La crise sanitaire et le confinement ont entraîné une crise économique de grande ampleur pour les commerces. Avec la mise en place des mesures barrières depuis le déconfinement, les conditions sont rudes pour les commerçants qui entament leur reprise, les obligeant à repenser leur stratégie.

A l’occasion d’un entretien avec Guillaume Sicard, président de la Fédération des commerçants du centre-ville de Marseille et gérant de la boutique Marseille en vacances, qui se tient à deux pas du Vieux-Port, nous avons pris le pouls de la situation du commerce en centre-ville, deux semaines tout juste après le déconfinement de la population et la réouverture des boutiques.

Made in Marseille : Bonjour Guillaume Sicard, quel premier bilan tirez-vous deux semaines après le déconfinement ?

Guillaume Sicard : Nous étions un peu dans l’inconnu, nous ne savions pas comment ça allait se passer, mais, aujourd’hui, après ces deux semaines, nous avons un regard plutôt positif sur notre réouverture, tout en sachant que la situation reste sur le fil du rasoir. Nous ne pouvons parler que globalement, les typologies de magasins sont différentes, et le bilan est un peu mitigé. Certains marchent, d’autres pas. Je pense qu’il y a cet effet de consommation locale qui apparaît de plus en plus sur les commerces indépendants.

On est arrivé nous, concept stores, à garder des liens via les réseaux sociaux pendant le confinement. Cela nous a garanti qu’il y a une vraie volonté des clients de nous soutenir. Ça fait du bien, à la fois niveau économique mais aussi au coeur, les retours sont positifs, les personnes sont revenues dans nos commerces parce qu’elles avaient des achats à rattraper et pour nous apporter leur soutien.

, Déconfinement : quelle perspective pour le commerce du centre-ville de Marseille ?, Made in Marseille
Le 9 avril dernier, Guillaume Sicard interpellait sa communauté Facebook avec un message clair « Vous nous manquez » invitant ses abonnés à le retrouver sur son commerce en ligne. Le post a recueilli des dizaines de messages de soutien.

Des stratégies de communication spécifiques ont-elles été mises en place pour maintenir le lien avec les clients ?

La Fédération Marseille Centre a beaucoup communiqué pendant deux mois sur Instagram sur les commerces de bouche, de proximité, des premiers drive, du clic and collect. Ça a été un travail de titan sur la mise en avant des commerces indépendants pendant le confinement. C’est notre rôle associatif, et il est important.

Ensuite, chaque boutique a communiqué auprès de sa communauté. Nous, en tant qu’association, avons fait des lives sur la Corniche dans le périmètre de 1 km, donc on a, en quelque sorte, fait sortir les internautes de chez eux par vidéo ! On a même proposé des cours de yoga en direct et d’autres activités. En fait, nous avons changé notre manière de communiquer. Je me suis mis moi-même davantage en avant sur les réseaux sociaux, j’ai incarné le commerce. Et par exemple, Marie-Pierre Cartier a beaucoup travaillé aussi avec ses équipes sur ce que nous mettions en oeuvre pendant confinement. Il y a un côté très humain dans la relation digitale. Et un développement patent de la vente via internet.

A ce propos, quel regard portez-vous sur la transition digitale du commerce ? Cette crise va-t-elle accélérer la transformation des usages ?

Cela soulève deux points : d’un côté, nous avons le commerce individuel. Nous avons la chance d’avoir des commerces dans le monde du digital, d’avoir une présence sur les réseaux sociaux, car en les utilisant, c’est comme si on multipliait notre vitrine. Par exemple, pendant le confinement, tout était fermé mais nous avions une grosse visibilité pour les clients. C’est magique d’avoir ces outils digitaux, ils sont devenus indispensables pour chaque commerce, permet d’animer une communauté, de fédérer des internautes et de pouvoir apporter d’autres informations. 

D’un autre côté, il y a le collectif. On parle beaucoup de la tendance du clic and collect au niveau des métropoles. Nous travaillons actuellement avec d’autres structures sur une réflexion plus globale de ce mode de consommation. Nous pensons qu’il serait judicieux de travailler sur une marketplace nationale pour fédérer les commerces indépendants à un niveau plus large, car nous sommes faisons face à de « gros concurrents », comme Amazon et autres grands groupes.

L’idée est de créer une plateforme, un outil collectif pour aider les commerçants des régions françaises. L’idée serait que cela soit chapeauté par l’Etat, que ce soit une aide qui réponde à des problématiques locales, pour que chaque client puisse se renseigner sur les produits qu’il peut trouver un peu partout en France. Gardons en tête que nous pouvons apporter beaucoup plus que ces grosses firmes, nous avons des vitrines.

D’autre part, de nombreux services peuvent se greffer dans le digital, on y travaille comme la création de conciergeries, la livraison propre, sans CO2, etc. C’est ce qu’on peut mettre sur une plateforme de e-commerce même indépendamment. On a travaillé pendant le confinement sur des chèque cadeaux avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCIAMP). Ce dispositif va notamment permettre d’avoir une économie circulaire dans le département. Il y a donc de nombreuses solutions post confinement. Nous parlons de consom’acteur, et cela rentre dans cette organisation, tant au niveau des grandes que des petites entreprises.

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Quel est le ressenti des commerçants du quartier depuis la crise ?

Le retour des commerçants n’est pas évident, forcément. Il y a une baisse du chiffre d’affaires donc des difficultés. Cela reste du commerce. Certains fonctionnent bien, comme Les Ateliers français de confection qui font un bon redémarrage, et certaines structures se remettent bien en marche, même si ce n’est pas l’apothéose. Tant que nous n’aurons pas les cafés et les restaurants et que la limite des 100 km ne sera pas levée, il y aura un manque dans le centre-ville. En effet, c’est plus agréable pour les passants de faire les boutiques plus d’aller se rafraîchir en terrasse, c’est une autre dynamique plus attractive.

Cela dit, nous commençons à avoir de nouveau un véritable coeur de ville, grâce à la piétonnisation, notamment place de l’Opéra, et la place Charles de Gaulle qui, dans les prochains jours, ne sera plus en travaux. Cela nous donne une bonne perspective.

Et les clients, quels sont leurs premiers ressentis ?

Nous avons lancé, conjointement avec la métropole et la ville, un plan de communication pour que les clients reviennent, avec des slogans tels que « Vous nous avez manqué », « Consommez local ». Nous voulons leur dire que l’on s’adapte par rapport aux grandes chaînes pour recréer la confiance dans les points de vente. Instinctivement, tous les patrons ont mis en place des mesures barrière. Au niveau sanitaire, cela fonctionne. Certains client restent réticents, c’est normal. Mais d’autres sont rassurés et contents de revenir. Il y a un réel changement dans leur consommation, ils doivent parfois faire la queue ou attendre dans la rue. Tout cela est un peu nouveau mais ça fonctionne.

Comment pensez-vous que la saison estivale va se dérouler ?

Nous nous trouvons dans la même situation qu’à notre réouverture, nous ne savons pas comment cela évoluera. Il y a toujours cette notion de liberté de circulation sur le territoire français qui freine, les réservations d’hôtels se font tard, et les annonces officielles à ce sujet se font attendre. Quand nous saurons, les gens pourront se projeter. Notre but est de les accueillir dans notre belle région, avec les plages, j’espère. Cela reste l’inconnu. Je le vois en deux phases : juillet et août sera une belle saison économique, mais en octobre cela s’annonce plus compliqué. 

Les soldes d’été devraient avoir lieu cette année du 24 juin au 28 juillet. Bruno le Maire se dit favorable à les décaler. Quel est votre avis là-dessus ?

Il faut les décaler. C’est vital pour les commerçants indépendants, nous devons garder une marge. Certains peuvent se permettre de faire des prix cassés, pour notre part c’est beaucoup plus complexe. Les soldes devraient avoir lieu aux alentours du 15 juillet pour cette seule raison.

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