Martine Vassal a été réélue ce jeudi 9 juillet à la présidence de la Métropole Aix-Marseille Provence avec 145 voix, sur 240 votants. Elle obtient ainsi une confortable majorité, avec laquelle elle compte lancer une réforme métropolitaine, en co-construction avec les territoires. L’opposition de gauche, elle, fait part de son scepticisme.
À la tête de la Métropole Aix-Marseille Provence depuis 18 mois, succédant ainsi à Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal (LR) a été réélue, sans surprise, à la présidence de l’institution, ce jeudi 9 juillet. Elle l’a largement emportée par 145 voix contre 61 pour Gaby Charroux, maire (PCF) de Martigues. Les autres candidats, Jean-Pierre Serrus, maire (LREM) de la Roque-d’Anthéron et Stéphane Ravier, sénateur (RN) et conseiller municipal ont récolté respectivement 22 et 11 voix.
Ainsi, 145 élus ont renouvelé leur confiance à Martine Vassal. Un signal fort pour la présidente, qui semble avoir entendu et répondu aux revendications des édiles du territoire. Après des applaudissements nourris de sa majorité, et même au-delà, c’est avec une très grande émotion qu’elle s’est exprimée depuis la tribune.
Un air de revanche après sa défaite aux élections municipales de Marseille. Un échec qui lui laisse désormais toute latitude pour se focaliser sur sa « métropole de projets » et s’occuper pleinement de la réforme métropolitaine qu’elle entend lancer en collaboration avec les territoires.
Avant d’énoncer les grandes orientations, ses premiers mots sont allés aux autres candidats, puis à ses « compagnons de route » avec lesquels elle a « traversé beaucoup de tempêtes », ainsi qu’à son père et ses enfants qui « l’ont supportée », et « accompagnés dans chaque décision ».
[⚡en direct] Martine Vassal est réélue présidente de la métropole.Publiée par Made in Marseille sur Jeudi 9 juillet 2020
Vers une « institution métropolitaine profondément réformée »
Puis, c’est résolument vers l’avenir que la nouvelle présidente a souhaité mettre l’accent, « avec une volonté de changement », en adressant un message fort à l’attention des communes, dont elle a insisté sur la spécificité. « Cette multi-polarité et cette diversité demandent à ce que nous imaginions nous-mêmes et collectivement les formes d’organisation qui nous sont propres, et ceci pour que nous soyons pleinement acteurs de notre futur, pour promouvoir le développement économique, le développement social, le développement culturel, pour aussi développer les politiques environnementales et de santé. Il est nécessaire que nous disposions d’une institution métropolitaine profondément réformée. C’est pour moi, et c’est pour nous, de notre devoir de nous engager collectivement dans un mouvement de refondation ».
La ligne directrice de cette refondation passe par des « principes clairs » : « Tout d’abord concevoir une métropole de projets, qui nécessite que nous fassions la distinction entre les compétences stratégiques et les compétences de proximité ». Dans cette perspective, la présidente annonce que ces dernières seront mieux organisées, mieux réparties et assurées par le couple communes-territoires.
La Métropole des projets : « pendant quatre ans, on nous a dit la même chose »
Dans l’opposition, majoritairement à gauche, le discours fait grincer des dents. « On a beaucoup d’annonces et de promesses » souligne le maire communiste de Martigues, Gaby Charroux. « Si ces promesses pouvaient être tenues, je pourrais m’en satisfaire, et participer à changer les choses. On peut, localement, ici, faire confiance aux maires des communes et présidents des territoires. Faisons-leur confiance vraiment, ne faisons pas semblant. Car pendant quatre ans, on nous a dit la même chose : une métropole de projets où l’on s’appuie sur les maires et agglo’ », relève-t-il, craignant que le nouveau mandat « ressemble » au précédent. L’élu explique par ailleurs qu’il ne souhaite pas faire partie de l’exécutif métropolitain.
Dans le même sens, le maire LREM de La Roque-d’Anthéron, Jean-Pierre Serrus, « espère qu’elle s’appuiera plus sur la conférence métropolitaine des maires. Je regrette qu’elle n’en ait pas parlé. Plutôt que de réfléchir à une réforme institutionnelle, comment on fait pour réfléchir ensemble ? » Pour cela, il aurait préféré qu’elle « convoque les 92 maires dès l’après-midi même », pour déterminer, avec eux, une méthodologie de prise de décision collective.
« Convoquons la conférence métropolitaine des maires ». Avec 22 voix, @jpserrus (LREM) entend peser sur les actions de la nouvelle @AMPMetropole.
L’élection métropolitaine en live ici ➡️ https://t.co/qeJ0PEraKp pic.twitter.com/dnRqqPgJ2Q
— made in marseille (@MadeMarseille) July 9, 2020
Pour dégager des leviers d’action, l’un des points fondamentaux de cette « restructuration » présentée par Martine Vassal repose sur un audit budgétaire et financier « pour nous permettre d’évaluer au mieux des pistes d’actions et des axes stratégiques ». Condition sine qua non pour lever les freins à l’action métropolitaine. « Ce contexte n’a pas toujours permis aux territoires d’exercer leurs missions à la mesure des attentes des citoyens, ni d’ailleurs aux communes, comme elles l’auraient souhaité, leur rôle d’acteur de proximité ».
Un discours qui ne convainc toujours pas Gaby Charroux : « J’ai remarqué durant quatre ans, beaucoup de dysfonctionnements liés à l’hyper-centralité. On a besoin de modifier ça sérieusement. Il faut passer aux actes tout de suite. J’ai fait des propositions dans ce sens, sans même parler de fiscalité, de finances ou du budget ».
Une délicate cohabitation Marseille-Métropole
Et la nouvelle municipalité de Marseille ne fait pas partie de l’exécutif métropolitain. « Une catastrophe » pour un élu socialiste. « On est la seule ville de France où c’est comme ça ! » peste-t-il, ajoutant que cette situation n’augure « rien de bon pour la suite », malgré les annonces. « On considère aujourd’hui que c’est un échec, que c’est grave pour Marseille, parce que beaucoup de compétences sont transférées à la Métropole. On pense que ça aurait pu se passer autrement si les projets avaient pu être confrontés », lâche à son tour Sébastien Barles, écologiste désormais dans la majorité municipale du Printemps Marseillais.
Nombre d’entre eux parmi lesquels Michel Rubirola, la nouvelle maire de Marseille, Benoît Payan, son premier adjoint, n’ont d’ailleurs pas pris part au vote des vice-présidents, et ont décidé de rester debout au fond de l’hémicycle. Le placement pas ordre alphabétique, créant des voisinages malencontreux, ne contribuant pas non plus à apaiser les rivalités.
Pour une autre écologiste, c’est aussi un camouflet. Elle défendait une vision plus stratégique et aurait préféré s’allier avec une personne du centre ou de droite « pour mettre fin au règne de Martine Vassal ». La cohabitation avec la Ville de Marseille ne s’annonce pas rose, et quelques dossiers, tels que le Boulevard Urbain Sud, laissent entrevoir de prochains bras de fer. Mais elle contente d’autres maires, Maryse Joissains en tête. La maire (LR) d’Aix-en-Provence se dit « sereine », elle qui voit plusieurs de ses adjoints endosser la fonction de vice-présidents de la Métropole.
Des ex-anti-monstropole réunis sous la bannière de la « métropole de projets ». Son premier adjoint Gérard Bramoullé obtient d’ailleurs la première vice-présidence. « Vous avez lu son livre ?, interroge Jean-Pierre Serrus. Il ne s’agit pas de réformer la métropole, mais de la démonter ».
Mais pas pour Maryse Joissains.« On va travailler maintenant. Les équipes de Martine ont compris qu’on avait eu raison de se battre pendant tant d’années », affirme-t-elle quelques minutes après l’élection, louant les qualités de Martine Vassal. « Elle est intelligente, déterminée et courageuse, avec ça on va y arriver ».
Aller chercher de l’argent à l’Etat
Pour la présidente, la Métropole doit s’imposer comme un outil permettant d’engager des actions structurantes dans l’espace territorial. Le début de la mandature devrait être consacré au travail collectif sur une réforme de la loi. Objectif : « proposer aux instances nationales un cadre renouvelé et surtout adapté aux réalités de notre territoire et notre métropole et bien sûr aux réalités et aux enjeux de nos communes. Je m’y engage personnellement ». Ce à quoi répond le maire de Martigues : « soyons sérieux, ce n’est pas nous, ici, qui allons la changer. Gaudin pensait le faire déjà et ramener des sous de Paris… »
Maryse Joissains, qui ne veut plus se contenter de « belles paroles » compte bien y parvenir, aux côtés de Martine Vassal, mais aussi avec Michèle Rubirola : « J’irai avec elle [Michèle Rubirola, ndlr] réclamer de l’argent à l’Etat, parce que moi pour le moment, je paye les dettes de la ville de Marseille. (…) Pour mettre en ordre la ville de Marseille, il faudra entre 8 et 10 milliards d’euros. (…) J’ai déjà demandé à Martine Vassal d’aller voir le gouvernement, elle est tout à fait dans cette configuration. Nous allons mettre sur pied notre angle d’attaque à la rentrée, et ça marchera bien, vous verrez ».
Imaginer une nouvelle forme de gouvernance
Outre le fait d’aller taper à la porte de l’Etat, Martine Vassal entend s’appuyer sur les travaux menés au sein de « Marseille Métropole Audacieuse », lancé avant la campagne des municipales.
Plus qu’un laboratoire d’idées, au sein duquel s’est impliquée la société civile, il a permis selon elle de « poser un diagnostic », et dresser des pistes d’actions et des axes stratégiques. « J’ai pu mieux percevoir les enjeux du développement économique, de l’aménagement du territoire, de la mobilité, de la transition écologique… Autant de problématiques qui nous permettront de mieux répondre aux aspirations de notre jeunesse, autant de questions qui nous permettront de répondre aussi à l’équité sociale et l’inclusion… »
L’autre défi : imaginer une nouvelle forme de gouvernance. À ce titre, Martine Vassal propose la constitution d’un comité des présidents associant la présidence de la Métropole ainsi que les présidents des conseils de territoire, « qui pourra redonner un nouveau souffle à notre projet métropolitain. Et ce projet, nous devons le repenser et le réécrire ensemble ». Un discours qui sonne faux quand l’exécutif est drapé de bleu. « À quoi cela aurait servi de présenter ma candidature, alors qu’il n’y avait aucune chance », lance une élue de gauche , regrettant pourtant le manque de parité.
Une métropole à vocation euro-méditerranéenne
La nouvelle ère métropolitaine passe également par la reconnaissance juridique, donc de la personnalité morale des territoires. « Cette métropole refondée nous assurera aussi le développement de nos territoires et pourra pleinement assurer sa vocation euro-méditerranéenne »
La nouvelle présidente reconnaît le « chantier immense » et ne sera pas épargnée, y compris par les maires qui lui ont accordé leur confiance, issus de sa propre famille politique. Mais elle l’affirme « notre volonté est totale ».