sud (gériatrie, orthopédie et traumatologie, imagerie médicale, psychiatrie), tout à fait compatible avec le maintien de services de consultation générale ».

La porteuse du projet ne souhaite, en tout cas, pas « entrer dans le débat. Au contraire, les collectivités territoriales ont permis que le site ne devienne pas un projet immobilier » avant d’ajouter : « la Métropole tiendra ses engagements. Nous allons faire en sorte de mettre en place des start-up biotechs complémentaires avec les services présents et réfléchir à un partenariat public-privé ».

Sollicitée, la direction de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille n’a pas souhaité s’exprimer « à ce stade ». Une réserve conditionnée par la très prochaine élection du président du Conseil de surveillance, parmi le collège des représentants des collectivités territoriales et le collège des personnalités qualifiées. Pour rappel, Jean-Claude Gaudin présidait cette instance qui a pour mission de se prononcer sur la stratégie et d’exercer le contrôle permanent de la gestion de l’établissement.

Affaire à suivre donc…

Illona Bellier (avec Narjasse Kerboua)

🔎  Focus sur le Copermo

En juillet 2020, la suppression du Copermo (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers) chargé d’examiner et de valider les grands projets d’investissement hospitaliers et les plans de retour à l’équilibre, a été actée en conclusion du Ségur de la santé. « Disons-le nettement, il a vécu », a déclaré Olivier Véran, concernant cette instance.

Le Copermo devrait être remplacé par un Conseil national de l’investissement en santé « qui associera des représentants des élus, devra désormais définir les priorités nationales, se situer dans l’accompagnement des projets, répartir les enveloppes d’investissement et se prononcer uniquement sur les projets qui bénéficieraient à 100% d’aide ou dépassant les 100 millions d’euros », a-t-il expliqué. Pour tous les autres projets, « il doit y avoir des décisions territorialisées (…) Nous voulons que dorénavant les territoires soient aux commandes ».

Il souhaite ainsi associer les élus régionaux, départementaux, intercommunaux « et bien sûr les maires à l’appréciation des besoins en santé, mais aussi aux décisions d’investissement ».

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