Le musée Granet à Aix-en-Provence propose jusqu’au 14 février, une exposition exceptionnelle sur l’art de l’Égypte ancienne, en collaboration avec les musées du Louvre, de la Région et de l’Europe. Un voyage dans le temps avec « Pharaon, Osiris et la Momie ».
L’extraordinaire momie de varan du Nil, des stèles de premier ordre, un sarcophage et sa momie, deux bas-reliefs de la grande pyramide de Khéops… Durant cinq mois, le musée Granet à Aix-en-Provence propose une exposition consacrée à l’art de l’Égypte ancienne, intitulée « Pharaon, Osiris et la Momie ».
Cette exposition revêt un caractère bien particulier. Elle est l’occasion de découvrir l’intégralité du fonds égyptien du musée Granet, qui n’a pas été présenté au public depuis 25 ans ! « C’est pratiquement toute une génération qui n’a jamais vu ces pièces. L’idée première était donc de mettre en valeur notre collection, mais aussi d’avoir la possibilité à cette occasion de la restaurer intégralement », explique Bruno Ely, conservateur en chef du musée Granet.
Un minutieux travail de restauration de 150 objets
Objets en pierre, en métal, en bronze, papyrus ou encore matériaux organiques… ne sont pas soumis aux mêmes procédés de restauration, et ont ainsi nécessité l’intervention d’experts.
Un travail minutieux de trois années, pour offrir une seconde vie aux 150 pièces qui sont exposées, et qui a permis de les étudier de nouveau avec les techniques modernes.
Les techniques modernes au service de l’histoire
La tomographie, « sorte de radiographie en 3D », a été utilisée pour l’étude de varan momifié, ce lézard géant présent sur le bord du Nil, « pour voir ce qu’il y avait à l’intérieur, sans ouvrir, sans enlever les bandelettes. Au XVIIIe et XIXe siècle, on était obligé de les retirer et on a beaucoup perdu, poursuit le conservateur. Grâce à la tomographie, on a pu voir comment il a été momifié, traité, et on s’aperçoit de choses assez drôles : la queue a été repliée à l’intérieur de la cage thoracique, et c’est un bout de bois, qui fait la réalité de la queue », raconte-t-il.
Cette momie de Varan est une pièce unique au monde.
De même, une radiographie de la momie humaine – qui sera exposée dans son sarcophage au musée – a été réalisée et datée au carbone 14. Elle révèle aussi une découverte étonnante : le sarcophage dans lequel la momie est contenue aujourd’hui n’est pas le sien. « Cela paraît invraisemblable, mais le sarcophage est celui d’un homme. Il date du 7e siècle avant Jésus-Christ, alors que la momie est celle d’une femme et qu’elle date à peu près de 900 avant J.-C. », explique Bruno Ely.
Un échange, conséquence du trafic de momies et sarcophages qui avaient cours à cette époque. Les visiteurs pourront l’observer dans un caisson lumineux.
Un colosse de 2 mètres de haut propriété du Louvre
En plus des sculptures, figurines et amulettes de divinités et d’animaux… des différentes époques de cette civilisation, le public pourra admirer un objet majeur monumental, propriété du Louvre : un colosse de 400 kg pour 2 mètres de haut, en granit rose, représentant une statue royale de la lignée des Ramessides (1292 > 1070 avant J.-C.).
C’est là, l’autre particularité de cette exposition : un prêt de 42 œuvres, voire des « chefs-d’œuvres » pour certaines, issues des collections du musée parisien. Une forme de « reconnaissance » estime Bruno Ely.
Il a travaillé en étroite collaboration avec Christophe Barbotin, conservateur général au département des antiquités égyptiennes du Louvre, pour mettre au point cette exposition à Aix-en-Provence.
Le retour aux sources
C’est même une vieille histoire qui lie Christophe Barbotin au musée Granet. Tout jeune conservateur, et pas encore tout à fait nommé au Louvre, il vient à Aix-en-Provence étudier cette collection égyptienne. Nous sommes en 1985.
Dix ans plus tard, lors de la première exposition du fonds [qui ne présentait d’ailleurs pas la totalité, ndlr], l’édition du premier catalogue est signée Christophe Barbotin.
2020, il accepte d’être le commissaire scientifique de l’exposition, « puisque nul mieux que lui connaît ces collections. Ça montre que dans les musées on travaille dans la continuité », sourit Bruno Ely.
Mieux comprendre l’art égyptien
Pour apporter une cohérence à l’ensemble, des rapprochements historiques, artistiques ou stylistiques ont été effectués entre les pièces des deux musées, qui permettront au public de mieux comprendre l’art égyptien. « Un personnage en sculpture au Louvre trouvera sa correspondance au musée Granet dans un bas-relief », cite pour exemple, Bruno Ely.
Par ailleurs, une dizaine d’objets proviennent d’autres musées français et étrangers : le musée de la Vieille Charité à Marseille et Calvet à Avignon, ou encore d’Allemagne, de Hollande et d’Italie.
La scénographie : une oeuvre à part entière
Pour cette exposition, la scénographie a été volontairement dépouillée. Chaque salle répond aussi à un code couleur en référence aux trois thèmes qui guident l’exposition « Pharaon, Osiris et la Momie ».
Pharaon, car c’est un personnage, mi-homme, mi-dieu, « tel que le définit l’Egypte avec entre ses mains, un pouvoir qui ne tient pas forcément, ou de la religion ou des armes, mais de l’administration. Et on peut penser que c’est vraiment l’administration égyptienne qui est le ciment, qui a permis à cette civilisation de durer autant et qu’elle soit aussi brillante. Peu de civilisations dans l’histoire de l’humanité ont connu une telle pérennité ».
Osiris, parce qu’il est « en quelque sorte le père des dieux égyptiens », le Dieu des morts. Le plus connu. « Tout homme doit mourir un jour. Donc tout homme mourant était un Osiris potentiel. C’est comme ça dans la religion égyptienne. Et cela renvoie à ce panthéon innombrable car les égyptiens avaient des milliers de dieux ».
Et puis enfin, La Momie, « parce qu’effectivement, les rites funéraires sont des rites très importants et essentiels de la civilisation égyptienne ».
L’espace a entièrement été repensé. Et pour cause. Pour présenter un certain nombre de petits objets, l’installation de vitrines a été nécessaire, « donc créer du mobilier muséographique qui est lui-même un élément de scénographie important », précise le conservateur.
Et pour faire co-habiter harmonieusement le colosse de 2 mètres de haut aux côtés d’un bijou de 2 millimètres, le musée a eu recours à des « socleurs ». Une profession méconnue avec laquelle il n’avait pas l’habitude de travailler.
De la poutre métallique aux plus petites assises, ces spécialistes des structures ont réalisé un travail d’orfèvre pour un résultat léger et aérien, sublimé par l’éclairage.
Du papyrus aux nouvelles technologies
L’exposition se poursuit au premier étage dans un esprit plus pédagogique, ludique et didactique, autour de nouvelles technologiques et de manières plus traditionnelles d’étudier l’Égypte.
Un écran tactile permet ainsi au visiteur d’observer sous toutes ses faces la fameuse momie de varan. « Nous avons aussi des écrans sur lesquels les restaurateurs expliquent leur travail, les principales interventions réalisées sur nos objets ».
Moins technologique, mais tout aussi saisissant d’Histoire : des fac-similés de papyrus du XIXe siècle qui se trouvent actuellement au British Museum (Londres). Ils ont été réalisés par le collectionneur aixois François Sallier, d’après les originaux qu’il avait en sa possession.
Pour la petite histoire, François Sellier a reçu chez lui, par deux fois, en 1828 et 1830, Champollion venu étudier ses fameux papyrus. Le savant a acquis sa renommée en déchiffrant les hiéroglyphes… le 17 septembre 1822.
L’occasion de revenir sur la formidable aventure des hiéroglyphes.
« Pharaon, Osiris et la Momie » au fil des pages
Les plus jeunes pourront également découvrir une version scientifique et pédagogique du jeu vidéo « Assassin’s Creed ». Pas de sang, d’armes encore moins d’assassinats. « Il s’agit, ici, de la découverte de tout le travail qui a été fait pour documenter au mieux ce jeu. L’idée, c’était quand même de se reposer sur des réalités historiques, même si, là, nous sommes à l’époque de Cléopâtre, donc quasiment la fin de l’empire égyptien ».
« Pharaon, Osiris et la Momie », a permis au musée Granet d’éditer un nouveau catalogue de ses collections égyptiennes, acquises au cours des XVIIIe et XIXe siècles.
Du livret en noir et blanc de 1995, le nouvel ouvrage de 240 pages, réactualisé avec les nouvelles données scientifiques, met en valeur et en couleur les objets restaurés. « Et cela a permis de donner une très belle unité à cette édition ».