Devenues des incontournables pour colorer les assiettes, les fleurs et plantes comestibles de la région ont réussi à séduire les chefs et les différentes enseignes locales. Reportage sur un produit qui a su trouver son public.
Le rendez-vous est donné à l’impérieux Intercontinental, trônant fièrement aux abords du quai du Vieux-Port (2e). Dans l’établissement marseillais aux cinq étoiles, dès 10h du matin, les cuisiniers s’activent aux fourneaux pour satisfaire la demande de leurs clients. En coulisses, le chef Lionel Levy nous reçoit, tablier sur le dos, pour présenter l’un des plats qui sera bientôt affiché à la carte d’Alcyone : fricassée de calamars et son risotto de fregola sarda, ces petites pâtes sardes en forme de billes.
Et ce qui fait toute la différence dans cette assiette est bien l’agrément, aussi visuel que goûteux, qu’y ajoute le chef pour sublimer la recette. « Avec Cédric Méry qui travaille à mes côtés, nous avons réfléchi à une carte à la fois respectueuse de l’environnement et créative, présente-t-il, agitant d’une main la poêle où cuisent à gros feu les céphalopodes. Nous avons rencontré en début d’année Fabien Rugi, de La Boîte à Sardine, qui est un cueilleur marin. Dans les calanques, il ramasse des plantes et nous en fournit toutes les semaines, comme de la criste marine, du pourpier ou de la roquette sauvage ».
Ces trois ingrédients, nous les retrouvons dans l’assiette fin prête à la consommation, où se mêlent les saveurs, de l’amertume des feuilles au parfum iodé des fleurs sauvages.
Des couleurs locales dans l’assiette
L’abondance herbicole de la région attire, d’autant plus en cette période de crise sanitaire où l’intérêt pour le local est sensible. Et où les consommateurs sont de plus en plus soucieux de savoir ce qui orne leur assiette, comme l’affirme Lionel Levy.
Car aller au restaurant, c’est avant tout une expérience sensorielle. Du goût aux odeurs, l’appréciation d’un plat se fait avant tout par des a priori. Et, plus il est coloré, plus il donne envie d’être dégusté. C’est en tout cas sur ce principe que se basent de plus en plus de restaurateurs et de chefs, misant sur l’originalité de leurs plats pour attirer la clientèle.
Un créneau sur lequel s’est depuis 5 ans glissée l’association Bigoud’, livrant à vélo ses diverses variétés de plantes, avec un intérêt tout particulier porté sur les fleurs sauvages récoltées en zone périurbaine. Caroline Decque et Camille Gasnier nous en expliquent l’organisation.
https://www.facebook.com/bigoud13/posts/2508911512754026
« C’est à partir de 2016 que l’on a commencé à proposer des fleurs comestibles, avant on faisait des choses plus classiques comme les salades, les aromatiques et les tomates anciennes, rappelle Caroline. Finalement, avec le bouche-à-oreille, il y a eu un véritable engouement autour des plantes sauvages, et on travaille aujourd’hui avec une vingtaine de restaurants sur Marseille. Le but est d’être là pour les conseiller, dans un esprit de proximité. Il y a une vraie pédagogie là-dedans, on s’adapte à la demande, et on fait partie du processus d’élaboration des plats, en mutualisant nos connaissances ».
Un réseau d’amateurs marseillais
Chrysantèmes japonais, fleurs d’ail, fuschias… Les « fleurs de grand-mère », comme Caroline les nomme, ont la cote dans le Sud. Sur Marseille, les jeunes femmes de l’association arpentent donc les rues, du 8e arrondissement où elles livrent le restaurant AM, au 6e, à la distillerie de la Plaine qui se sert des fleurs pour élaborer de nouveaux breuvages, en passant par la rue Sainte (7e), où elles fournissent la Laiterie marseillaise afin d’agrémenter au mieux ses fromages.
Au Camas (5e), le bistrot Georges a lui-même succombé au charme de la cueillette locale. Sur la terrasse plein sud, prise d’assaut par les habitués du quartier, les assiettes vont et viennent, attirent les regards, suscitent l’envie. C’est dans ce décor que nous reçoit Ilan Loufrani, gérant du bistrot, qui nous raconte son parcours, couplé avec celui de l’association. « Nous avons commencé ensemble, en 2015. J’étais curieux de savoir comment elles procédaient pour la cueillette, j’y suis donc allé, aux Baux-de-Provence une fois. C’est là que l’on se rend compte que c’est un véritable travail d’orfèvre ».
Car si l’exercice est accessible à tous, il est de rigueur d’avoir des connaissances pointues dans le domaine. Chaque semaine, le vélo-livreur stationne dans le quartier, où la chef Chloé Babolat se tient prête à découvrir la nouvelle récolte. « C’est un peu le loto à chaque fois, et c’est autant la surprise pour nous que pour le client, continue Ilan. On considère cela comme un travail d’équipe ; Caroline et Camille nous parlent de chaque fleur, nous indiquent avec quelle préparation elle pourrait se mélanger etc. Cela aide à mettre de la poésie dans les plats, et donne une dimension pédagogique à notre travail ».
Apprentis cueilleurs
Pour tous ceux qui voudraient s’amuser à agrémenter leurs propres recettes et développer leur fibre artistique, nombreuses sont les applications sur smartphone permettant de reconnaître les variétés. Parmi elles, PictureThis, répertoriant plus d’un million de plantes, ou encore PlantSnap : Fleurs et arbres, vous proposant de prendre une photo afin d’obtenir des informations sur les fleurs près de chez vous parmi 600 000 espèces végétales.
Un bon coup de pouce, qui pourrait valoir de nombreux éloges lors des repas en famille.